C’EST APRÈS MÛRE RÉFLEXION QUE LE KHALIFE A PRIS CETTE DÉCISION SALUTAIRE
Docteur en Géographie de l’université Louis-Pasteur de Strasbourg, Cheikh Guèye suit depuis une dizaine d’années l’évolution de la ville sainte de la confrérie des mourides à laquelle il appartient. Il apprécie la mesure de haute portée sociale prise par le Khalife général des mourides.
Quelle analyse faites-vous de la décision prise par le khalife général des mourides de confier la sécurité dans Touba au forces de Police et de gendarmerie ?
Je pense que c’est une initiative qui vient à son heure. Parce que, comme on le sait, Touba a connu une expansion fulgurante depuis une trentaine d’années et est devenue une métropole, avec 30 000 hectares de superficie, et au moins 2 millions d’habitants. Donc, c’est une grande ville à l’intérieur du pays. Et, sous ce rapport-là, il présente beaucoup d’enjeux, notamment l’enjeu sécuritaire.
Comment appréciez-vous l’évolution de la question de la gestion sécuritaire à Touba ?
La confrérie a fait beaucoup d’efforts depuis très longtemps. Avant, quand Touba était une petite cité, ce sont les Baye Fall qui assuraient la sécurité. Mais, il y avait aussi une auto-gestion. C’est-à-dire qu’il y avait très peu de problèmes de sécurité à gérer. Tous les habitants de Touba étaient éduqués d’une certaine manière. Il y avait très peu de problèmes. À partir des années 80-90, Touba est devenue une grande ville. Les problèmes de sécurité se sont accentués. Et, il était indispensable de les prendre en charge. C’est pour cela que l’État, en accord avec la confrérie, a installé d’abord une Brigade spéciale de gendarmerie. Ensuite, un Commissariat spécial pour aider la confrérie à gérer les problèmes de sécurité et de justice. Il y a maintenant plusieurs commissariats dans la ville.
Ces actions ne suffisaient-elles pas pour lutter contre l’insécurité dans la capitale du mouridisme ?
Tout ça reste insuffisant. Puisqu’à côté des aspects juste délictuels et criminels, il y a aussi des aspects moraux qu’il faut aussi surveiller. Parce que nous sommes dans une ville qui a un statut spécial de fait. Pour tout ce qui concerne les interdictions de fumer, de boire, de jouer au tam-tam, de faire de la musique, etc. Pour ça, l’État aussi a un rôle à jouer dans la surveillance et le respect. Mais, l’État a des lois et des règlements. Il ne peut pas interdire des choses à Touba qui ne sont pas interdites dans le reste du territoire national.
Donc, c’est pour ça que toutes ces structures ’’Khudamul Khadim’’, ’’Safinatul Amane’’, ont été créées pour prendre en charge toutes ces questions à la fois les questions criminelles, mais aussi morales.
C’est cela qu’on peut dire surtout que Touba est devenue une ville qui a un rayonnement national et sous-régional.
Il est indispensable que la gendarmerie se déploie beaucoup plus, que la police joue beaucoup mieux son rôle, que l’État prenne ses responsabilités beaucoup plus du point de vue de la sécurité dans cette ville. C’est après mûre réflexion que le Khalife a pris cette décision. Cette décision me semble salutaire.