UN COUP D’ÉTAT N’EST JAMAIS SALUTAIRE
Monument du rire en Afrique francophone, Michel Gohou vient de fêter ses trente ans de carrière. Pour Jeune Afrique, il revient sur la crise sécuritaire que connaissent plusieurs pays de la sous-région et sur les tensions qui opposent Abidjan et Bamako, où 46 militaires ivoiriens sont toujours détenus.
Depuis trente ans, Michel Gohou fait rire l’Afrique francophone. Ses mimiques accompagnées d’onomatopées, les aventures ubuesques et hilarantes de son personnage ont, au fil des années, installé le comédien parmi les plus populaires du continent. Des Guignols d’Abidjan, dont les familles africaines installées en France s’échangeaient les VHS dans les années 1990, à la série Ma famille, en passant par Le Parlement du rire, diffusé sur Canal+ Afrique, il a déjà une longue et riche carrière derrière lui.
Aujourd’hui âgé de 63 ans, il est à la tête de Gohou production, et c’est dans ses bureaux du quartier d’Angré, à Abidjan, qu’il nous a donné rendez-vous. Une équipe est en train de finaliser le montage de Super Gohou, une série de 104 épisodes d’une durée de 5 minutes chacun, qu’il doit livrer à la NCI, la première chaîne de télévision privée du pays. Quelques jours plus tard, il s’envolera vers la France pour son spectacle La Fête à Gohou. Le 17 décembre, il se produira à Kinshasa, en RDC, et le 24 à Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville. C’est un Michel Gohou souriant et blagueur qui nous reçoit mais, sitôt le dictaphone lancé, il devient grave et sérieux. Interview.
Jeune Afrique : Vous tournez régulièrement des films ou jouez vos spectacles dans les pays de la sous-région. Quel impact la crise sécuritaire actuelle a-t-elle sur votre secteur ?
Michel Gohou : Il n’y a de culture que lorsqu’on a la sécurité, la tranquillité et la paix. La culture ne peut pas s’exporter dans des zones chaudes. Je prends l’exemple du Nord-Kivu, en RDC. J’étais à Goma avant la crise du Covid-19 et j’ai été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme. Là-bas, les gens nous aiment bien et ils auraient besoin aujourd’hui d’un peu d’humour, ils ont envie de nous voir sur scène. Mais, à cause de l’insécurité, on ne peut pas s’y hasarder. C’est la même chose dans le nord du Burkina ou du Mali : la situation est telle que l’on ne peut pas s’y rendre.
Pour éviter que des groupes jihadistes ne s’installent en Côte d’Ivoire, les autorités misent sur des programmes en faveur de la jeunesse. Pensez-vous que ce soit la solution ?
Nous devons essayer toutes les approches. En général, les jeunes se font enrôler parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire. Ils n’ont pas de travail, se tournent les pouces, traînent sur les réseaux sociaux, deviennent brouteurs… Les jihadistes leur offrent un « emploi » dans ce contexte où l’avenir semble bouché. Pensez-vous que celui qui gagnerait bien sa vie et qui arriverait à prendre en charge sa famille se laisserait séduire aussi facilement ?