LIBÉREZ LA RÉPUBLIQUE
Le peuple du Sénégal est constamment déçu par ces tiraillements sans fins. Il a fini par s’y résoudre car il les a vécus en maintes occasions. Il sait maintenant reconnaitre ses ennemis. Ils sont tapis partout dans les rangs de l’opposition comme dans ceux de la majorité. C’est par eux que ses malheurs arrivent et ils ne seront pas concernés par la vengeance des lois. Ceux qu’ils auront attirés dans la rue et qui y laisseront leur vie, la perdront en pure perte. N’est-ce pas cela qui fait d’ailleurs naitre et prospérer leur sentiment de haine et de dédain vis-à-vis des politiques ?
L’expérience a toujours prouvé qu’autant les peuples sont indolents et faciles à induire en erreur, autant ceux qui les gouvernent sont habiles et actifs pour étendre encore plus leur pouvoir et opprimer la liberté publique.
Le moyen efficace de les en empêcher et qui fut discuté et mis en pratique depuis des décennies, fut de ne pas leur permettre d’exercer longtemps le pouvoir. Le pouvoir corrompt. Une loi prohibitive de renouveler plus de deux fois le mandat s’avéra être le moyen le plus sûr de conserver la liberté. C’est à quoi se sont résolues les démocraties modernes et les Assises nationales avaient prôné le principe avant que le président Sall ne l’inscrivit dans la Constitution.
Il est malheureux aujourd’hui de remettre dans le débat national des questions déjà débattues et tranchées. Briguer un troisième mandat ne pourra plus traverser le mur de moralité érigé depuis 2011 où il est inscrit : Non au troisième mandat. Dorénavant, cette question apparaitra hideuse, pour toujours, aux yeux du peuple.
Nous devrions aussi, à cette époque de notre Sénégal, dépasser ces absurdités de faire violence à des gens qui, dans le fonds, n’auront fait qu’user du droit qu’ont tous les citoyens du monde libre et duquel nous nous réclamons, de sortir manifester ou d’exprimer leur point de vue ou désaccord par rapport aux choix qu’on voudrait leur imposer.
La grande victime de ce tohu bohu permanent ne sera autre que la République. Opposition comme majorité campent dans les mêmes rengaines. Aux défiances des uns, succèdent les surenchères ou les convocations et les emprisonnements des autres. Chaque partie clamant être dans une société de droit, oubliant au demeurant qu’une société de droit est avant tout « une société libre où chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier au moindre bruit et à la moindre apparence de danger qui la guette », comme dirait Robespierre. Le journaliste étant la première des sentinelles en l’espèce, car sur lui pèse l’obligation d’informer.
Un quarteron de bureaucrates, allergiques à la vérité et imbus de leur pouvoir débridé a décidé d’envoyer Pape Alé Niang (PAN) en prison. Le peuple ne doit pas savoir, pire il ne doit savoir que ce qu’ils veulent qu’il sache ! Jamais on n’aura évoqué des lois d’un autre âge, que sous la présidence de ce jeune président ! Certains furent écroués pour des crimes de lèse-majesté et voilà que PAN est emprisonné pour un crime de lèse-nation. Il faut libérer Pape Alé Niang.
Ces arrestations arbitraires à répétition écornent l’image de notre République à l’international alors que des solutions alternatives prévalaient. Il eut suffi, dans le cas de M. Pape Alé Niang par exemple, de publier un démenti qui rétablisse la vérité des choses, à moins que la vérité ne soit la vérité qu’il ait dite.
De par vos réactions musclées que vous exercez sur des « gens de rien », en les ostracisant ou en les mettant inopinément en prison, vous fabriquez des héros et des démons, ce faisant vous avilissez encore un peu plus la République et vous faites apparaitre dans le désordre ambiant, votre pire adversaire comme le seul sauveur possible.
La promptitude à vouloir faire taire ceux qui posent les problèmes ne résout pas les problèmes. PAN en prison, les problèmes demeurent. Ce qu’il dit est-il vrai ? C’est la seule question qui vaille et que les gens se posent. Tout le reste n’est que fioriture. Personne ne croit qu’il puisse mettre la République en danger !
S’il détient des documents « top secret » c’est que leur fuite a été organisée ailleurs et c’est peut être cet ailleurs qu’il eut fallu condamner !
Allons donc ! Pointer ses accointances avec M. Sonko, ce dont il se réclame d’ailleurs lui-même, n’en fait que, ce qu’il dit, ce qu’il dénonce, ne doit être appréhendé que sous le prisme de la vérité des faits, et de la nécessité d’informer l’opinion publique car, c’est bien de cela dont il s’agit. N’est-ce pas là ce qui caractérise un journaliste ?
On nous parle volontiers de la loi, de l’application de la loi, qu’un fonctionnaire n’a pas le droit d’empêcher l’application de la loi. Vrai. Mais le président n’est-il pas le premier des fonctionnaires ? N’est-ce pas lui qui nous dit pourtant avoir mis le coude sur certains dossiers selon son jugement personnel ? N’est-ce point là un acte délibéré de soustraction à l’application de la loi de certains selon son bon vouloir ?
PAN lui subira l‘application de loi pour avoir pointé du doigt les incongruités des textes internes et de les avoir en sa possession. Un remake du loup et de l’agneau*
Nos hommes politiques ne sont que des défenseurs de leurs intérêts propres d’abord et de ceux de leur camp ensuite. L’intérêt général n’existe pas pour eux. On ne saurait leur demander de sacrifier leur désir quand il menace l’intérêt général. Ils oublient facilement et, on ne leur rappelle pas assez, qu’ils sont plus que ce qu’ils croient être (un député de tel camp, un ministre de tel bord) quand ils pénètrent dans l’Assemblée ou quand ils habitent l’habit de leur ministère. Ils sont des représentants de la Nation, ils sont des ministres de la République et non des simples porteurs de votes ou des ministres de Benno.
Tant que l’ignorance de l’importance de l’intérêt général et l’invocation des avantages pratiques au détriment des principes (comme ces dossiers sous le coude) perdureront nous resterons encalminés dans les profondeurs du sous développement.
C’est cette mentalité dévoyée qui explique qu’on embastille des journalistes, qu’on équipe en matériels de répression les forces de l’ordre au lieu de jouer la transparence dans les contrats et de donner du pain au peuple.
Pour la transparence des contrats, il suffit de les publier sur un site accessible à tous.
Pour soulager les pauvres il ne suffit hélas pas de publier une liste de produits avec des rabais sur les prix de -20%. Voilà une mesure de bureaucrate dans toute sa splendeur ! Prendre des mesures qui ne les affectent pas. Personne n’y croit, car pour qu’une telle pratique soit effective, il faut la participation active de nombreux acteurs qui n’y ont aucun intérêt. Ils ne joueront pas le jeu. Prenez plutôt des mesures qui dépendent de vous : supprimez le HCTT ; réduisez le nombre de vos ministres et les postes politiques qui ne servent à rien ; vendez au juste prix vos terres et bâtiments qui ne servent à rien ; réduisez le train de vie de l’État. Vous serez surpris de l’efficacité de ces mesures. Elles demandent juste un peu de courage mais c’est comme cela que vous soulagerez les pauvres !
Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique
Notes :
Robespierre : Avocat et homme politique français
Le loup et l’agneau : fable de la Fontaine