LE TROISIÈME MANDAT ET LE PROGRAMME ALTERNATIF
Encore quelques mois et le palais présidentiel devrait changer de locataire !
Bien sûr, l’actuel occupant semble très peu pressé de partir. Il aimerait bien rester, encore un peu, au moins cinq ans, peut-être un peu plus, le temps, sous prétexte de s’assurer que nos nouvelles ressources sont bien gérées, de toucher sa part de dividendes de la nouvelle manne pétrolière et gazière et d’en faire profiter ses amis de l’étranger.
Tout le monde est tenu de respecter la loi
Seulement, il y a un hic ! À l’instar d’un travailleur appelé à faire valoir ses droits à la retraite devant quitter définitivement son poste de travail officiel, un président élu sous le régime de la limitation des mandats à deux, ne saurait postuler à un troisième, sauf à violer la loi. De fait, on ne peut que regretter, que toute la Nation soit tenue en haleine par son premier magistrat, qui pense qu’il lui revient de décider, s’il doit se conformer à la loi, c’est-à-dire aux dispositions constitutionnelles régissant le nombre et la durée des mandats.
Ce maatey au sommet de la République n’est pas sans conséquence, surtout si l’on considère que les plus hautes autorités de notre pays doivent donner le bon exemple aux autres citoyens. Cela aiderait beaucoup à inculquer aux jeunes générations un sens civique élevé, dont on voit, à travers plusieurs signes, – ne serait-ce que les dérives sur le net – qu’il commence à faire terriblement défaut.
Quand le troisième mandat devient facteur de confusion
De plus, cette problématique de limitation de mandats commence à peser lourdement sur les destinées de nos jeunes Nations et fausse considérablement le jeu politique, surtout au regard des enjeux fondamentaux que sont les questions d’approfondissement de la démocratie, incluant la refondation institutionnelle, de souveraineté économique et de redistribution équitable des ressources.
C’est ainsi qu’en 2012, le remarquable travail des Assises nationales a sombré dans le tumulte de la lutte contre le troisième mandat du président Wade et un outsider que personne n’attendait a été propulsé au-devant de la scène. En effet, en faisant du dégagisme une fin en soi (le tout sauf Wade), on a relégué les discussions programmatiques à l’arrière-plan. Cela s’est traduit par une méga-coalition basée – non sur des convergences programmatiques – mais sur un unanimisme grégaire autour des directives du nouvel homme fort peu intéressé par les problématiques discutées par les Assises.
Deux mandats …de régression démocratique !
De fait, on a pu constater les limites d’une telle approche depuis l’avènement du président Macky Sall au pouvoir, avec l’instauration d’un régime reposant sur l’instrumentalisation des différentes institutions aux fins de confiscation du pouvoir d’État. À titre d’exemples, on a noté une accentuation du caractère godillot du Parlement, une reddition des comptes transformée en règlement de comptes, beaucoup d’acquis du code électoral consensuel de 1992 remis en cause, avec l’introduction de la loi inique sur le parrainage pour éliminer les adversaires politiques à la présidentielle de 2019.
Mais depuis février – mars 2021, le syndrome du canard boiteux (lame duck) est en train de faire ses effets, se traduisant par une perte progressive d’autorité et de crédibilité du régime de Benno Bokk Yakaar illustrée par des grèves, des soulèvements populaires et des revers électoraux répétés.
Du Bokk Yakaar au Tass Yakaar !
Tant et si bien que le bloc monolithique de la coalition présidentielle, d’une durée de vie exceptionnellement longue commence, enfin, à se fissurer et se scinder en deux camps.
D’un côté, on trouve des hommes politiques lucides, faisant preuve de réticence vis-à-vis de cette option de forcing sur le troisième mandat, car s’étant rendus compte du caractère improductif et stérile d’une démarche de remise en cause permanente des normes de l’État de droit et de nos traditions démocratiques.
De l’autre, il y a des inconditionnels de la manière forte et d’une ligne de confrontation avec l’opposition communément désignés sous le vocable de faucons. Ils soutiennent les manœuvres de diabolisation, voire les cabales contre des leaders de l’opposition, les opérations de propagande aveugle, les manipulations du code électoral, les tripatouillages de la Constitution et bien sûr la grande escroquerie du troisième mandat rebaptisé deuxième quinquennat.
Une opposition atteinte par le virus électoraliste
Quand on regarde du côté de l’opposition, on ne peut s’empêcher de constater une prédominance de préoccupations électoralistes sur celles programmatiques.
Alors que le rapport de forces n’a jamais été aussi favorable à la survenue d’un nouveau changement de régime, dont on espère qu’il ne s’agira pas d’une simple alternance de plus, on ne voit nulle part d’esquisse de concertation sur un éventuel programme commun à mettre en œuvre en cas de victoire d’un candidat de l’opposition à la prochaine présidentielle de 2024.
Au contraire, certains candidats se sont lancés dans des tournées électorales, dont on se demande parfois si c’est une offre politique alternative ou un nouveau profil de présidentiable qu’elles mettent le plus en avant. Par ailleurs, on observe également un foisonnement de candidatures individuelles, tout à fait légitimes du reste, mais donnant l’air de sortir du néant et parfois même d’être un peu prétentieuses, car reposant sur des victoires électorales acquises dans le cadre de larges coalitions, qu’on cherche alors à instrumentaliser comme rampes de lancement. Une autre faiblesse de la démarche des partis d’opposition est le manque de prise en compte de revendications économiques et sociales et de jonction avec les luttes populaires.
Si on veut, au-delà des alternances classiques qui ont montré leurs limites, en arriver à une véritable alternative sociopolitique à l’issue de l’élection présidentielle de 2024, il est grand temps d’œuvrer pour l’actualisation et de la mise en œuvre des conclusions des Assises Nationales et des recommandations de la C.N.R.I