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AWA MARIE COLL SECK PARLE D’UN RECUL REGRETTABLE DANS LA LUTTE CONTRE LA POLIO EN AFRIQUE

La poliomyélite est une maladie infectieuse très contagieuse et partiellement mortelle. Elle avait été déclarée « éradiquée » en Afrique il y a deux années mais a fait sa réapparition dans des pays du continent dont le Sénégal où la situation est tout de même maitrisée. Selon l’ancienne ministre de la Santé, Pr Awa Marie Coll Seck, la résurgence des cas de poliomyélite constitue un recul regrettable.

Le poliovirus sauvage, agent pathogène responsable de la poliomyélite, a été officiellement déclaré «éradiqué» du continent africain en août 2020 par l’Organisation mondiale de la Santé (Oms). Ceci, après quatre années consécutives sans cas déclaré. Grâce à la vaccination, le virus a reculé avant de disparaitre dans la plupart des pays. Mais, de plus en plus de pays africains font face à la résurgence de cette maladie moins de deux ans après que le continent ait été déclaré exempt de poliovirus sauvage par l’Organisation mondiale de la Santé (Oms).

 Au Sénégal, d’importants progrès ont été faits pour l’éradication de la maladie. Jusqu’en 2010, aucun cas de poliomyélite n’avait été signalé dans le pays avant sa réapparition 10 ans après, en janvier 2021. Faisant la situation, le chef de la division « surveillance épidémiologique » au ministère de la Santé et de l’Action sociale, Dr Boly Diop, parlait de 10 cas au niveau national à la date du 21 mai 2021. Dans le détail, il s’agissait de trois cas environnementaux trouvés dans des eaux usées, et sept cas humains identifiés à Touba et Diourbel. Quelques temps après, le 09 juin 2021, Dr Diop fera état de sept autres nouveaux cas portant le nombre total à 17 cas. Une résurgence de cas qui avait interpelé les autorités sanitaires du pays. En effet, dès l’annonce de la réapparition de la maladie au Sénégal, le ministère de la Santé et de l’Action sociale et ses partenaires avaient organisé la riposte à travers des journées nationales de vaccination contre la poliomyélite dans la période du 25 du 27 février 2022.

Une situation dite maitrisée selon le Dr Badiane

Selon le coordonnateur du programme élargi de vaccination au Sénégal, Dr Ousseynou Badiane, la situation est maitrisée. Dr Ousseynou Badiane révèle que notre pays est d’ailleurs dans la phase d’éradication de la maladie. «Non seulement on surveille le virus chez les malades, mais on surveille aussi le virus dans l’environnement» assure-t-il.

Parlant de cette surveillance épidémiologique, le pédiatre Dr Jean-Baptiste Diouf a expliqué sur les ondes de la RFM que «c’est surtout une surveillance des eaux usées pour voir s’il y a ou pas la présence du virus. Dans les structures de santé, on guette les cas de paralysie flasques qui se manifestent sous la forme d’un membre (main ou pied) qui ne bouge pas, qui est inerte. Devant ce cas, une série d’investigations est menée et des prélèvements sanguins et surtout de selles sont faits dans des conditions minutieuses avant d’être envoyés dans des laboratoires pour confirmer ou infirmer la présence du virus». A côté de la surveillance épidémiologique, dit-il, il y a le vaccin. Après la réapparition du virus en 2021, le Sénégal a déployé la surveillance épidémiologique. Une action combinée à un renforcement de la protection vaccinale par des journées de rattrapage contre la polio pour les enfants de trois à 59 mois. Ce qui a permis de vacciner, en une année, plus de trois millions d’enfants de moins de 5 ans. La campagne a commencé à Diourbel, la région la plus impactée.

Une menace pour les enfants

Les spécialistes de la santé sont unanimes pour dire que tant que la poliomyélite existe quelque part dans le monde, elle constitue une menace pour les enfants. La présence de nouveaux cas demeure donc une insécurité pour tous les enfants à travers le monde. La vaccination est gratuite et est le moyen le plus efficace pour protéger les enfants contre la poliomyélite. Dr Ousseynou Badiane, coordonnateur du Programme élargi de vaccination au Sénégal, affirme qu’»en 2022, nous parlons toujours de la poliomyélite, une maladie que nous pensions éliminée. Avec la pandémie de la Covid-19, il est d’autant plus important de renforcer la vaccination de routine et assurer l’accès à la vaccination aux enfants vivant dans des zones difficiles d’accès. La vaccination contre la poliomyélite est gratuite et sauve des vies. Une surveillance post-élimination doit être poursuivie pour s’assurer que chaque enfant de 0 à 5 ans ait la chance de grandir en bonne santé», a-t-il dit.

Pour sa part, l’ancienne ministre de la Santé sous le régime du président Me Abdoulaye Wade, Pr Awa Marie Coll Seck, considère que la résurgence des cas de poliomyélite est un «recul regrettable», une «menace grave pour toutes et tous». Selon la spécialiste des maladies infectieuses, «l’initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite estime que si la maladie n’est pas éradiquée d’ici dix ans, jusqu’à 200 000 enfants pourraient être paralysés par la poliomyélite chaque année».

 En revanche, dit-elle, «l’éradication de la maladie permettrait d’éviter jusqu’à 50 milliards de dollars Us en dépenses de santé au niveau mondial pour les 20 prochaines années. En 2021, 25 millions d’enfants dans le monde n’ont pas reçu une ou plusieurs doses de vaccins qui les auraient protégés contre la diphtérie, le tétanos ou la poliomyélite selon l’Oms. En Afrique plusieurs raisons expliquent cette absence de vaccination notamment la réticence des populations, les conflits, les rumeurs, la faiblesse du système de santé et d’assainissement, mais surtout l’hyper-dépendance vaccinale du continent. Aujourd’hui encore, l’Afrique importe 99 % des vaccins de routine alors qu’elle représente un quart de la demande mondiale de vaccins de toute nature. Dans certains cas, cette dépendance aux importations, et les pénuries chroniques qu’elle entrain, nourrit l’hésitation des populations face aux vaccins». A l’occasion de la journée mondiale contre la poliomyélite, Pr Awa Marie Coll Seck invite à investir dans le développement d’infrastructures locales de production de vaccins. Ce qui, selon l’ancienne patronne d’Onusida, est donc un besoin vital et urgent pour le continent africain. En cela, dit-elle, l’élan impulsé par la Covid-19 dans certains pays comme le Sénégal et le Rwanda ne doit pas s’estomper. «En juillet 2021, le Sénégal a acté la création d’une usine de production de vaccins contre la Covid-19 et d’autres maladies endémiques. Un signal fort qui jette les bases d’une souveraineté pharmaceutique et médicale indispensable pour garantir l’accès aux vaccins et préserver la santé des populations en Afrique. (…) Il est crucial que les pouvoirs publics, mais aussi le secteur privé, priorisent le développement d’une expertise scientifique africaine à travers le financement endogène de la recherche et développement» estime l’ancienne ministre de la Santé.

 Pr Awa Marie Coll Seck déclare ainsi que le prochain Forum Galien Afrique offrira une opportunité à la communauté scientifique, à la société civile, au secteur privé et aux pouvoirs publics africains de réfléchir aux mécanismes innovants de financement de la santé pour tendre vers la couverture sanitaire universelle. Elle pense que «ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons renforcer nos systèmes de santé face aux résurgences de maladies infectieuses anciennes et de nouvelles épidémies qui nous menacent».

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