Pape Diop enterre ses sept chantiers (Par Momar Dieng)
Avant les législatives, l’ancien président de l’Assemblée a agité plusieurs dossiers symboles, selon lui, de la mal gouvernance instaurée par Macky Sall. Recruté en député VIP sauveur du camp présidentiel, il a dit adieu à ses velléités d’opposant, déclare Momar Dieng dans cette tribune.
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C’est avec fracas mais sans grande surprise que l’opposant Pape Diop, député élu à l’issue des élections législatives du 31 juillet 2022, a rejoint le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), lui assurant ainsi une majorité dans la nouvelle assemblée nationale sénégalaise. Un choix diversement apprécié.
Autant il vient opportunément au secours du président de la république Macky Sall menacé par une cohabitation inédite au cœur de la représentation nationale. Autant il a « déçu » l’inter-coalition d’opposition Yewwi-Wally qui espérait placer des grains de sable dans une machine automatique sans valeur ajoutée pour l’institution parlementaire.
Dans une majorité hétéroclite ou cohabitent depuis dix ans libéraux entrepreneurs, sociaux et plus ou moins conservateurs, socialistes de tendance socio-démocrate et progressiste, gauchistes anarcho-libertaires et politiciens inclassables ouverts à tous les vents du genre traficoteurs de numéraires et documents de voyage, Pape Diop, ci-devant président de l’assemblée nationale devra trouver sa place, lui homme d’affaires pragmatique converti à la politique à partir de sa rampe de lancement de la plage de Soumbédioune. Une place à partir de laquelle il pourrait racheter une once de crédibilité après ce qui a été considéré comme une trahison de tout ou partie de ses électeurs : son ralliement à la majorité présidentielle alors qu’il a fait campagne en opposant.
Opposant, Pape Diop l’a été durant une vie, celle de ses ressentiments contre la gouvernance de Macky Sall. « Depuis 2012, il s’est passé beaucoup de choses dans ce pays. Et si on ne fait rien, ce sera la catastrophe », disait-il dans l’émission « Autour du micro » sur le site Dakarmatin.
À l’appui de son courroux, sept dossiers emblématiques, selon lui, des pratiques non transparentes du régime Sall.
Dossier 1 : l’institution du visa d’entrée au Sénégal.
« A son arrivée, Macky Sall décide d’instituer le visa d’entrée pour les ressortissants étrangers. L’argent était versé dans les comptes d’un individu (…) Trois ans après, il abandonne le projet et dédommage ledit individu à hauteur de 12 milliards de francs CFA. Cette affaire doit être éclaircie. »
La personne mise en cause est Adama Bictogo, actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Il était d’ailleurs à Dakar au mois de juin dernier pour délivrer un discours devant les députés sénégalais.
Dossier 2 : affaire Arcelor-Mittal
« Le président Abdoulaye Wade réclamait 2500 milliards de francs CFA à la multinationale indienne (pour rupture unilatérale de contrat). Macky Sall qui lui a succédé à la tête du pays a abandonné le contentieux judiciaire et obtenu 75 milliards de francs CFA. Vous vous rendez compte, de 2500 à 75 milliards !!! Encore que seuls 70 milliards de francs CFA sont entrés dans un premier temps (car) c’est bien après qu’ils ont fait une loi de finance rectificative pour intégrer les 5 autres milliards. Où étaient passés ces 5 milliards si on sait que les 75 milliards avaient été payés en intégralités ?
Cela doit être éclairci. »
Dossier 3 : Centre international de conférence Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio
« (Les autorités) disent l’avoir construit avec 60 milliards de francs CFA. Il faut éclaircir ce dossier. »
Dossier 4 : Gaz et pétrole
« Dès 2012, son frère se retrouve dans une nouvelle société au capital social de 10 millions de francs CFA. On leur donne des blocs qui sont revendus.
Cela doit être éclairci. »
Il fait référence au business développé par Aliou Sall, frère cadet du président Macky Sall, avec l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis à partir des blocs pétroliers découverts au Sénégal.
Dossier 5 : La ville nouvelle de Diamniadio
« Il parait qu’un jeune est attributaire de l’assainissement (dans cette ville nouvelle de Diamniadio) à 150 milliards de francs CFA. Il aurait encaissé l’argent avant même d’avoir fait quelque chose…
Il faut qu’on en parle. »
Dossier 6 : AIBD
« Le coût de construction de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD), c’était à moins de 500 milliards de francs CFA. Avec les avenants, on est monté à plus de 700 milliards de francs CFA.
Or, à l’arrivée de Macky Sall au pouvoir en mars 2012, l’aéroport était achevé à 80% et le président Wade devait l’inaugurer en décembre 2012.
Ils ont fait exprès de retarder son achèvement en enlevant Bin Laden Group pour placer les Turcs qui en sont les décideurs tout-puissants.
Cette affaire doit être éclaircie. »
(Ndlr : c’est le consortium turc Summa-Limak qui a fini l’aéroport ouvert en décembre 2017)
Dossier 7 : TER
« On nous a dit que le Train express régional (57 km) a coûté 728 milliards de francs CFA. Comment ce TER sénégalais (57 km) peut-il être plus cher que le TGV du Nigeria dont le 1er tronçon (187 km) a coûté 552 milliards de francs CFA ?
Les explications qui nous ont été données ont été si alambiquées qu’il y a nécessité d’éclaircir cette affaire. »
Dans sa posture d’opposant à Macky Sall, Pape Diop, doté d’une véritable expérience parlementaire à travers l’Assemblée nationale et le Sénat, aurait sans aucun doute appuyé les initiatives visant à instituer des commissions d’enquête parlementaire pour certains de ces dossiers qui lui tenaient à cœur il y a encore quelques mois.
Nouveau membre VIP du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, Pape Diop pense désormais certainement à autre chose. Comme profiter de son nouveau statut de « sauveur de la république démocratique du Sénégal » offert par son mentor du palais de l’avenue Senghor, en attendant un fromage plus concret dans l’appareil de l’Assemblée nationale.
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