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QUAND LA DIGNITÉ OUBLIE DE NOUS GOUVERNER

Le Sénégal est en proie à une crise de bêtise, de crédulité et de bestialité trop évidente. La vérité est trop sévère. Nous pouvons affirmer sans crainte d’être démenti que le refus de dépassement s’éloigne, la rigueur s’affaisse, le temps de l’effort et de la réflexion s’amenuisent, l’écoute républicaine s’efface au profit de l’agitation permanente.

La prolifération de la violence verbale et décisionnelle, comportementale et physique a fini par installer le désordre dans l’espace public et au sein de nos institutions.

Le spectacle de l’installation de la XIVème législature est surréaliste. Elire un Président de l’Assemblée nationale sous la surveillance des forces de l’ordre présentes dans l’hémicycle.

Le malaise nous paraît trop réel et sérieux pour que ce texte ne débute par un ton : celui de la gravité. Dès lors, tout silence devient lourd de sens et de conséquences.

Le plus grand malheur qui pourrait donc arriver au Sénégal, à ses institutions et à ses valeurs, du fait des intellectuels, des républicains, serait que par intérêt ou par dégoût, par une sorte de remords et de pusillanimité aussi, d’avoir mal usé de sa liberté, il se laisse doucement enfer- mer dans un silence insensé.

Cette violence nous interpelle furieusement. Elle n’est pas fondatrice. En plus, elle ne peut et ne doit être l’horizon politique de la République.

C’est pourquoi, il nous appartient tous ensemble d’apprécier ce qui se passe chez nous, de prendre la mesure de notre intervention, de notre utilité, de son sens.

Laissons les fioritures qui masqueraient la vérité pour nommer les choses. Nous avons choisi le pari de l’aristocratique pour le plaisir de déplaire. Simplement pour ne pas juger en amateur. Nous pointerons du doigt les responsabilités tant au niveau de la majorité que de l’opposition.

La normalité démocratique, l’écoute républicaine, la discussion avant l’action, les considérations plutôt que le mépris, une série d’exigences et de principes jetée aux orties…

Il y a une dégradation constante de la politesse singulière et de l’urbanité collective. Le peuple hurle son indignation : « je ne reconnais plus le Sénégal ». Il est aujourd’hui réduit à vomir son zénith de dédain.

Le Sénégal ne doit pas être un théâtre de boulevard où la politique n’est que comédie, où l’on alterne tous les rôles, des plus drôles aux plus dramatiques.

Nos compatriotes amusés attendent désormais d’être représentés avec sérieux et respect. Ils ne sauraient se satisfaire trop longtemps d’une irresponsabilité destructrice.

Des individus qui agissent, injurient, énervent, exaspèrent, ne sachant séduire, convaincre, voire transformer des écarts de conduite en stratégie.

Oubliant que les invectives et les injures sont flétrissables. Qu’elles ne servent à rien sauf à dégrader davantage celui qui les professe.

Des personnes profitant de la catastrophe absolue d’une culture de l’excuse qui a fini par gangréner le pays pour détruire son image.

Nous pensons qu’il faut nécessairement mépriser les gens parfois sans avoir le sentiment même avec une bonne conscience, pour s’employer à les réduire à leur place.

Nous devons rester un pays de tempérance avec un peuple doté de ses normes, de ses limites et de ses devoirs.

Devant la violence de leurs dérives ordurières de la liberté d’expression qui nous envahit de jour en jour, on ne doit pas céder aux pires tentatives populistes qui nous ramèneraient au temps de l’obscurantisme.

Les alternances politiques ont accéléré des carrières, souvent offertes sans même attendre le tour des saisons. La conséquence : les hautes fonctions ne reviennent par une règle établie aux premiers de la classe. Les opportunistes, les tacleurs, les empêcheurs de tourner en rond et les énergumènes ont raflé la mise. En guise de reconnaissance, le verbe est devenu haut et sot.

Il est urgent de redresser la barre, d’où la nécessité impérieuse de sortir de ce climat délétère et de placer l’intérêt général au cœur des préoccupations nationales. Fini le bal. Sifflons la fin de la récréation. Car l’opéra devient tragique.

Si nous restons amorphes avec un bandeau sous les yeux, se contentant de parlottes éternelles, notre système de valeurs reculera à l’échelle du continent.

Nos concitoyens n’entendent plus voir l’intérêt et le prestige du Sénégal abîmés par des politiciens de chaque camp. Ils exigent que notre pays garde son rayonnement pour ne jamais cesser d’être en Afrique, un modèle et une exception.

Nous devons donc faire preuve d’une volonté de refus qui introduirait partout la raison avec ce ton qui sonne comme un élément à charge contre ceux qui, sous nos yeux, infantilisent nos institutions, distillent la culture du mépris, de peur et de force.

Contre ceux qui croient être les seuls possesseurs de la plénitude de l’action, absorbant toutes les valeurs dans les siennes. Le peuple sénégalais n’étant là que pour recevoir l’action sans en être en tout point les collaborateurs.

Quelle force peut donc avoir la Nation quand ceux qui la commande, mettent leur vanité et leur agressivité à se séparer d’elle, décidés d’avance à ne pas se soumettre à la volonté générale, piétinant tout pour nous imposer la sédimentation de l’inacceptable dans la République ! Le mépris appelle le mépris.

Ce rééquilibrage, certes chaotique, devrait permettre à l’Assemblée nationale de devenir ce qu’elle a vocation d’être : une instance de discussion, de confrontation et d’amendements.

Au regard du contexte actuel, dominé par une atmosphère conflictuelle et radicale, il ne sera pas facile d’imaginer dans ce chaudron parlementaire, des compromis ou bien des accords de circonstance à bâtir texte par texte entre la majorité et l’opposition.

Le pays est fracturé. Et cette XIVème législature débouche sur une assemblée arc-en-ciel difficilement gouvernable. La coexistence ne sera pas émolliente.

Face à la tripartition de la vie politique (Benno Bokk Yakaar, Yewwi Askan Wi et Wallu), il va falloir s’appliquer. Trouver un dénominateur commun : le consensus pour répondre aux impatiences du pays sans pour autant se renier.

Debout, vigoureusement, le peuple veillera à la préservation du socle républicain.

Si le Sénégal a su jusqu’à maintenant rester un havre de paix, il le doit beaucoup à l’intelligence et à la vigilance de tout un peuple. Ce dernier ne tolérera pas le moindre renoncement à ces principes.

Au-delà des appartenances partisanes et quels que soient les changements de majorité politique, le Sénégal doit rester une idée qui s’incarne dans la volonté de vivre ensemble avec un projet et un destin.

Cela requiert un fonds commun : l’attachement à la communauté nationale, à la survie de la société et des libertés.

Il est encore temps de revenir à une perception d’une République sereine et consensuelle, qui n’a pas peur d’elle-même, ni de son avenir, ni de ses talents, ni de son envergure.

Une République démocratique, vertueuse et humaniste, plus grande, plus forte, plus sûre d’elle-même parce qu’elle aura rassemblé tous les enfants de la Nation.

Mamadou Diallo est avocat au Barreau de Paris, docteur en droit.

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