LA NOUVELLE LOI SUR LA BIOSÉCURITÉ (OGM) EST-ELLE ESTAMPILLÉE « SECRÈTE » ?
Cela fait maintenant plus de 5 mois depuis que l’Assemblée nationale sénégalaise a adopté la loi N°08/2022 du 03 juin 2022 sur la biosécurité, dite loi OGM. Force est de constater que ce texte de loi n’est accessible sur aucun site gouvernemental. Pis, les chercheurs et autres spécialistes qui tentent d’obtenir le texte auprès de l’autorité compétente font des pieds et des mains pour rebrousser chemin bredouilles. Cette situation de non-transparence donne libre cours à toutes sortes de suspicion. D’aucuns se demandent si la loi a été publiée. D’autres s’interrogent sur sa promulgation. D’autres, encore plus sceptiques, pensent qu’on veut cacher quelque chose par rapport à cette loi. Ce qui est sûr et certain, c’est que la loi a été votée en procédure d’urgence et sans débat.
La transparence ne semble pas être sous ses meilleurs jours dans le secteur de l’environnement. De la rocambolesque affaire des gazelles oryx au fameux contrat d’armement, cette composante indispensable à la bonne gouvernance des ressources publiques que constitue la transparence semble souffrir le martyre.
Quid de la nouvelle loi sur la biosécurité ?
Le terme sécurité contenu dans l’expression biosécurité pourrait tenter certains à penser que c’est un domaine relevant du « secret-défense » ou qu’il serait mieux de confiner cette loi entre les mains des garants de notre sécurité pour des raisons stratégiques. Il n’en est rien. Un tel raisonnement est tout à fait erroné. En réalité, la sécurité dont il s’agit ici est la sécurité biologique, c’est-à-dire des mesures de prévention et de lutte contre les risques liés aux biotechnologies modernes. Il n’y a donc pas ici de dilemme entre la transparence et le secret.
D’ailleurs, le cadre légal garantit depuis 2009 l’accès à l’information des citoyens en matière de biosécurité. En effet, la loi N°2009-27 du 8 juin 2009 sur la biosécurité prévoit en son article 33 que : « Toute personne a droit à être informée sur les risques liés à l’importation, à l’utilisation, à la manipulation à la dissémination et à la mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés sur la diversité biologique, la santé humaine et animale et sur l’environnement. ». Par ailleurs, le déficit de vulgarisation du cadre réglementaire de la biosécurité a bien été identifié par la stratégie nationale de biosécurité (SNB) comme une faiblesse à la mise en œuvre effective de la réglementation. C’est une loi qui doit donc être connue de tous, particulièrement les acteurs du secteur primaire, « nul n’est censé ignoré la loi ».
La transparence est devenue indissociable à la bonne gouvernance, particulièrement lorsqu’il s’agit de questions qui engagent l’environnement et la santé des populations. D’ailleurs, le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques souligne l’importance de la sensibilisation et de la participation du public aux activités liées aux organismes vivants modifiés (OVM). Il y est prévu que les États Parties encouragent et facilitent la sensibilisation, l’éducation et la participation du public concernant le transfert, la manipulation et l’utilisation sans danger (…) des OVM dans un objectif de protection de la biodiversité et de la santé humaine. Les Parties doivent également veiller à ce que le public dispose des informations relatives aux OVM qui peuvent faire l’objet d’une importation. (Article 23 (1a), Protocole de Cartagena).
Les lois peuvent certes protéger certains secrets tels que le secret professionnel, le secret industriel et commercial, le secret administratif, le secret défense, etc., mais la loi elle-même ne peut revêtir le sceau du secret car elle est censée être connue de tous. L’époque des lois secrètes est révolue.