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Live et influenceurs ! C’est quoi même ? (Par Alassane K KITANE)*

C’est à la fois curieux et affligeant de voir comment les Sénégalais sont en train d’être abrutis par des gens qui, à part leur grande faculté à insulter et à amalgamer, n’ont aucune capacité cognitive. Plus c’est monstrueux et scandaleux, davantage c’est prisé par les internautes. Mais le pire est que ce sont ces prétendus  » influenceurs » qui sont devenus les sources, les ressources et les ressorts de l’argumentation des intellectuels et des journalistes.

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C’est quand même impressionnant : les derniers sont devenus les premiers. Comment un insulteur public, dénué de toute forme d’éducation et de moralité peut être imposé en modèle non seulement pour la masse, mais aussi pour ceux qui sont censés éclairer celle-ci ? Quand on discute avec des sénégalais censés être raisonnables et très exigeants en matière de traitement analytique des évènements et de l’information y afférente, on est surpris de voir qu’ils évoquent mécaniquement les « révélations » (fantaisistes du reste, parce que partant de faits réels, mais déformés) de ces gourous de l’esprit. Ces insulteurs ont réussi à tuer chez la jeunesse la capacité de penser de façon sereine.

On ne délibère plus, on tranche avec des invectives et des insultes. Comment quelqu’un qui n’a aucun niveau intellectuel, aucune moralité, aucune source d’information fiable, ni même aucune méthodologie de recoupement de l’information peut-il s’imposer en source pour des journalistes sérieux ? C’est quoi ce délire collectif auquel nous assistons depuis le phénomène Assane Diouf ? Les mythomanes, les névrosés, les saltimbanques sont donc devenus les références de nos concitoyens en matière de posture citoyenne de lutte contre le pouvoir ! Quand-est-ce que cette déchéance prendra fin ? En nous empêchant de penser sérieusement sur les problèmes structurels du pays, en inondant l’espace public et mental de bouffonneries, ces gens font de l’événementiel l’essentiel de la démocratie.

Le pire dans cette dégénérescence cognitive et politique, c’est que les gens sont crédités et adulés en fonction de leur posture. Le cas Kalifone en est une parfaite illustration. Il se dit que ce type insultait copieusement le Président sénégalais. Mais ce dernier a trouvé un moyen de le recevoir et, certainement de le gaver de bienfaits ou de promesses de bienfaits. Comment peut-on faire la promotion d’une saleté pareille ? De l’autre côté, qu’est-ce qu’on a fait ? Dès que cet énergumène a retourné une énième fois sa veste pour s’opposer au régime, on l’a plongé et lavé dans l’océan de béatification pompeusement appelé « patriotisme » qui justifie finalement tout et absout tout !

Un intellectuel, c’est d’abord la lecture, ensuite l’analyse et enfin la production et le débat contradictoire civilisé. Entre les insultes d’un névrosé et la aboiements d’un chien il n’y a aucune espèce de différence pour un intellectuel, car il sait que c’est par échec et impuissance qu’on recourt à de si vulgaires procédés. Nous n’avons pas le droit de léguer à nos enfants une société où le levier serait la violence verbale ou physique. Nous ne devons accepter qu’on nous persuade qu’un débat civilisé n’a plus de place vu l’urgence de ceci et de cela. Ceux qui théorisent cette urgence sont des despotes de la passion : ils veulent faire passer leur volonté de puissance par l’anesthésie des esprits.

Ce que ces gens font n’est ni plus ni moins que de la supercherie : ils forment un cercle doté d’un centre de gravité qui empêche tout le monde de s’écarter d’une anomalie érigée en norme ; d’une affection sublimée en nature saine. Promouvoir des insulteurs, se faire soi-même idolâtré par leurs suiveurs et en retour prendre leur audimat comme preuve de la véracité de leurs délires et insultes. Comment un journaliste peut dire qu’il condamne l’injure, mais il comprend qu’elle peut être une forme ou une stratégie de communication ?

* Par Alassane K KITANE

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