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Comme un fleuve qui déborde son lit en période de crue, le hooliganisme politique traverse la rue, franchit les barrières de l’Assemblée nationale et s’implante au cœur de l’hémicycle.

Devant un peuple médusé, des « sans-culotte » à l’urbanité douteuse jettent le pays dans le chaos en foulant au pied les principes, en piétinant les valeurs et en saccageant les installations. Certes, les voyous étaient nettement habillés. Mais ils restent des voyous au regard de leur comportement qui jure d’avec la sacralité des lieux.

Cette souillure restera puante même lavée à grande eau. Attendue pour être une belle fixation, le 12 septembre accouche d’une souris grise agitée sautillant, bondissant sans autre effet que d’irriter ou d’agacer. La 13ème législature se referme sans laisser une forte empreinte dans l‘opinion. La même opinion se hâtait de voir clos ce chapitre de grande comédie de boulevard.

Elle n’était pas au bout de ses peines puisque voilà qu’arrivent des saltimbanques dont les acrobaties n’inspirent que dégoût, répugnance et aversion. Ça n’est que le lever de rideau d’une scène affriolante. Le spectacle commence. La cruauté, revêtue du manteau de l’abjuration, devient maintenant une pratique adoubée dans la sphère politique. L’hérésie a de beaux jours devant elle. Donc rien, à coup sûr, n’arrêtera cet affligeant spectacle.

L’appétit venant en mangeant, les godillots, volant de victoire en victoire, se rendent compte que finalement tout semble facile. A mesure qu’ils gagnent du terrain, ils se rapprochent des lieux de pouvoir dont ils hument les senteurs, découvrant que tout est permis et que le cœur du pouvoir est à un jet de bouteille. Il s’agit pour eux d’un jeu d’autant plus plaisant qu’ils violent les règles et s’amusent même à coloniser l’espace, à déconstruire la solennité des lieux, bref à leur ôter toute sacralité si d’aventure il en restait encore.

Donc le 12 septembre, l’Assemblée nationale a été humiliée. Les fayots ont eu l’outrecuidance d’importer des pratiques de rue en slalomant dans les travées au nez et à la barde des gendarmes dont la présence massive inquiète plus qu’elle ne rassure. Quand les politiciens s’affranchissent de la bonne conduite, les forces de l’ordre montrent le chemin et gare à la désobéissance ! Au juste, y a-t-il une manière politique de dire non à l‘excès ? Le pays dispose de ressources et de ressorts pour surmonter les difficultés.

Cependant, par la faute de certains cette proximité géographique est tentaculaire… A moins d’un rapide ressaisissement, l’acte posé lors de l’installation de la 14ème législature inaugure une ère d’incertitudes avec des acteurs très peu outillés pour « savoir jusqu’où ne pas aller… » Les évènements de 1962 estampillent encore la mémoire collective, presque deux ans seulement après l’indépendance du Sénégal. La crise qui en a découlé vicie toujours l’atmosphère politique de notre pays. C’est dire…

La dégradation de la conjoncture politique saute aux yeux. Macky Sall est-il l’homme de la situation alors que son régime est à la peine ? Sans doute fait-il ce qu’il peut. Mais disons-le tout net : il peut peu.

Il a beaucoup fait pour le pays, certes. En revanche, le contexte est si ingrat que ses réalisations, pour autant qu’elles soient visibles, n’atténuent pas les souffrances et les jérémiades dans le pays. Il le sait. Et devant le Khalife Général des Mourides, Sérigne Mountakha Mbacké, le Chef de l’Etat a évoqué à demi-mots sa postérité.

Cet exercice présidentiel est assez rare pour mériter d’être souligné. Car Macky Sall conjugue son action plus au présent qu’au passé. En convoquant le futur pour apprécier l’œuvre qu’il aura laissée, ouvre-t-il une brèche sur les scénarios possibles ? En se livrant à un soliloque, il se demande sûrement pourquoi ce décalage entre lui et l’opinion, notamment les franges jeunes de la population.

A leur tour les jeunes s’interrogent sur les silences présidentiels devant les excès outranciers notés dans son entourage. Et puis ce déficit de compréhension explique la distance qui se prête aisément à grossir les effets. Très peu de temps lui reste d’ici à la présidentielle de février 2024.

A-t-il les moyens de l’initiative à entreprendre pour inverser la courbe de désaffection ? Quelle démarche doit-il privilégier pour donner du crédit à sa volonté de dissiper les malentendus ? Son style ampoulé est à revisiter pour percer l’étrange mur qui le sépare de cette remuante force iconoclaste prête à brûler les symboles. Si le Président de la République dispose de très peu de leviers, en face ce n’est guère la sérénité.

La fragilité des alliances, avions-nous écrit, constitue le talon d’Achille d’une opposition où prolifèrent les ambitions. Chaque tête qui dépasse se voit en tête d’affiche et entrevoit dès lors un horizon en se montrant plus encline à incarner le leadership. La rupture prônée n’est guère au rendez-vous au lendemain de leur percée aux législatives.

Comme des marchands de tapis persans, ils se sont âprement disputés la redistribution des rentes de situation qu’engendre leur positionnement respectif au sein de l’hémicycle. Ce clivage va davantage s’accentuer à mesure que se rapproche l’échéance fatidique de 2024. N’étant pas soudés autour d’un cercle vertueux, les partis qui forgent l’attelage se divisent déjà sur des strapontins. Ainsi, àqui profiterait l’érosion du front uni de Yewwi ?

Il ne fait l’ombre d’aucun doute que la majorité présidentielle n’est pas confortable. Elle perdrait même le contrôle de l’Assemblée nationale si des députés non inscrits (ou non alignés) ne venaient s’adjoindre à leurs effectifs pour peser sur les rapports de force. Lesquels sont sujets à des fluctuations au gré des humeurs politiques.

La grimace de Mimi Touré sonne comme un avertissement. Elle conserve tout son poids malgré les avatars qui se dressent sur son chemin. La politique c’est plus de l’addition que de la soustraction. Le passé récent de nombre dirigeants renseigne sur les revers de fortunes subis dus essentiellement à des coteries et non à des mérites comme le relève Mme Touré bien que sa campagne ait été infructueuse en tant que tête de liste de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY).

Et si c’était pour voir sa position renforcée ? En sumo (lutte japonaise) comme en politique, l’adversaire, bien que faible, peut s’appuyer sur la force de son vis-à-vis pour le terrasser en le projetant.

Ce paradoxe commence à s’imposer à certains observateurs attentifs aux errements de l’opposition. Elle perd en lucidité et sa fébrilité est désarmante devant des évènements qui nécessitent plus de vigilance et de maturité. Elle doit en outre faire preuve d’audace pour surmonter les fissures qui lézardent sa coalition.

Les Sénégalais, revenus de leurs illusions, n’agréent pas les emportements des imposteurs. Un fond de sagesse veille sur le pays.

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