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L’ECONOMIE DE LA BOUE

Grâce aux 4 stations de traitement de boues de vidange dont celles de Tivaouane Peul et Pikine, une grande partie des eaux usées issues des fosses septiques de Dakar est transformée en compost, en eau épurée pour l’irrigation agricole, en énergie, en briquette de charbon…

Les agents de l’Office national de l’assainissement du Sénégal et leurs partenaires ont visité, le mardi 25 octobre, les stations de boues de vidange des Niayes et de Tivaouane Peulh. La station de Tivaouane Peulh, 4e de la région de Dakar avec Pikine, Cambérène et Rufisque, constitue un bijou de dernière génération. Sa capacité de traitement fait le double de celle de Pikine. Actuellement, avec la croissance démographique galopante, l’Onas est conscient qu’il urge de mettre à niveau les stations de traitement des eaux de vidange. C’est dans ce cadre qu’en collaboration avec l’Agence française de développement (Afd), un partenariat a été noué pour réhabiliter les 4 stations de Dakar.

Les capacités de ces stations vont ainsi être augmentées. Elles passeront de 400 m3 à 700 ou même 1000 m3 par jour.

Nichée entre le rivage et la bande de filaos, près du prolongement de la Vdn dans l’axe Malika-Apix, la station de traitement de Tivaouane Peulh reçoit un ballet de camions de vidange qui viennent déverser des quantités importantes d’eaux usées collectées dans les maisons. L’endroit est pourtant propre et bien entretenu. Aucune mauvaise odeur n’agresse les narines. Un calme plat règne, favorisant le travail dans la sérénité. Dans cette zone, sujette à une urbanisation galopante et une croissance démographique exponentielle, l’unité de traitement des boues de vidange apparait comme une oasis.

 En cette période de forte canicule, un air frais caresse la peau. Si la proximité de la mer n’y est pas étrangère, la présence de la station de traitement des boues, qui dévore des centaines de milliers de m3 de déchets, avant de les rejeter sous forme de substances ou produits non nocifs à l’environnement, y contribue largement. Le chemin menant à la station est bordé, de chaque côté, d’arbres sur lesquels des oiseaux construisent leurs nids et gazouillent. À l’ombre de ces arbres, des camionneurs se reposent tout en discutant. D’autres, ayant fini de se délasser, reprennent le chemin du travail pour aller prospecter ces eaux usées qui leur permettent de gagner leur pain quotidien.

Bio engrais

La transformation de ces eaux usées est d’une importance capitale puisqu’elle permet de réduire à néant les contaminations par les agents pathogènes. Elle est aussi d’une grande utilité dans la lutte contre la pollution de l’environnement. À la station de Tivaouane Peulh, on traite les boues de vidange issues des fosses septiques pour les transformer en bio engrais. Cet engrais n’a pas une influence néfaste sur la production agricole, ne contribue pas au lessivage des terres et ne diminue pas le rendement des terres, rassure Mouhamadou Guèye, Directeur de l’assainissement autonome à l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas). Il est aussi possible d’avoir de l’eau qui peut être utilisée pour le maraichage. Selon les techniciens de l’Onas, le Sénégal est doté de l’omnidigesteur qui est une technologie permettant d’accroitre les performances de l’omniprocesseur 1 que le Sénégal avait acquis en 2015, grâce à un don de la Fondation Bill et Melinda Gates. Cela permet d’avoir des stations de traitement des boues de vidanges intensives. Ainsi, sur un espace réduit, on peut faire le traitement que l’on aurait dû faire sur un espace beaucoup plus grand. Ce qui est d’une grande utilité, car avec les problèmes d’urbanisation et la croissance démographique à Dakar, il est pertinent d’optimiser l’espace aussi bien en termes de construction qu’en termes d’utilisation des infrastructures publiques.

Au sein de la station de Tivaouane Peulh, le résultat de la transformation efficace des eaux usées se constate de visu.

Le pavé sur lequel les employés et visiteurs marchent a été produit grâce aux cendres de l’omniprocesseur qui génère trois produits. Les boues de vidange, calcinées avec un four à très haute température, permettent de transformer la matière organique en matière minérale. Et cela devient des cendres. Lesquelles sont inoffensives à l’environnement. Or, si on les avait laissées en boues de vidange, elles auraient pu avoir des germes pathogènes qui seraient néfastes à l’environnement, informe Mouhamadou Guèye, Directeur de l’assainissement autonome à l’Onas. « Nous avons aussi de l’eau distillée issue de ces boues de vidange à partir du traitement de l’omniprocesseur qui peut être utilisée dans les industries chimiques et dans les laboratoires d’analyse. Dans les industries aussi, dans les chaudières, pour éviter l’encrassement des chaudières, on utilise de l’eau distillée. Tout cela constitue des pistes de valorisation de l’eau distillée. On peut utiliser l’eau distillée comme liquide de refroidissement des moteurs des véhicules et des moteurs des industries », informe-t-il. Les bienfaits tirés du traitement des eaux de vidange ne s’arrêtent pas là. L’électricité peut être générée. Cette électricité, utilisée pour l’autoconsommation, est à même de réduire la facture énergétique.

Assainissement autonome

La station de traitement des boues des Niayes, qui reçoit des dizaines et des dizaines de camions de vidange par jour, n’est pas en reste. Delvic, qui est une entreprise sénégalaise spécialisée dans l’assainissement autonome, assure l’exploitation avec deux objectifs principaux. Le premier est le traitement des boues. Le 2e, qui est le plus important, est la valorisation des boues. Ici, les boues sont transformées en composts de qualité supérieure comparable à celle des engrais chimiques avec des surplus en termes de qualité des produits et du sol. Selon le Directeur de l’assainissement autonome, le compost qu’on peut tirer des boues de vidanges est globalement de meilleur rendement que les produits tirés des engrais chimiques. D’après lui, la partie liquide des boues, une fois traitée, doit servir à l’irrigation agricole de manière générale, maraichère si l’on est en ville. « Ce n’est pas pertinent d’irriguer des végétaux avec de l’eau de haute qualité comme l’eau potable. Utiliser l’eau des boues de vidange est plus pertinent. Et c’est sur cela que nous travaillons avec l’ISRA notamment, avec qui nous avons travaillé pendant 10 mois ». À partir des boues, on peut produire d’autres produits plus innovants dont le liquide de refroidissement des moteurs, mais également les pavés autobloquants.

« L’assainissement est un sous-secteur qui crée de la richesse »

Le docteur Bécaye Diop est revenu sur les actions de valorisation en cours des sous-produits au Sénégal. Le spécialiste a fait savoir qu’à partir des boues, le Sénégal produit de l’eau épurée pour l’agriculture, le compost, de l’eau distillée, des pavés et des briquettes de charbon. « L’assainissement est un secteur qui crée de la richesse et des emplois. L’eau épurée peut être utilisée pour l’agriculture, l’eau distillée pour le refroidissement industriel, le compost produit à partir des boues peut être utilisé pour restaurer les terres », a informé Dr Bécaye Diop. Au Sénégal, de grandes actions sont entreprises pour faire de l’assainissement un sous-secteur marchand.

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