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REGARD CRITIQUE SUR LE PROJET DE BUDGET 2023

Le projet de budget est arrêté à la somme de 6441 milliards prévue d’être bouclée à hauteur de 4096  milliards de F Cfa sous forme de ressources internes (64%) et 2345 de F Cfa en endettement (36%).

Dans la forme, l’analyse révèle, contrairement aux règles classiques de présentation des budgets, une comparaison des acquis entre la période d’avant 2012 et la période de 2012 à 2022 (magistère du Président Macky Sall). Avec en appui une liste des réalisations opérées. Sous cet angle, de nombreux observateurs peuvent prêter au budget une connotation politique à quelques encablures de l’échéance présidentielle de 2024.

Prévisions de recettes trop optimistes

Dans le fond, les prévisions de recettes me semblent surestimées puisque justifiées par un taux de croissance hypothétique de l’ordre de 10% en 2023 soit le double des perspectives de croissance révisées par les organismes de Bretton Woods (4,8% en 2022).

Pour ce qui est des recettes internes, leur montant total prévu s’établit à 4096,4 milliards de F Cfa contre 3647,8 milliards F Cfa pour l’année 2022, soit une augmentation de 448,6 milliards justifiée essentiellement par les effets de la Stratégie des recettes à moyen terme.

Ce taux référentiel de croissance de 10% sur lequel se fonde le budget nous semble surévalué pour plusieurs raisons.

Les lois de règlement sur lesquelles auraient dû se baser les décideurs pour fignoler leur analyse budgétaire ne sont pas à jour. La dernière qui a été votée par l’Assemblée nationale remonte à l’exercice 2017.

A ce premier facteur, s’ajoutent les menaces que fait peser un contexte international, sous régional et national plein d’incertitude : inflation galopante, hausse du dollar par rapport à l’euro, niveau élevé des prix du pétrole, taux d’intérêts internes au système bancaire de l’Uemoa relativement élevés ;
Un autre paramètre ne jouant pas en faveur d’une expansion budgétaire se trouve dans le fait que nos principaux partenaires commerciaux sont en difficulté. La contrainte extérieure des pays de l’Uemoa est telle que leurs partenaires traditionnels comme la Chine et l’Europe (66 % des exportations et 77,1 % des importations en 2018 selon la Bceao), qui font face à de sérieux ralentissements de leur croissance économique, ne pourront sans doute pas maintenir les mêmes niveaux d’échanges.

Si on ajoute aux paramètres cités ci-avant, une situation sécuritaire préoccupante dans notre environnement immédiat, l’incertitude d’un facteur pluviométrique sur lequel le Sénégal reste dépendant plus de  soixante ans après son indépendance, une économie complètement extravertie,  la contrainte monétaire que fait peser le Franc Cfa, sans oublier le caractère dérisoire des maigres retombées des hydrocarbures en 2023,  33,7 milliards environ, on se rend compte que la prévision de croissance de 10% est loin d’être pertinente.

Revenant sur les taux de croissance annoncés depuis 2000, souvent supérieurs au taux de croît démographique, force est de constater qu’ils n’arrivent toujours pas à faire reculer de manière drastique la pauvreté. Il est grand temps de s’interroger sur (i) la fiabilité des taux de croissance annoncés, (ii)  la pertinence et la vigueur des facteurs  économiques qui les sous-tendent, (iii) leur caractère extraverti, vu l’importante présence d’acteurs internationaux sur notre échiquier économique, (iv)  les mécanismes de répartition de cette croissance afin de voir s’ils n’exacerbent pas les inégalités.
Toutes ces raisons évoquées plus haut interpellent évidemment sur  la sincérité même du budget.

Mesures d’économies faibles  

En tant qu’économiste averti par rapport aux difficultés de toutes sortes qui assaillent notre pays,  je m’attendais à un début de rupture dans la façon de manager notre budget. Ce moment actuel doit être une ère d’introspection et de réforme pour tout Etat sérieux, soucieux de réduire sa dépendance et sa vulnérabilité par rapport au reste du monde.

A l’inverse, il est noté que les dépenses d’acquisition des biens et services et transferts courants vont augmenter de 267 milliards de F Cfa, soit une hausse de 18,9% par rapport à la Loi de finances rectificative de 2022. Un programme ad hoc «zéro corruption» avec des prix de référence et une meilleure gestion des procédures de passation des marchés  par entente directe aurait pu être mis en place.

Un endettement inquiétant

L’endettement au titre de 2023 est estimé à un montant de 2345 milliards de F Cfa et concerne principalement l’amortissement en capital lié à l’encours de la dette actuelle pour un montant de 1 269,6 milliards de  F Cfa et le financement du déficit budgétaire pour un montant 1045,3 de F Cfa.

Une stratégie d’endettement basée sur le  recours au marché pour refinancer les échéances arrivées à maturité n’est jamais une bonne chose. Ce type de reprofilage peut cacher des difficultés potentielles de remboursement. Et cela pourrait à la longue inquiéter les prêteurs. Les intérêts de la dette vont passer de 350 milliards F Cfa en 2022 à 424,32 milliards de F Cfa en 2023, soit plus de 10% des recettes internes.

Il est à rappeler que l’encours de la dette était de 39,9% du Pib en fin 2011. Il s’établit à 73% en 2022 soit un bond de plus de 23 points. C’est beaucoup.
Avec le montant d’emprunt projeté en 2023 de 2345 milliards, le document de la loi des finances ne semble pas indiquer, sauf erreur ou omission de ma part, quel sera le vrai ratio d’endettement du Sénégal en 2023 ; cette information gagnerait à être capitalisée dans le projet de budget afin de mieux justifier le niveau de l’endettement complémentaire à contracter.

Des priorités de dépenses essentiellement sociales

Une grosse partie du budget devrait permettre de soutenir le pouvoir d’achat, ce qui est une bonne chose vu le contexte actuel. Le gouvernement apparemment n’a pas écouté les conseils du Fmi et c’est à saluer. Cependant, sur 450 milliards de subventions prévues en 2023, 350 devraient concerner l’énergie. Seuls 100 milliards sont prévus pour les ménages contre 157 milliards en 2022. L’Etat devrait reconsidérer cette baisse en dépit des mesures attendues dans le cadre de la concertation sur la vie chère. Les prix pourraient rebondir et le panier de la ménagère devrait être protégé quoique cela puisse coûter.

Sur un autre plan, le gouvernement a fait le choix de revaloriser significativement la rémunération de l’ensemble de ses agents, en 2022, pour un coût global de 120 milliards de F Cfa, mais aussi de poursuivre ses opérations de cash transfert en faveur des ménages les plus défavorisés. Seulement, l’explication avancée pour justifier de telles redistributions de revenus, à savoir relancer la machine économique, est discutable. En effet, le Sénégal a une économie extravertie avec une très faible production nationale. Dans un tel contexte, il est à craindre que ces augmentations de revenus annoncées ne creusent notre balance commerciale et notre balance des paiements sans incidence significative sur l’emploi. Bien entendu, cette  augmentation de revenus va exacerber les tensions inflationnistes.

Mieux cibler les investissements

Dans le projet de loi de finances pour l’année 2023, les dépenses d’investissement vont baisser de 165,6 milliards de F Cfa par rapport à 2022, passant de 1753,8 milliards à 1588,2 milliards de F Cfa.

Cette baisse est justifiée, selon le gouvernement, par une volonté de l’Etat de laisser maintenant la place au secteur privé pour investir. C’est un mauvais prétexte dans la mesure où ce secteur privé n’est pas encore suffisamment fort pour prendre en main cet important levier de tout développement économique que constitue l’investissement.

S’agissant de l’enveloppe prévue, elle devrait en priorité aller vers le secteur primaire, l’hydraulique, la santé, les projets fortement utilisateurs de main d’œuvre. Le gouvernement devrait songer à observer une pause infrastructurelle dans des projets de construction, d’érection de stades, d’autoroutes interurbaines, etc.

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