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JEAN CHARLES BIAGUI LIVRE SON DIAGNOSTIC

Maître de conférences assimilé, Jean Charles Biagui nous livre sa lecture de l’actualité politique marquée par le rejet de la motion de censure de Yaw, le rapport de la Cour des comptes et la reprise des Conseils des ministres délocalisés dans la région de Tamba à partir du 26 décembre. Interpellé par Sud quotidien, l’Enseignant-chercheur en sciences politiques à la Faculté des Sciences juridiques et politiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), a indiqué au sujet du rapport de la Cour des comptes que Macky Sall « est dos au mur et n’a pas d’autre choix que de donner des gages de bonne foi ».

La motion de censure déposée par les députés de Yewwi askan wi a été rejetée, faute du soutien de leurs collègues de la coalition Wallu. Que vous inspire cette démarche des députés du Pds ?

Le rejet de la motion de censure n’est pas forcément lié au manque de soutien du groupe Wallu. Il résulte d’un rapport de force qui n’est pas en faveur de l’opposition. La majorité n’est pas acquise même avec le soutien du PDS et de ses alliés. L’opposition dans son ensemble peut se faire entendre et imposer un certain nombre de débats dans l’hémicycle. En revanche, sa marge de manœuvre ne lui permet pas d’imposer des décisions. Il ne faut pas s’étonner du peu d’enthousiasme du groupe Wallu par rapport à la motion de censure. Il faut rappeler que la collaboration entre Wallu et Yewwi dans le cadre des dernières législatives est purement circonstancielle et stratégique. Les différents acteurs politiques de ces deux coalitions ont bien compris qu’il serait difficile de battre Benno Bokk Yakaar en partant aux élections en rangs dispersés. Leur solidarité ne va pas forcément au-delà de ces élections. Ces coalitions ont des objectifs différents et une relation différente avec le pouvoir. Il ne faut pas donc s’étonner de l’expression de contradictions. Il ne faut pas non plus s’étonner lorsque Wallu ou Yewwi imploseront. Car, les formations politiques en leur sein ne s’entendent pas forcément sur tout.

Quelle conséquence cela pourrait avoir sur la volonté de l’opposition d’imposer un rapport de force à la mouvance présidentielle ?

Le rapport de force n’a jamais été aussi favorable à l’opposition. Mais il ne permet pas de diriger l’Assemblée nationale et encore une fois d’y imposer des décisions majeures notamment du fait de l’absence d’une majorité et à cause du régime présidentialiste, lequel accorde une suprématie institutionnelle au président de la République qui possède des leviers de contournement de l’Assemblée nationale.

Le défi de la bataille pour la bonne gouvernance est-il toujours à la portée du régime en place avec ce rapport de la Cour des comptes ?

 La bataille pour la bonne gouvernance est perdue depuis longtemps. Le régime en place tout comme ses prédécesseurs, n’a jamais fait preuve de bonne foi quant à l’impérieuse nécessité de rendre des comptes au peuple souverain. Les gouvernants se servent de l’Etat pour s’enrichir et alimenter une clientèle au su et au vu de tous. Certains corps de contrôle de l’Etat servent surtout à donner l’impression aux institutions financières internationales qu’on se préoccupe de la bonne gouvernance. Ce sont des institutions budgétivores et sans grande substance.

En Conseil des ministres, le chef de l’Etat a chargé le Premier ministre d’examiner le rapport de la Cour des comptes. Que vous inspire cette décision du chef de l’Etat ?

 Le chef de l’Etat est dos au mur. Il n’a pas d’autre choix que de donner des gages de bonne foi. Mais j’ai le sentiment qu’il est un peu tard après tant d’années où il a fermé les yeux sur les scandales les plus évidents impliquant sa propre famille. Il est lui-même l’objet de beaucoup d’interrogations quant à sa fortune personnelle. Comment dès lors faire confiance à celui qui a tant clamé la gestion sobre et vertueuse lorsqu’il était opposant et qui a fait tout le contraire dans l’exercice du pouvoir ?

Peut-on vraiment s’attendre à un traitement plus rigoureux de ce rapport de la Cour des comptes du fait du contexte de la présidentielle de 2024 ?

 Le régime actuel vit de clientélisme. Dans cette perspective, il est plus intéressé par sa survie que par la bonne gouvernance. Le contexte de la future élection présidentielle changera certainement le discours mais pas les pratiques. Si le discours rejoint les actes, il faudra trouver un autre personnel politique et administratif tellement il ne restera plus grand monde autour du président. Il faudra même penser à construire d’autres prisons. Ce scénario est malheureusement inimaginable. L’impunité est l’ADN des pouvoirs publics sénégalais.

Le président de la République va reprendre à partir du 26 décembre prochaine les Conseils des ministres délocalisés par Tamba. Quelle lecture faites-vous de ce déplacement mais aussi de son contexte actuel ?

Les Conseils des ministres délocalisés s’inscrivent dans le cadre d’une précampagne déguisée. C’est toujours à quelques mois de joutes électorales que le président juge de la nécessité d’aller à la rencontre des Sénégalais. Il est dommage qu’il voyage plus à l’étranger que dans son propre pays.

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