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L’AFRIQUE BATAILLE POUR BRISER SA DÉPENDANCE AU RIZ INDIEN SOUS RESTRICTIONS

Suite à l’annonce par l’Inde de restrictions sur ses exportations de riz, et plus généralement à cause de la crise alimentaire mondiale et de l’inflation, certains pays d’Afrique explorent les solution pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire.

Autour du village de Dak, au centre du Sénégal, des femmes coupent les tiges de riz avec des faucilles et des couteaux, en chantant et dansant. Dans ce pays ouest-africain grand consommateur de la céréale, la récolte en cours ne couvrira pas tous les besoins.

« Cette production est destinée à l’autoconsommation. Nous ne voulons plus acheter le riz importé qui coûte très cher », affirme au milieu des rizières Diétéo Diouf, responsable d’une association de femmes.

La crise alimentaire mondiale et l’inflation causées à la suite de la guerre en Ukraine et de la hausse des cours des céréales et de l’énergie a rendu d’une actualité pressante la recherche de l’autosuffisance alimentaire en Afrique.

Le riz, l’un des éléments de base de l’alimentation africaine, est particulièrement concerné car l’Inde, deuxième producteur mondial, a annoncé en septembre des restrictions sur ses exportations, faisant craindre une pénurie en Afrique, où plus de 280 millions de personnes étaient déjà sous-alimentés en 2020 selon l’ONU.

Le géant asiatique a interdit l’exportation des brisures de riz (du riz à moindre prix et aux grains fracturés accidentellement ou non) et instauré une taxe de 20 % sur les exportations de riz de qualité supérieure pour améliorer l’approvisionnement domestique après une sécheresse importante dans les principales régions productrices.

Pour lutter contre la spéculation, le Sénégal a récemment fixé à 325 Fcfa le prix du kilo (environ 0,5 euros) du riz brisé indien, l’un des moins coûteux et le plus consommé, et quasiment le seul à être importé dans le pays, selon le coordonnateur du programme national d’autosuffisance en riz, Waly Diouf. Le riz est essentiel pour la préparation du ceebu jën, riz au poisson et plat le plus populaire au Sénégal.

Panique et tensions

L’Afrique représente 32% des importations mondiales de riz pour 13% de la population mondiale, selon Africa Rice, un centre de recherche à Abidjan, formé de 28 pays membres. « Le production locale de riz ne couvre qu’environ 60% de la demande actuelle en Afrique subsaharienne », souligne le centre.

Ainsi, la décision indienne de limiter ses exportations a créé la panique dans plusieurs pays africains où le riz est une denrée essentielle. Aux Comores, un archipel de 890.000 habitants où plus d’un quart de la population vit avec moins de deux euros par jour, la flambée du cours du riz a provoqué des heurts fin septembre.

Au Liberia, des queues se sont formées devant les grossistes sur fond de rumeurs de pénurie. Les prix ont atteint l’équivalent de 23 euros le sac de 25kg, contre environ 13 euros habituellement.

« La menace (de pénurie) est réelle au Sénégal » quand l’Inde dit qu’elle ne va plus en exporter, dit M. Diouf. Le pays a connu en 2008 des « émeutes de la faim » dues à une forte augmentation des prix des aliments de base.

Ces deux dernières années, « le Sénégal a chaque fois produit quelque 840.000 tonnes de riz, soit neuf mois de consommation, une quantité en augmentation », assure M. Diouf. Le pays « importe en moyenne chaque année 900.000 tonnes de riz. Cela dépasse les besoins mais l’importation permet (de garantir) la disponibilité du produit et d’éviter la spéculation », explique-t-il.

Produire localement

L’objectif est de réduire cette dépendance. « En 2030, la consommation au Sénégal devrait atteindre 1,5 million de tonnes de riz par an. Nous avons travaillé sur une stratégie pour aller vers l’autosuffisance », dit Waly Diouf. Il estime à 1.371 milliards de francs CFA (environ deux milliards d’euros) l’effort financier nécessaire pour parvenir à l’autosuffisance.

« Nous avons besoin de plus de périmètres rizicoles, de crédits, de moissonneuses-batteuses, de refaire notre système d’irrigation », souligne Mouhamadou Moustapha Diack, président d’une union de producteurs à Boundoum (nord). Là, les digues et canaux d’irrigation entre les rizières sont usagés, parsemés d’eucalyptus et de nénuphars.

Au-delà de la quantité, la supposée moins bonne qualité du riz produit au Sénégal a longtemps détourné les consommateurs. « Cela a changé », affirme à l’AFP Birame Diouf, responsable d’une rizerie à Ross Béthio (nord), une usine qui élimine les impuretés comme les petits graviers. Les grains sont engloutis dans d’immenses cuves, où ils sont décortiqués, nettoyés et transformés en riz entier ou brisé.

Le Sénégal espère suivre l’exemple ivoirien où « les quantités importées d’Inde ont connu une régression de 24% de 2021 à 2022. Il y a eu une substitution vers le riz ivoirien en nette progression et secondairement vers d’autres origines », a déclaré à l’AFP Régina Adea, chargée de communication de l’Agence pour le développement de la filière riz en Côte d’Ivoire (Aderiz). Autre stratégie, celle du Nigeria, où le riz importé est ultra-taxé à l’arrivée dans les ports et interdit d’entrer par la route.

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