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LA PART DE REVENUS D’HYDROCARBURES DESTINÉS AU SÉNÉGAL EN QUESTION

Mi-octobre, un débat houleux a animé la toile et les médias sénégalais autour de l’exploitation future des ressources pétrolières et gazières du pays. Ousmane Sonko, le principal opposant politique, venait d’affirmer sur Twitter que le Sénégal ne touchera que 10% des recettes à venir de cette exploitation. A deux ans de l’élection présidentielle, le rival annoncé du président Macky Sall réitérait ainsi une affirmation qui figure déjà dans son livre « Pétrole et gaz au Sénégal, chronique d’une spoliation », paru en 2017. Or ces estimations, largement relayées sur les réseaux sociaux, ont été formellement démenties par le gouvernement sénégalais et des contrats pétroliers rendus publics, ainsi que par plusieurs experts contactés par l’AFP.

Le pays d’Afrique de l’Ouest place de grands espoirs dans l’exploitation des champs de gaz et de pétrole découverts dans l’Atlantique ces dernières années, mais les retombées annoncées suscitent aussi beaucoup de scepticisme. Le 16 octobre 2022, l’opposant Ousmane Sonko, s’est fendu d’une série de déclarations affirmant que le Sénégal ne percevra que 10% des profits générés par la production d’hydrocarbures, censée démarrer en 2023. De nombreuses publications sur Facebook et Twitter (1,2,3,…) relaient cette théorie selon laquelle les compagnies pétrolières étrangères ont orchestré une vaste spoliation des ressources pétrolières et gazières du Sénégal.

« Ce n’est pas seulement l’avis de Sonko. Bon nombre de Sénégalais pensent, à tort, que le Sénégal ne percevra presque rien de l’exploitation de son pétrole et de son gaz, à l’inverse des compagnies étrangères. C’est un débat utile mais trop souvent mené par des personnes peu outillées« , estime Idrissa Bodian, ingénieur pétrolier et directeur général de l’Institut africain de l’Energie (IAE) basé à Dakar.

Ce débat sur le partage des richesses minières n’est pas nouveau. Il ressurgit fréquemment depuis la découverte de vastes gisements pétroliers en 2014 puis gaziers en 2017, qui ont attiré les convoitises de grandes compagnies internationales comme le géant britannique British Petroleum (BP) et le Français TotalEnergies.

Les réserves des blocs de Rufisque et de Sangomar, dans l’ouest du pays, sont évaluées par exemple à plus d’un milliard de barils de pétrole, selon une note de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Sénégal (Itie). Le gisement de gaz naturel Grand tortue/Ahmeyim (GTA), situé à la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal, est tout aussi prometteur – avec des réserves estimées à 900 milliards de mètres cubes – et son exploitation a nécessité la construction de la « plus profonde infrastructure sous-marine d’Afrique« , selon la compagnie British Petroleum qui porte le projet.

Si ces ressources pétrolières et gazières ne représentent respectivement que 0,07 % et 0,5 % des réserves mondiales, « elles sont assez importantes à l’échelle de notre pays pour changer radicalement son économie, son tissu industriel et donc ses perspectives d’avenir », précisait récemment à l’AFP la ministre du Pétrole Sophie Gladima.

Jusque-là, le pays « dépend totalement des importations pour satisfaire ses besoins en produits pétroliers. En 2017, la facture pétrolière du pays est estimée à 856 milliards de francs CFA (environ 1,3 milliard d’euros) soit 60% des revenus d’exportation et 10% du PIB« , souligne par ailleurs l’Itie. Dans un rapport publié fin septembre 2022, la Banque mondiale avait estimé que l’entrée en production de plusieurs gisements d’hydrocarbures devrait porter la croissance de l’économie sénégalaise de 4,8 % en 2022 à une moyenne annuelle de 9,2% en 2023 et 2024.

Dans ce contexte, la dernière saillie d’Ousmane Sonko – qui n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien – a suscité de vives réactions de la part du gouvernement sénégalais. « Le fake est le moteur de la vie politique et sociale de Sonko« , a notamment dénoncé le 16 octobre le ministre du Commerce Abdou Karim Fofana dans un tweet visant l’opposant de 48 ans, coutumier des polémiques. Sous le coup d’accusations de viols, ce dernier accuse en retour le pouvoir de chercher par tous les moyens à l’éliminer de la course à la présidentielle de 2024.

10% détenus par Petrosen durant la « phase d’exploration »

A quoi correspondent donc les chiffres avancés par Ousmane Sonko dans son réquisitoire? Comme l’explique Idrissa Bodian, « les 10% qui font débat actuellement représentent la part symbolique qu’apporte la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen, détenue par l’Etat) durant la phase d’exploration ». Cette phase consiste à mener d’importantes études géologiques et fouiller une partie du sol et du sous-sol dans l’espoir d’y découvrir du pétrole et du gaz. Puis, le cas échéant, à estimer le volume, les conditions d’une éventuelle exploitation et la rentabilité de cette activité.

Dans un récent communiqué, l’entreprise détenue à 100% par l’Etat sénégalais affirmait également que « la compagnie étrangère est obligée de s’associer à Petrosen (…) qui dispose de 10% de parts dans tous les contrats signés pour la phase d’exploration« .

Ces termes sont prévus dans chaque « contrat de recherche et de partage de production (CRPP) » qui selon le code pétrolier sénégalais, donne aux opérateurs « l’autorisation d’exploration, fixe les droits et obligations respectifs des différentes parties pendant la durée des phases d’exploration et éventuellement celles d’exploitation qui y sont rattachées. » Parmi les nombreux contrats nécessaires pour mener un grand projet d’extraction de ressources naturelles, « c’est le plus important conclu entre un gouvernement et une compagnie pétrolière étrangère« , lit-on dans un ouvrage pédagogique (page 30) sur les contrats pétroliers, publié par la coalition internationale « Publiez ce que vous payez« .

Sur le site de l’Itie, on peut consulter la liste des titres miniers octroyés, et constater que dans le cas des 11 blocs faisant l’objet de recherche et d’exploration, Petrosen se voit systématiquement attribuer une participation de 10%.

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