Tout n’est pas politique (Par Mary Teuw Niane)*
Lorsqu’on est jeune, que l’on s’engage dans l’action politique, face aux inégalités criantes, aux injustices écœurantes, aux iniquités révoltantes, aux arrogances qui vous fendent le cœur, on a souvent la tentation facile de tout ramener à la politique. D’analyser les causes et de bâtir les solutions à partir d’une posture politique qui finit par être manichéenne : opposition contre pouvoir ou bien pouvoir contre opposition.
Tout devient binaire : le pouvoir et l’opposition, le bien et le mal, la réussite et l’échec, la corruption et l’intégrité, l’ordre et le désordre, l’autorité et l’indiscipline.
Pour le jeune qui soutient le pouvoir à force de minimiser les insuffisances, les fautes et les échecs et à entonner la chanson des réalisations non seulement il perd sa crédibilité auprès de sa génération mais il butte sur un sentiment qu’il a du mal à comprendre parce que très peu formé.
Notons que la formation politique est négligée par les partis au pouvoir depuis la chute du Parti Socialiste.
Ce sentiment est ce que les wolof appellent le jeppi.
Le jeppi provient de l’accumulation de petites entorses aux valeurs de la société et à la culture des populations. L’arrogance, l’accaparement des biens publics, l’injustice et le favoritisme familial sont dans notre pays des facteurs essentiels dans son intériorisation par les populations.
Sunu la jeppèe loo mënti def ken du ko gis.
Si la population en a marre, aucune réalisation ne retient ni son attention encore moins sa considération.
Le jeune ne comprend plus ce qui arrive à son régime, il est déboussolé comme d’ailleurs le sont les adultes. Rien ne fonctionne: les populations deviennent aphones et aveugles au langage des réalisations visibles et audibles et aux incitations combien tentantes de l’argent, des décrets et des arrêtés.
Pour le jeune qui est dans l’opposition le risque est dans l’espoir que le changement de régime va apporter rapidement les solutions aux problèmes qui sont à la base de son action militante.
La complexité de la gestion du pouvoir, des solutions à apporter aux problèmes rencontrés, des intérêts qui traversent la société et des relations internationales dans lesquelles nos pays sont immergés, est telle que toute lenteur, toute demi-mesure et tout changement d’attitude seront taxés de reniement voire de trahison.
C’est pourquoi l’éducation politique et citoyenne est essentielle pour former des jeunes engagés, conscients des défis qui se posent dans les transformations à venir de la société.
Le fanatisme et le soutien aveugle se transforment facilement en révolte et haine comme d’ailleurs l’amour aveugle conduit au suicide ou à l’assassinat.
Lorsque nous étions jeunes nous voulions être « des jeunes techniquement compétents et politiquement engagés».
Il faut conquérir la connaissance et la compétence mais il faut aussi comprendre les soubassements et la finalité de l’engagement politique. S’engager résolument, consciemment et humblement!
Comprendre que l’être humain, ses activités et ses actions sont accompagnées de ressentis, de sentiments et d’idées qui participent à la formation de son opinion, de sa disposition à subir ou à agir, est important pour ne pas subir un réveil brutal ou une déception anéantissante. Et surtout pour réunir autour de sa cause la majorité de la population.
Gardons à l’esprit que tout dans la société ne se résume pas à la politique. Perdre de vue cela conduit inéluctablement à demeurer une minorité électorale.
Dakar, lundi 15 août 2022
#MaryTeuwNiane #Politique