LE PÉRIL DE LA TROISIÈME CANDIDATURE
À mesure que l’on s’achemine irrémédiablement vers février 2024 qui consacre la fin de mission du chef de l’Etat Macky Sall, un à un, les ATM (anti-troisième mandat) situés dans la majorité présidentielle élèvent la voix et opposent leur veto à ce projet de 3e candidature qu’une escouade de politiciens véreux et opportunistes distille et instille dans la tête des Sénégalais. La plus récente sortie sur ledit sujet est celle d’Ibrahima Sène du PIT, PCA de Miferso et véritable cerbère de Macky Sall qui ne se lasse jamais de faire intrépidement face, dans les réseaux, à l’armée des patriotes de Sonko. Même si dans son texte, il ne donne pas les arguments juridiques et éthiques qui disqualifient le mentor de BBY de la prochaine présidentielle, le vieux communiste accuse lâchement un groupuscule de cadres apéristes de vouloir tordre le bras de Macky Sall pour sauvegarder les privilèges dont ils jouissent depuis 2012. Une attitude pleutre qui trahit un certain ponce-pilatisme de ce vieux gauchiste prompt à vitrifier Ousmane Sonko après chacune de ses interventions médiatiques.
Il appert qu’il y a une part de vérité dans les propos de Sène lorsqu’il dit que les partisans de la 3e candidature ne songent qu’à la préservation des privilèges que leur procure voluptueusement le pouvoir. Mais connaissant la fermeté de Macky Sall, aucun d’entre eux n’a le courage de l’astreindre à une 3e candidature. Le principal initiateur de ces déclarations schizophréniques sur une possible 3e candidature, c’est Macky Sall himself. Tous les actes politiques qu’il pose corroborent la volonté de se présenter à la présidentielle de 2024. Tous ses partisans qui ont eu la témérité discursive de déclarer que l’actuel président, juridiquement, ne peut pas être sur la ligne de départ en 2024, ont été passés à la guillotine. Et de l’autre côté, ceux qui soutiennent le contraire ne sont nullement inquiétés s’ils ne bénéficient pas d’une nomination ou d’une promotion professionnelle. Moussa Diop, ex-patron de Dakar Dem Dikk, Sory Kaba, ex-directeur des Sénégalais de l’étranger et Moustapha Diakhaté ex-chef de cabinet de Macky Sall sont une illustration éloquente des auteurs de crime de lèse-troisième candidature.
Aujourd’hui, Macky veut réappliquer sa stratégie, voire son stratagème, mis en branle lors de la question sur la réduction du septennat en quinquennat. Partout dans le monde, il s’est enorgueilli, dès potron-minet, d’être le premier président élu qui réduit volontairement la durée de son mandat. Mais ce n’était que des paroles en l’air qui trouvent leur essence dans le flot de promesses de campagne tenues à l’endroit des citoyens pour conquérir leurs suffrages en février 2012. À partir de 2014, des roquets aboyeurs bien choisis ont fini par enquiquiner les Sénégalais de criailleries importunes avec l’impossibilité de réduire le mandat présidentiel. Le tapis déroulé par ses ouailles, Macky Sall finit par verser dans une palinodie discursive qui remit en cause la sacralité de la parole présidentielle. Il se rabattit laborieusement sur le Conseil constitutionnel qui, après un contorsionnisme juridique, finit par avaliser le vœu présidentiel.
Aujourd’hui, le même stratagème est réchauffé et les mêmes roquets renforcés par d’autres ont mis en place un schéma médiatique pour crédibiliser une 3e candidature indécemment voilée sous les oripeaux d’un deuxième mandat quinquennal. Tout cela est concocté par le président de la République qui avait déclaré fin mai 2022 dans une interview à Jeune Afrique que son travail en tant que président est loin d’être achevé avant de refuser de signer un amendement de la Cedeao qui stipule que les « chefs d’Etat, membres de la Cedeao, n’auront plus le droit d’exercer plus deux mandats».
Dans la même veine qu’Ibrahima Sène, Moustapha Kane, un des premiers compagnons de Macky Sall et actuel PCA de l’Asepex, pointe un doigt accusateur aux thuriféraires qui incitent le président Sall à une 3e candidature. Seulement le commanditaire de tout ce tapage médiatique sur le 2e quinquennat, c’est le président Macky Sall. S’il n’agréait pas de tels agissements en faveur de la 3e candidature, il aurait mis fin à ce polluant ramdam médiatico-politique que ses fédayins défendent sur tous les tréteaux et plateaux. Au Niger en 2018, quand deux acteurs de la société civile de Zinder avaient appelé, à travers des réseaux sociaux, le chef d’Etat nigérien Mahamadou Issoufou à se porter candidat pour un 3e mandat, ils avaient été interpellés par la police judiciaire avant d’être jugés et condamnés à une peine ferme. Mohamed Bazoum, l’alors président du parti au pouvoir et aujourd’hui président de la République du Niger, déclarait à cet effet : « Un troisième mandat au Niger signifie un coup d’Etat. Nous sommes un parti qui a comme ambition de stabiliser le pays pour progresser ». Et Issoufou de renchérir : « J’ai beau chercher, je ne trouve aucun argument qui justifierait que je me sente irremplaçable ou providentiel. Nous sommes 22 millions de Nigériens, pourquoi aurais-je l’arrogance de croire que nul ne peut me remplacer ? » Dès lors, plus aucun opportuniste ne s’est aventuré à demander le « tazarché » (la continuité, en langue haoussa).
L’on se rend compte, lors du dernier remaniement, que certains apéristes ont été nommés ministres parce que le président pense que ces derniers peuvent défendre, avec leur talent de communicants roublards et d’insulteurs patentés, ce projet illégal, illégitime et mortifère de 3e candidature. Parallèlement, des activistes profiteurs, des parias impécunieux, des chroniqueurs écervelés, des hommes de loi radiés de la police ou de l’armée corrompus transbahutent les plateaux télés ou investissent la toile pour brandir en toute occurrence l’affaire Adji Sarr/Sonko comme une épée de Damoclès. Et cela aux seules fins de déclencher un esclandre et de soulever un vice rédhibitoire sur la candidature du leader de Pastef en 2024. Par conséquent, le projet funeste du camp présidentiel est clair : crédibiliser la candidature illégale de Macky et invalider celle légale de Sonko en février prochain.
Si le président sortant entretient encore un clair-obscur antinomique sur sa position binaire de « ni oui ni non », c’est parce qu’il mijote le plan et le temps opportuns qui lui permettront de déclarer sa candidature inconstitutionnelle et de préciser que c’est le Conseil constitutionnel, l’arrière-cour présidentielle acquise à sa cause, qui tranchera cette question. Le piège dans lequel les roquets aboyeurs du président veulent plonger insidieusement les Sénégalais, c’est de leur faire croire que le dernier mot reviendra au Conseil constitutionnel, seule juridiction électorale habilitée à décider de la validité et de la constitutionnalité de toute candidature à la présidentielle. Macky Sall ne doit pas et n’a pas le droit de déposer sa candidature chez les « Sages » à qui il a accordé tous les passe-droits. Par éthique, Macky Sall, le constituant et l’inspirateur de la réforme constitutionnelle de mars 2016, ne devrait même pas entretenir cette ambiguïté et cette confusion qui plongent le pays dans un climat délétère.
Aujourd’hui le budget de 380 milliards prévu dans la loi de finance 2023 pour le contrôle et le maintien de l’ordre laisse croire pour certains que le président se prépare éventuellement à un rude combat contre ce peuple rétif qui ne lui accordera pas ce qu’il avait refusé à Abdoulaye Wade en 2012. Mais nous, nous osons profondément croire que cette croissance exponentielle des moyens des forces de défense et de sécurité (FDS) sert surtout à lutter contre le péril djihadiste transfrontalier et le grand banditisme qui compromettent la sécurité des honnêtes citoyens.
Le renforcement matériel de la police et de la gendarmerie républicaines ne peut pas diluer l’ardeur d’un peuple qui ne jure que par sa Constitution. La puissance matérielle des FDS ne peut pas surplomber la vaillance déterminante d’un peuple chevillé à sa Loi fondamentale. Moubarak et Ben Ali ne l’avaient malheureusement pas compris. Pourvu que le président Macky avec lucidité puisse le comprendre à temps !