KARIM SE RADICALISE
Catégoriquement opposé à une amnistie, Karim Wade, qui a toujours exigé une révision de son procès, brandit la menace de démissionner du PDS, en cas de vote du projet de loi par les députés de son parti et installe la psychose dans les rangs du parti de Wade.
C’est l’histoire d’un ‘’exilé’’ qui ne s’enthousiasme pas de l’aménagement des conditions de son retour au pays natal. Comme s’il se plaisait dans son pays d’accueil, autant sinon plus que dans son propre pays. Depuis que l’annonce d’une loi d’amnistie a été faite par le président de la République en Conseil des ministres, alors que beaucoup s’attendaient à le voir se réjouir de ce ‘’progrès’’, Karim Wade continue de s’emmurer dans le silence. Pour lui, c’est la révision ou rien. Il n’est nullement intéressé par une éventuelle loi d’amnistie. A ceux qui seraient tentés de se demander si ce refus est juste une opération de communication loin d’être sincère, la sortie de la secrétaire chargée de la communication, Nafi Diallo, ce week-end sur Sen TV, ne manquera pas de bousculer les certitudes.
Selon la proche de Karim, c’est avant tout une question d’honneur et de dignité pour son patron. ‘’Je vais vous dire une chose : si on (le PDS) accepte l’amnistie, Karim est prêt à abandonner la politique. L’alternative est donc simple. Soit, on accepte l’amnistie et risquer de le voir abandonner le parti et la politique, parce qu’estimant qu’on l’a humilié, soit on continue la lutte jusqu’à ce que son honneur soit complètement lavé. C’est de ça qu’il s’agit et c’est tout le sens de notre combat’’, soutient sur un ton ferme la voix du PDS.
A la journaliste qui lui demande si c’est une position personnelle ou bien celle de l’intéressé lui-même, la réponse de la responsable libérale est sans équivoque. ‘’La Nafi qui parlait avant en son nom ce n’est pas la Nafi qui parle en tant que chargée de la communication du PDS. S’il y a un seul membre du PDS qui vote pour l’amnistie, walahi il ne viendra plus. Il va laisser la politique, il va laisser le PDS. C’est une question d’honneur et de dignité pour lui. Et moi, Karim m’a dit : ‘Moi, j’ai instruit mes trois filles que même quand je ne serai plus de ce monde, même si c’est dans 20 ans, qu’elles doivent continuer le combat pour laver mon honneur. L’image de la famille Wade a été ternie en passant par moi, alors que je n’ai rien fait. Personne n’a montré que j’ai détourné un seul franc. Je l’ai prouvé devant toutes les juridictions du monde. Il faut qu’on m’enlève ce verdict des annales de l’histoire de notre pays.’’
Le ‘’testament’’ de Karim à ses trois filles…
Au sein du Parti démocratique sénégalais, les responsables ne bruissent plus que de ça. Si les uns applaudissent, d’autres estiment que Karim n’aurait jamais dû adopter une telle attitude radicale. ‘’C’est vrai qu’il a menacé de démissionner si le PDS vote la loi d’amnistie. Moi, j’estime que c’est un peu égoïste de sa part. Les grands hommes, ils savent mettre de côté leur ego, leurs intérêts personnels pour l’intérêt supérieur de leurs nations. Abdoulaye Wade a été mis en prison combien de fois ? Nelson Mandela a été mis en prison et à sa sortie, il a continué la politique et son combat… Il faut que Karim Wade sache que des hommes et des femmes ont tout abandonné depuis plus de dix ans pour se battre à ses côtés. Aujourd’hui, il n’a pas le droit de compromettre toutes ces années de lutte’’, fulmine ce responsable dépité.
Dans le parti, toutes sortes de questions sont en train d’être posées. Est-ce même que Karim veut aller à la Présidentielle de 2024 ? Comment peut-il se permettre de refuser les avantages d’une amnistie qu’il n’a jamais demandée ? ‘’Moi, je suis choqué par cette décision. Je me demande vraiment s’il veut aller aux élections. Et je ne suis pas le seul à me poser cette question. Karim ne doit pas engager le parti sur des combats personnels. On peut comprendre qu’il veuille continuer à lutter pour sa dignité et son honneur, mais pas au point d’annihiler l’avenir du parti’’, poursuit ce responsable libéral.
En tout état de cause, le PDS ne tardera pas à se prononcer de manière officielle, selon un de nos interlocuteurs. A l’en croire, il peut être prématuré de se prononcer dans un sens ou dans un autre, d’autant plus que les contours de la future loi d’amnistie ne sont pas encore rendus publics. ‘’Nous ne savons pas encore le contenu de ce projet. D’abord, de quelle date à quelle date va-t-il couvrir ? Quels sont les faits qui seront concernés ? Nous, nous ne sommes pas nés de la dernière pluie. Nous sommes des hommes politiques aguerris. Tout le monde sait que nous n’avons jamais été demandeurs d’une amnistie. De toute façon, le parti va se prononcer officiellement très prochainement’’, lance-t-il, s’excusant de ne pouvoir en dire plus.
Quand Karim Wade refusait la grâce offerte par le président
Cet épisode rappelle, à coup sûr, les circonstances de la grâce qui a fait sortir le fils de l’ancien président du Sénégal. A l’époque déjà, il y avait la polémique sur le refus catégorique de Wade fils autour de l’acceptation d’une grâce présidentielle. Dans un article de ‘’Jeune Afrique’’ en date du 21 novembre 2016, on peut encore lire ce qui suit : ‘’La donne a changé le 7 avril 2016. Un an après leur condamnation collective. Ibrahim Aboukhalil (alias Bibo Bourgi) et Alioune Samba Diassé, jusque-là en liberté sous contrôle judiciaire, sont incarcérés au pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec, malgré un état de santé jugé préoccupant. Selon ses avocats, Karim Wade se serait refusé à mettre en danger la vie de ses coaccusés, dont il estime que le seul tort est leur relation d’amitié ou de proximité avec lui, et se serait résigné à un compromis’’, expliquait ‘’Jeune Afrique’’.
Selon le portail, les choses se sont accélérées à partir de là. Et Karim finit par accepter la grâce assortie de deux clauses principales sous la garantie de l’émir du Qatar Cheikh Tamim Ibn Hamad Al Thani, qui avait fait de sa libération une affaire personnelle. Il accepte non seulement de s’éloigner quelques mois du Sénégal et de s’abstenir provisoirement de toute forme d’expression publique.
‘’Dès 2015, rapportait ‘JA’, l’émir Al Thani a mandaté son procureur général, Ali Ibn Fetais Al Marri, pour négocier avec les autorités sénégalaises une issue honorable au feuilleton judiciaire de l’affaire Karim Wade, devenu une patate chaude pour le gouvernement sénégalais… Les deux hommes, que seulement douze années séparent, se connaissent bien et s’apprécient. Sa nomination à la tête de l’Association nationale pour l’organisation de la conférence islamique (Anoci), en 2004, avait en effet permis à Karim Wade de développer un épais carnet d’adresses dans les pétromonarchies du Golfe’’.
Un traitement princier au Qatar
D’ailleurs, certains responsables qui ont quitté le parti n’hésitaient pas à indexer ce désintérêt de Karim pour l’avenir du PDS. ‘’Karim est logé dans des résidences huppées à Doha ; les études de ses filles prises en charge dans les meilleures écoles du monde ; en sus de gagner des marchés à coups de milliards. Il ne se hâte pas pour rentrer au pays. C’est l’une des raisons avancées par certains hauts responsables au moment de quitter le parti’’.
Libéré de prison le jeudi 23 juin 2016 vers les coups de 1 h 30, Karim Wade s’est vu confectionner un passeport diplomatique la même nuit, avant de s’envoler vers le Qatar via un jet privé affrété par les autorités du Qatar, avec à son bord le procureur général de l’émirat.
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Si au début, le régime n’a eu de cesse de brandir la mise en branle d’une contrainte par corps pour décourager toute idée de retour au bercail de l’ancien super ministre, la donne a changé depuis quelques années. Il y a eu, en effet, un vrai dégel qui fait croire que son retour serait sans effet. Mais c’est sans compter sur le principal concerné qui semble ne pas faire de son retour une priorité.