OUI AUX PRÉPA, MAIS AVEC TOUTES LES COMMODITÉS REQUISES !
Le chef de l’Etat Macky Sall a annoncé, lors de la cérémonie de remise des prix du Concours général 2022, l’ouverture au Sénégal de classes préparatoires aux grandes écoles internationales pour les meilleurs élèves de nos établissements secondaires. Les acteurs de l’Education approuvent l’idée tout en invitant le président Sall à mettre les moyens nécessaires avec toutes les commodités pour la réussite du projet.
Le chef de l’Etat, lors de la remise des prix du concours général, édition 2022, a demandé au ministre de l’Enseignement supérieur de ne plus envoyer «nos» meilleurs élèves à l’Etranger. Il en a profité pour annoncer l’ouverture de classes préparatoires au Sénégal. «Ne nous prenez pas les meilleurs pour les envoyer à l’Etranger maintenant que nous allons ouvrir les grandes classes préparatoires au Sénégal. Nous allons former les meilleurs ici. Il serait dommage qu’avec tant d’efforts nos meilleurs élèves aillent pour faire des facultés ailleurs alors qu’on a la possibilité de faire des prépas scientifiques au Sénégal. Nous n’avons plus besoin d’envoyer nos meilleurs produits à l’Etranger. L’Etat va mettre en place un dispositif nécessaire pour encadrer nos excellents élèves. Il va mettre en place des établissements prestigieux et des classes préparatoires pour les sciences et les autres filières dans le but de les former ici avec tout ce qu’il faut», a-t-il dit. En faisant cette annonce portant sur l’ouverture de classes préparatoires (Prépa) aux grandes écoles européennes, américaines, anglaises… le président Sall semble décider de ne plus investir à perte vu le taux de perdition de nos meilleurs élèves orientés à l’Etranger notamment en France. Les acteurs de l’école trouvent «salutaire» cette décision si et seulement si l’Etat offre à ces petits génies les conditions pour exceller ici au Sénégal.
Une idée approuvée mais…
Le secrétaire général du Sels (Syndicat des enseignants libres du Sénégal) Authentique, Abdou Faty, approuve l’idée mais avec un certain nombre de conditions. «Nous l’avons tous constaté. Le chef de l’Etat a demandé de tout faire pour que les écoles préparatoires puissent démarrer à Dakar. Cette fois-ci, il a demandé que ça démarre cette année même. Je n’y trouve pas d’inconvénient. Parce que amener nos fils à l’aventure en Europe avec ce monde ouvert, c’est parfois un danger. Le plus patent reste l’affaire Diary Sow. Mais si les ressources sont disponibles et les infrastructures aussi, pourquoi pas ? On doit faire comme la Côte d’Ivoire et le Maroc. On doit avoir nos propres classes préparatoires. De cette façon, nos enfants deviendront plus mûrs avant d’être envoyés ailleurs».
Pour le syndicaliste Faty, c’est une bonne option si l’initiative est bien préparée et bien planifiée. «Il faudrait que les autorités y mettent tous les moyens, surtout un environnement de qualité comme au Maroc. Les ressources humaines de qualité sont à foison au Sénégal comme partout ailleurs. C’est plus pertinent de faire les prépas ici. Ceux qui ont de l’argent, libres à eux d’envoyer leurs enfants à l’Etranger. Mais on doit croire à notre système éducatif et à nos ressources humaines. Les concours d’entrée à l’international, ce sont les Marocains qui viennent toujours en premier. Pour le cas du Sénégal, c’est bien possible. La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. Mettons juste les moyens. On pourra compétir après», propose Abdou Faty, le secrétaire général du Sels/Authentique. Il pense que les meilleurs élèves, préparés ici, seront plus enclins à revenir que ceux qui ont quitté le pays très tôt.
Trouver une plage pour faire éclore les classes prépa
Amidou Diédhiou, lui, explique que les classes prépa prônent l’excellence et montrent que dans notre pays nous avons des talents. Il estime qu’il nous faut trouver «une plage pour leur permettre d’éclore. Un espace qui permette donc à ces esprits fertiles de pouvoir être propices et utiles à la Nation. En termes d’environnement, dit-il, «ils sont chez eux, ils ne sont pas dépaysés». Or, ailleurs, «ils sont obligés d’abord de se familiariser». Mais, M. Diédhiou pense que l’effet d’annonce ne suffit pas. Il demande surtout «d’aller jusqu’au bout des choses. Les classes doivent venir après l’installation suffisante de lycées d’excellence partout au Sénégal. Cela doit se faire concomitamment. Cela va crédibiliser le système et permettre à nos enfants d’évoluer dans le pays, revenir et y servir. Déjà, l’incitation aux matières scientifiques, c’est un couronnement. On ne peut que s’en féliciter. Mais il faut aller aux actes. On n’improvise pas. Il faut planifier pour éviter les blocages. Il fait avoir l’avis de tous les acteurs de l’Education nationale». Il est formel. «Les classe prépa ne sont pas les universités elles-mêmes. C’est comme si on réduisait le temps que l’élève allait passer à l’extérieur. C’est plus bénéfique que désavantageux. C’est un choix que les gens font. Ils font la promotion du Sénégal. Il peut réussir si et seulement si on prend à bras le corps l’accession de l’école sénégalaise. Il faut surtout améliorer le cadre d’études (enseignant, école, élève). Et surtout motiver le premier intrant qu’est l’enseignant».
Son camarade syndicaliste et secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Saemss), Saourou Sène, lui, relève un point très important. «Cela coïncidait avec l’affaire de l’Iam où des étudiants ont été amenés faire un voyage d’études en France. Arrivés dans ce pays, certains parmi eux ont pris la poudre d’escampette». Il souligne que lorsque le chef de l’Etat décidait de l’ouverture des classes Prépa au Sénégal, c’était pour permettre aux jeunes intelligents et doués d’être mieux préparés ici même. Saourou Sène trouve «excellente» cette idée de mieux préparer les cracks à domicile. Mais, dit-il, le préalable est que ces classes répondent aux normes et reçoivent l’investissement qu’il faut. «Si tel est le cas, on pourra apprendre à maintenir nos meilleurs élèves au Sénégal. Il faut que ces classes préparatoires soient dotées de toutes les commodités en termes de logistique nécessaire, de cadre adéquat, de technique, de technologie… Si cela est, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on maintienne les meilleurs au Sénégal. Les Marocains reconnaissent que la Faculté de médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar est l’une des meilleures en Afrique». En d’autres termes, le secrétaire général du Saemss considère que si «nous faisons l’effort de faire de bonnes Prépa, avec toutes les commodités techniques, technologiques… on peut réussir ce projet».
Démocratisation du système éducatif Pour Amidou Diédhiou, il faut la dimension démocratisation du système éducatif pour éviter que ces classes reproduisent une sorte de discrimination. Saourou Sène embouche la même trompette. Il pense surtout que l’Etat n’a pas le droit de supprimer complètement les bourses étrangères. «Quelle que soit la situation des Prépa au Sénégal, si un élève fait un choix, on doit lui donner cette possibilité d’aller continuer ses études là où il désire» estime-t-il. C’est acté donc. L’Etat ne va plus envoyer des cracks en Europe ou aux Etats Unis pour les classes préparatoires aux grandes écoles. Seuls les fils de… auront la possibilité d’aller continuer leurs études à l’Etranger. Les fils de pauvres, quelles que soient leurs performances, resteront au Sénégal. N’est-ce pas là aussi une inégalité des chances ?
A ce propos, Saourou Sène considère que «le monde ne sera jamais un monde juste. Il n’y a pas une démocratisation de l’école. Les possibilités n’étant pas les mêmes, les compétences ne pourront pas être les mêmes» soupire le patron du Saemss.