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«LES DEPUTES DE BBY ONT OUVERT LA BOITE DE PANDORE DE LA VIOLENCE DANS L’HEMICYCLE !»

Présent à Doha, la capitale qatarie, dans le cadre d’une mission de l’Assemblée nationale, le député Serigne Abdou Mbacké Bara Dolly s’est prêté à nos questions. Le vice-président du groupe parlementaire Wallu-Sénégal est ainsi revenu sur sa mission parlementaire à Doha, mais aussi sur la polémique née de sa procuration faite à Me Oumar Youm, président du groupe parlementaire de la majorité présidentielle lors du vote du budget du ministère de l’Intérieur. Également, il se prononce sur la dernière scène de violence inouïe survenue à l’hémicycle de la place Soweto et dont une femme députée, récidiviste à ses yeux, a été victime. Entretien.

Monsieur le député Serigne Abdou Mbacké Bara Dolly, vous êtes ici à Doha (Ndlr, l’entretien a été réalisé le vendredi 02 décembre 2022 au Millénium Plazza de Doha) au Qatar pour la Coupe du monde dans le cadre d’une mission parlementaire. Quelles sont les grandes lignes de cette mission ?

Serigne Abdou Mbacké Bara Dolly – Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez d’expliquer les raisons de notre présence ici à Doha, au Qatar, pour cette Coupe du monde 2022. Nous sommes effectivement ici en tant que citoyen sénégalais et en tant que parlementaire pour superviser, au nom de l’Assemblée nationale, le bon déroulement de la compétition pour la délégation du Sénégal. Dans cette mission, il y a nos collègues Oumar Sy, tête de liste de Yewwi Askan wi, Aly Mané de Benno Bokk Yakaar, Mame Guèye Diop et moi-même. Nous sommes donc quatre députés avec un ordre de mission pour observer tout ce qui se passe dans ce grand rendez-vous sportif mondial particulièrement avec la délégation sénégalaise. Vous n’êtes pas sans savoir qu’un budget de 14 milliards de F CFA a été dégagé par l’État et voté par l’Assemblée nationale pour cette compétition majeure. Donc, nous avons un devoir de contrôle sur l’utilisation de cette manne financière. Nous ne sommes pas là pour nous amuser mais pour une mission régalienne. Nous rencontrons les compatriotes présents à Doha pour nous enquérir de leurs besoins et nous assurer que le budget voté par nos soins a été utilisé à bon escient. Nous nous assurons des conditions d’hébergement des uns et des autres bénéficiaires de ce budget. De retour au pays, nous rendrons compte de nos observations au président de l’Assemblée nationale, à la commission des Sports et aux députés. Également, nous sommes là aussi pour supporter et encourager notre Onze national.

Une polémique enfle au pays avec votre procuration de vote donnée au président du groupe parlementaire de la mouvance présidentielle alors que vous êtes vice-président d’un groupe parlementaire de l’opposition. Pourquoi ce choix ?

Dans ce pays les gens aiment alimenter les palabres et se focaliser sur des choses inutiles. Tous ceux qui me connaissent reconnaissent en Serigne Abdou Bara Mbacké Bara Dolly un opposant radical. Je me suis toujours opposé à ce régime qui m’a arraché des maisons, fermé mes entreprises et m’a emprisonné. Quand ce régime me privait de liberté, mon épouse était en état de grossesse de six mois. Elle a eu un malaise et a été évacuée à l’hôpital. Je n’ai pas assisté à la naissance de mon enfant. Tous ces sacrifices ont été consentis parce que je me suis engagé envers le peuple et ai bénéficié de son mandat. Un engagement auquel nous tenons fondamentalement et que nous comptons poursuivre en nous opposant à ce régime incarné par le président Macky Sall.

Cependant, en battant campagne pour avoir ce mandat, j’avais clairement dit que je militais pour la suppression de certaines institutions budgétivores et inutiles comme le HCCT (Haut conseil des collectivités territoriales) et le CESE (Conseil économique social et environnemental) qui bénéficient à elles deux d’un budget de 16 milliards de FCFA. Nous n’avons malheureusement pas eu la majorité escomptée pour ce faire mais la ligne de conduite définie était de nous opposer alors au vote des budgets de ces institutions. En commission, je me suis opposé à ces budgets et ai matérialisé ma position en plénière.

Toutefois, il faut que les gens sachent que je ne suis pas à l’Assemblée nationale pour bloquer le budget du Sénégal qui impacte sur l’activité du pays. Nos pêcheurs, cultivateurs, éleveurs, enseignants et autres corps de métier dépendent de ce budget. Mon rôle est de voir ce qu’il faut améliorer dans tel domaine et la part qui est dévolue à Touba en faisant des propositions dans ce sens. Pour ce qui est du budget du ministère de l’Intérieur, des députés de mon propre groupe et de Yewwi avaient voté oui en commission.

Pour ma part, je ne peux pas voter oui en commission et voter non en plénière parce que les caméras sont braquées sur nous. Quand j’ai été désigné dans la mission pour le Qatar, j’ai fait une procuration à mon collègue, le député Abdou Dieng, tête de liste de Wallu dans le département de Bambey. Le 27 novembre, lors du passage du ministre Antoine Félix Diome, mon collègue n’était pas présent et j’ai donné procuration à Me Oumar Youm de la mouvance présidentielle pour voter oui pour moi. Et cette attitude s’explique aisément.

Mon président de groupe parlementaire est Lamine Thiam et il a été toujours clair sur cette question : il a toujours dit qu’il ne peut voter non et oui à la fois. Et par respect pour cette position et sa personnalité, je ne voulais pas l’indisposer sur cette question. Il me restait alors l’option de nos alliés de Yewwi. Or, avec Biram Souley, nous n’avons pas cette relation qui me permette de lui demander de voter oui pour moi. Donc, pour moi, la personne la plus indiquée pour voter à ma place était Me Youm. J’assume entièrement ma conduite et personne ne peut me mettre en mal avec le peuple que je représente. J’ai pris une part active au vote des budgets de tous les ministères.

Pour le budget du ministère de l’Environnement, par exemple, il était impensable pour moi de priver Touba de la manne de 7 milliards de FCFA allouée pour lutter contre les inondations. De même que je n’allais pas m’opposer à la construction de nouveaux postes de police à Touba et à la réhabilitation du commissariat de Mbacké alors que je suis censé représenter les populations de ces localités. Mon vote n’est et ne sera jamais guidé par la présence des media en plénière. Dans ce parlement, j’ai deux casquettes, celle de député mais, surtout celle de petit-fils de Serigne Touba. Et cette dernière casquette est la plus importante pour moi parce que c’est ad vitam aeternam alors que la première est éphémère et temporelle. Et je dois avoir une attitude en conformité avec ce statut. Si demain, les collègues et ministres me voient adopter en plénière une position autre que celle que je défends en commission, je perdrais à jamais leur respect et ne serais pas digne de porter une telle casquette. Et cela ne m’empêche nullement de m’opposer avec la dernière énergie à Macky Sall et son régime jusqu’à son départ.

Il s’est passé dernièrement des incidents regrettables dans l’hémicycle avec des violences exercées sur une députée de la mouvance présidentielle. N’est-ce pas une tache noire dans cette 14e législature qui se disait de rupture ?

C’est une déception pour moi. Je croyais véritablement en une assemblée de rupture. Sur le plan des débats, nous avons relevé le niveau mais c’est au plan comportemental que nous péchons. Ce qui choque le plus c’est cette violence inouïe surtout à l’endroit d’une femme. Dans la 13e législature, c’était impensable. Aucune femme députée n’a été ainsi violentée.

Il faut cependant regretter le rôle joué par certaines femmes téléguidées par des hommes. Personnellement, j’ai été victime de cet état de fait de la part de cette même Amy Ndiaye à laquelle je témoigne au passage toute ma compassion. En commission, devant le ministre de l’Agriculture et des collègues, elle m’avait gratuitement abreuvé d’injures devant le micro. Aucun de mes collègues présents, y compris ceux de notre coalition hormis la députée Mame Diarra Fam n’a réagi pour dénoncer ce dérapage. Si les gens avaient réagi comme il le fallait en commission, cette dame n’allait pas récidiver. Il faut que les gens sachent que nous avons nos propres réalités dans ce pays où les guides et chefs religieux bénéficient d’une certaine marque de considération. Je suis avant tout petit-fils de Serigne Touba. Les députés de BBY qui ont assisté à la scène sans s’en offusquer le moins du monde ont ouvert la boîte de Pandore.

Cela dit, je condamne toutes sortes de violences dans l’hémicycle à fortiori sur une femme. Il faut qu’on respecte le règlement intérieur de l’Assemblée nationale et, au besoin, qu’on exige du président de l’institution des sanctions allant dans le sens de la privation temporaire de parole des fautifs. J’invite le président de l’Assemblée nationale à faire respecter le règlement intérieur du parlement et à user de toute la rigueur nécessaire pour ce faire. Si les collègues de la mouvance présidentielle commencent par sanctionner les députés fautifs de leur camp, les autres en feront de même et tout rentrera dans l’ordre. Mais, encore une fois, je regrette et condamne avec la dernière énergie cette forme de violence. Je suis au Qatar et ai été choqué par la violence des images qui me sont parvenues et qui rendent une mauvaise image du parlement. Quand cette même femme m’a injurié, je pouvais me faire justice mais je ne me suis pas rabaissé à son niveau parce qu’elle fait de la provocation pour ceux qui sont derrière elle. Elle est même revenue dans mon bureau pour me lancer son portable. J’ai gardé mon calme et ma sérénité pour ne pas répondre à ses provocations.

L’Assemblée nationale n’est pas un temple de gladiateurs mais elle n’est pas non plus une place où on humilie nos chefs religieux.

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