COMBAT POUR LA DIGNITÉ DES FEMMES
Mbour, 30 nov (APS) – Elles préfèrent rester toutes les deux anonymes pour des raisons évidentes liées à leur volonté de se protéger et, surtout, de protéger leur famille.
Mmes Diop et Diallo, deux femmes au tempérament opposé, se retrouvent pourtant dans un combat commun contre le sida, les préjugés et la stigmatisation dont sont victimes les personnes atteintes de cette maladie.
Rien dans leur apparence ne laisse penser que ces deux dames sont malades ou même atteintes de sida, surtout pas leurs belles tuniques aux couleurs vives, qui respirent plutôt la vie et le bonheur.
Pourtant, Mmes Diallo et Diop sont passées par des situations pas évidentes, qui les emmènent à se battre sans merci pour le respect de la dignité humaine et des personnes vivant avec le VIH notamment, une maladie qu’elles combattent ‘’positivement’’ depuis une vingtaine d’années.
Mme Diop vit avec cette maladie depuis 1999. Depuis lors, elle se bat pour que les personnes vivant avec cette maladie acceptent leur sort et refusent de se laisser atteindre par les préjugés.
Mme Diallo, de son côté, prend son état de santé avec philosophie, une lucidité qui lui permet de partager son énergie positive avec d’autres patients atteints de la même maladie.
‘’Je suis atteinte de la maladie depuis vingt-quatre ans. Je vis la maladie de façon très positive. Je n’ai pas de problème comme vous me voyez’’, lance à son interlocuteur cette femme mariée et mère de quatre enfants, dont deux garçons.
Le calme avec lequel Mme Diallo parle de sa situation ne l’empêche pas de parler avec une relative gravité du choc qu’elle a eu lorsqu’on lui a annoncé la nouvelle de sa séropositivité.
‘’C’était à la naissance de mon deuxième enfant qu’on a découvert’’ la maladie mais ‘’l’enfant était séronégatif, les deux autres qui ont suivi l’étaient également’’, ajoute-t-elle.
Diagnostiquée après des années de mariage
Cette femme toute coquette, avec une taille de 1 m 90 et un tempérament bien trempé, affirme détester plus que tout l’injustice, notamment quand elle frappe les gens vulnérables.
Mme Diop, plus posée, d’un caractère plus tempéré et perceptible à sa façon de parler, n’en est pas moins engagée pour le respect de la dignité des personnes vivant avec le VIH et pour bien d’autres causes concernant ses semblables.
C’est après des années de mariage que les médecins ont diagnostiqué le virus chez cette mère de six enfants.
‘’J’ai eu le VIH entre 34, voire 35 ans. Je ne sais même pas comment j’ai attrapé cette maladie. J’étais malade, on m’a dépistée et on m’a dit que je vis avec le virus’’, explique-t-elle. Malgré cette mauvaise nouvelle, Mme Diop a pu mener à terme deux autres grossesses, avec l’aide du programme chargé de la protection mère-enfant. Une détermination conforme à la personnalité de cette grande dame de 1 m 80, qui assure toujours se battre pour atteindre ses objectifs.
‘’Je suis une femme battante, je veux toujours aller de l’avant’’, lance Mme Diop, femme au commerce facile, qui doit sans doute ce trait de caractère à l’activité qu’elle exerce : la vente de poisson.
‘’La maladie ne peut pas être une barrière pour moi. Je m’engage pour ma famille et mes concitoyens’’, ajoute celle qui, parallèlement à son commerce de poisson, préside aux destinées d’une association de personnes vivant avec le VIH.
Comme Mme Diop, Mme Diallo, 50 ans, est aussi une femme qui mène de front une vie active – le commerce de l’encens – et assiste les personnes atteintes du sida. Elle leur apporte son concours, avec l’aide des professionnels de la santé, afin de les emmener à accepter plus facilement leur état de santé.
‘’Aujourd’hui, mon rôle est d’essayer d’aider les personnes comme moi, qui vivent avec le VIH, à accepter leur statut sérologique et à le vivre positivement comme toute autre personne’’, martèle notre interlocutrice.
Difficile d’accepter son état au début
Mme Diallo est d’autant plus encline à aider les personnes dans sa situation qu’elle vit pleinement son statut sérologique, grâce aux progrès de la science et de la médecine.
‘’C’était très difficile au début, parce que c’est une maladie qu’on ne connaissait pas. C’était en 1998 et c’était également lié à la sexualité. Il y avait trop de stigmatisation, de rejet, de discrimination. Quand on vous dit que vous êtes séropositif, vous semblez ressentir la terre se dérober sous vos pieds’’, témoigne-t-elle.
Dans son cas, le soutien de la famille a été déterminant, à commencer par celui de son époux. Les assistants sociaux et les médecins ont aussi été d’un grand apport en l’aidant à repousser toutes les barrières et à vivre très positivement son statut sérologique.
Mme Diop a sensiblement vécu la même trajectoire : être sous le choc au début, puis remonter petit à petit la pente et accepter sa situation, même si 1999, date de la révélation de son statut sérologique, le sida était une nouvelle maladie peu connue, qui charriait son lot de peurs et de fantasmes.
‘’C’était difficile de l’accepter mais j’avais des médecins qui m’accompagnaient, qui me soutiennent encore jusqu’à nos jours. Très tôt, j’ai parlé de ma maladie à mes parents, à mon mari et à mes enfants. Ma famille m’a soutenue parce qu’elle connaissait mon comportement et savait que je n’avais qu’un seul partenaire, mon mari’’, témoigne-t-elle.
‘’Au début, le traitement n’était pas facile, parce que c’était un lot de médicaments à prendre par jour (huit à 10 comprimés). Ce n’était pas du tout évident mais il fallait le faire pour survivre, garder son état de santé stable. Aujourd’hui, avec les progrès de la médecine, on est à un comprimé par jour qu’il faut prendre à la même heure, et puis on a une charge virale indétectable’’, explique Mme Diop.
Avec les antirétroviraux apparus en 2003, elle parvient à vivre positivement la maladie, comme toutes les personnes qui suivent correctement leur traitement et ne peuvent plus transmettre la maladie.
Il reste le combat quotidien à mener pour aider les autres malades, un combat de tous les jours inspiré par le slogan ‘’ni stigmatisation ni discrimination’’.
Une vie normale avec une charge virale indétectable
‘’J’ai le devoir de sensibiliser la population en général, qui ne connaît pas cette maladie. Je m’engage à être un leader pour continuer de soutenir mes pairs et sensibiliser la population’’, fait valoir cette femme. Elle a ses racines au Cayor, une ancienne province correspondant à la région actuelle de Thiès (ouest).
Tout comme sa compagne d’infortune, Mme Diallo n’aime ni l’injustice ni la discrimination.
‘’La personne qui vit avec le VIH, quand sa charge virale est indétectable, peut se marier avec une personne qui n’est pas séropositive, sans la contaminer. Il y a vraiment des avancées scientifiques, qui donnent de l’espoir aux personnes vivant avec le VIH’’, lance-t-elle, comme indignée par l’ignorance de la plupart des gens. Ceux qui stigmatisent les malades.
Mme Diallo préfère avoir le sida plutôt que certaines maladies au traitement plus contraignant, avec un lot de médicaments et d’effets indésirables. C’est dire !
‘’Je pense que le VIH est une maladie chronique. Quand on vit avec, on doit rester positif parce que le diabétique prend tous les jours de l’insuline. Pour le cancer, il y a toujours les analyses de radiothérapie et de chimiothérapie, alors que le malade de sida doit prendre seulement un médicament par jour’’, insiste-t-elle avec pédagogie.
Elle en conclut que les personnes vivant avec le sida doivent cultiver l’estime de soi et davantage communiquer avec leurs proches, afin de vivre sans se cacher des autres.
‘’Il faut partager avec son entourage et son conjoint pour faciliter le traitement et l’accès aux services de santé. Si vous cacher votre maladie à votre partenaire, vous serez obligé de vous soigner en cachette. Dans ce cas, vous ne pourrez pas respecter la prise de vos médicaments ni vos rendez-vous’’, conclut-elle.