« Amnistie : je ne suis pas contre mais… »
Quand on agite la question de l’amnistie annoncée de Karim Wade et de Khalifa Sall, il faut bien se garder de faire des amalgames. Il faut distinguer la culpabilité réelle ou présumée des concernés de la façon dont ils ont été jugés par le régime de Macky Sall. Car les procès étaient contraires aux droits de l’homme et à toute forme d’éthique. Dans les deux cas on doit faire preuve de lucidité avant de prendre position : ceux qui les ont mal jugés sont précisément ceux qui les ont accusés de choses dont ils sont eux-mêmes probablement coupables ou complices. Aussi, le fait d’être favorable à l’amnistie n’est-il pas forcément synonyme d’un blanc-seing à la mal gouvernance ; il s’agit plutôt d’une question de principe : autant la gestion vertueuse et transparente des ressources publiques est un principe non négociable, une justice équitable et républicaine l’est avec la même nécessité.
Une justice expéditive est toujours un grave antécédent dans un pays de droit. J’ai toujours dit que Macky ne voulait pas qu’une véritable lumière soit jetée sur la gestion libérale, sinon il avait la possibilité technique de faire des enquêtes et des audits minutieux en toute discrétion pour arriver à des résultats plus probants. Le simple fait que la CREI soit activée, puis éteinte dans les faits montre qu’il y a une grande rupture d’égalité, ce qui est contraire à la république. Dans l’affaire Khalifa Sall aussi le fait qu’il y ait des maires qui ont transigé (en douceur) sans que leur casier judiciaire en pâtisse et, surtout, le plus important, sans que la vindicte populaire ne soit pas lâchée contre eux (là où Khalifa a été trainé dans la boue) est une forme d’Apartheid judiciaire inacceptable. Que personne ne nous divertisse encore : le même Macky Sall qui décriait la justice sous Wade et qui faisait des supplications chez le défunt Khalif général des Mourides sait que la justice sénégalaise peut être manipulée. Sinon pourquoi avait-il demandé l’intercession dudit Khalif ?
C’est dommage que dans notre pays on est toujours très émotif et on se laisse facilement emporter par le courant d’une opinion frivole et largement formatée par une presse qui n’est plus capable de faire preuve de professionnalisme. Les sorties de certains journalistes sont juste des prestations de communication politique, et c’est extrêmement dangereux pour la viabilité de la démocratie. Sans aucune forme d’analyse on se met à prophétiser l’avenir, à damner des hommes politiques pour faire la promotion d’autres, à tourner en dérision les intellectuels pour leur clouer le bec et laisser le champ libre aux élus de sa bourse.
Macky Sall a souillé le travail de la presse comme jamais personne ne l’avait fait avant lui. Il a transformé des journalistes en riches hommes d’affaires, et on peut se demander à quel prix ? Comment peut-on prétendre lutter contre la corruption en corrompant des journalistes ? Tels des cannibales politiques, ceux soudoyés vouent aux gémonies les adversaires du Président, peignent la vie des Sénégalais en rose et, pour finir, ils habituent le peuple au folklore et à la facétie à ciel ouvert. Pour en revenir à cette histoire d’amnistie, il faut juste dire que Macky peut amnistier qui il veut, y compris Satan, s’il en a le pouvoir, mais ça ne lui ouvrira jamais les portes d’une troisième candidature.
Par Alassane K. KITANE
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