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« L’éclatement de la bulle AAR Sénégal: autopsie d’une déroute prévisible », (par Mouhamadou Sarr)

On a connu en France l’épilogue du phénomène Eric Zemmour lors des élections présidentielles de 2022. Longtemps présenté par les sondages comme le possible troisième homme et peut-être même le challenger direct du président sortant au second tour, le journaliste a finalement pris la 4e place loin derrière Lepen et Mélanchon avec 7% des voix. Un récit semblable s’est reproduit lors des joutes électorales de juillet 2022 au Sénégal avec la coalition AAR Sénégal dirigée par le brillant ancien ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall.

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Au sortir des élections locales de janvier 2022, les collectivités locales étaient partagées par les deux plus grandes coalitions Benno Bok Yakaar et la coalition Yewwi Askan Wi; la coalition Wallu Sénégal, légèrement servie, occupe la troisième position. Six mois après, devaient se tenir les élections législatives. Avertis qu’il y a de la place à se faire et de se constituer la troisième voie alternative à celle de Yewwi et Benno, de charismatiques leaders politiques ayant une bonne visibilité à l’échelle nationale et même internationale se sont réunis pour mettre en place la coalition Alternative pour une Assemblée de Rupture (AAR Sénégal). Il n’y a pas au Sénégal de système de sondage tel qu’il se pratique en France, mais beaucoup auguraient une éclatante percée de cette nouvelle coalition. Finalement la bulle AAR Sénégal s’est vite dégonflée au soir du 31 juillet comme le phénomène Zemmour; la coalition a fini 4e avec un seul député acquis selon le système du plus fort reste.

C’est avec regret que nous observons les leaders de ladite coalition analyser cette débâcle de manière frivole. Sachant que le résultat de la coalition n’a jamais été une surprise pour les plus avertis qui suivent avec beaucoup d’intérêts la politique sénégalaise, ces trois points nous semblent importants pour faire l’autopsie d’une telle défaite.

Ils animent la sphère médiatique sans base politique

La coalition a été mise en place par de brillants intellectuels tels que Thierno Alassane Sall, Dr Abdourahmane Diouf, les honorables députés Thierno Bocoum, Cheikhou Oumar Sy, Marieme Soda Ndiaye etc… A l’approche des élections Barthelemy Dias était assuré de conquérir le département de Dakar pour la coalition Yewwi, Ousmane Sonko pouvait sans aucun doute promettre le département de Ziguinchor à sa coalition, de même pour Ahmed Aïdara concernant le département de Guédiawaye. Aucun des leaders de la coalition AAR Sénégal ne pouvait se permettre de promettre un département, une commune, un centre de vote ou même un bureau de vote à sa coalition. Nos pertinents et charismatiques leaders avaient beau brillé de mille feux au petit écran, mais il reste qu’ils n’avaient rien de concret à mettre sur la table. Il est certes important d’avoir une forte capacité oratoire mais le plus important c’est le pouvoir d’influence car le peuple reste l’unique maitre du jeu. Si on veut exister durablement en politique il faut avoir une base politique solide.

Thierno Alassane Sall (TAS) et le message brouillé

Être capable de communiquer avec autrui et à l’influencer est un art. Tout doit être réglé, mesuré au détail près. TAS a été perdu par une ‘Sonkophobie’ infertile au grand dam de la coalition. Durant les évènements du mois de mars 2021, quand tous les leaders de l’opposition, personnalités publiques etc…se défilaient chez Sonko pour le soutenir, Thierno avait préféré prêter main forte à Me El Hadji Diouf, l’avocat de Adji Sarr et détracteur juré du leader des patriotes pour le soutenir du fait de sa maison caillassée par les jeunes. Depuis ce temps, TAS est dans une dynamique de dénigrement permanent à l’encontre de Sonko et de ses alliés. Selon lui, la façon dont le leader de Pastef s’oppose n’est pas républicaine. Il a le droit de ne pas partager la vision du Président Sonko, c’est aussi normal de ne pas être assis sur les mêmes choix. En Afrique les opposants sont hélas dans une prison à ciel ouvert, ils sont traqués, suivis, complotés, calomniés… Au Sénégal en particulier, le statut du chef de l’opposition existe dans la constitution mais le pouvoir en place a refusé de le mettre en application. S’ils s’y adonnent, ils vont apporter leur contribution à l’avancé de la démocratie afin d’étoffer leur maigre bilan matériel. Le fait que TAS soit opposant dans ces conditions et continuer à critiquer, dénigrer ses compatriotes opposants dans le seul but de les édulcorer davantage est incompréhensible pour le grand public. Il tombe très souvent dans la sourcière des journalistes qui l’invitent à chaque interrogation sur ce terrain car le sujet ‘Sonko’ est substance vendeuse.

Une opposition républicaine: cette manière de s’opposer qu’incarne l’honorable Thierno Alassane Sall est celle qu’il faut dans les conditions normales de démocratie et de liberté (CNDL). Mais face à un état qui n’hésite jamais à utiliser des armes non conventionnelles contre ses antagonistes (administration, armée etc…), ce type d’opposition sera inefficace et inopérant. C’est souvent le mode de gouvernance qui définit le type d’opposition qui va avec.
Dans ces conditions, les opposants africains devraient unir leurs forces et éviter de s’affaiblir mutuellement car ce sont les petites rivières qui forment l’océan.

Les électeurs sénégalais et la stratégie du vote utile

La population sénégalaise est très en avance par rapport à sa classe politique. Les leaders de AAR Sénégal qui évoquent le manque de maturité des électeurs sénégalais ou même des gens manipulés sont complètement passés à côté de leur analyse. Le système d’élection législative que le Président Macky Sall fustigeait en 2011 jugeant qu’il était anti-démocratique l’est effectivement. Imaginons dans un département où il y a une compétition entre 3 coalitions et que la première capitalise 34% des voix et les deux autres, chacune récolte 33% des voix. Celle ayant obtenue 34% des voix aura raflé le nombre de députés en jeu dans le département en question. Dans cette localité les 2/3 de la population n’ont pas choisi ce député qui va devoir les représenter à l’Assemblée nationale et c’est problématique. Dans beaucoup de pays comme la France, un candidat qui n’a pas obtenu 50% des voix au premier tour ira au second tour. Dans tous les cas de figure le député ira à l’Assemblée nationale avec une majorité absolue de sa coalition dans sa localité. Dans le contexte du ‘Raw gaddu’, la dispersion des voix profite toujours au parti au pouvoir ce qui pourrait d’ailleurs expliquer le fait que le Président Sall ne s’est jamais épanché sur la question depuis qu’il est à la tête du pays. Puisqu’une partie de l’opposition sénégalaise a eu la clairvoyance de contourner cette embuche en mettant en place une inter-coalition Yewwi-Wallu à travers le plan Déthié Fall, les électeurs sénégalais mesurent qu’ils ont suivi le processus en préférant le vote utile et éviter d’avantage l’éparpillement des voix de l’opposition.
Les leaders de la coalition AAR avaient adopté la stratégie du ‘nini’ (ni Benno, ni Yewwi) qui les a même poussés à accuser Yewwi et Benno, les principales rivales de vouloir faire des combines pour faire passer leurs listes à la suite de leurs déboires liés à la parité. Il est cependant regrettable de les entendre inopportunément faire le lien entre leur revers et les propos de Sonko selon lesquels ils travailleraient pour le pouvoir. Si leur ruse avait fonctionné, les voix de l’opposition allaient être dispersées ce qui, effectivement, va beaucoup profiter au camp présidentiel. Même si leur plan n’a pas été concluant, les leaders de la coalition AAR Sénégal devraient être invités à se livrer à une analyse beaucoup plus perspicace et profonde de la situation. Time will tell us!

Mouhamadou Sarr
Communication Pastef Canada/ Pastef Khombole

#Déroute #Sénégal

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