LA DÉMOCRATIE, LE FAKE NEW LE PLUS VENDU DE NOTRE SIÈCLE ?
Notre pays est en pleine effervescence électorale. Certains louent la vitrine démocratique du Sénégal. D’autres le brocardent. Plus globalement, une partie de l’Afrique de l’ouest est en pleine tourmente sur la question du troisième mandat. Macky, lui, décident de ne rien dire sous prétexte que cela mettrait le pays dans l’instabilité. Entre tripatouillage et forcing, les forces démocratiques se mobilisent pour faire face. Les USA voient leurs mythes démocratiques s’effondrer même si les accusations de fraude sont connues à chaque élection au pays de l’Oncle Sam. La Chine, quant à elle, était dans la tourmente du Coronavirus, et s’est placée dans une autre dynamique depuis quelques années. En effet, le Parlement chinois a juste décidé d’abolir la limitation des mandats présidentiels pour permettre à Xi Jinpinh de réaliser sa vision à long terme. 2958 voix pour, seulement 2 contre et 3 abstentions. Un vote « massif » qui confirme la mainmise du PCC sur le pays et une confiscation des libertés. De manière décalée j’ai pensé à la partie de l’argumentaire qui affirme que c’est pour réaliser la vision à long terme. C’est sûrement un « alibi » pour justifier la confiscation des libertés démocratiques.
Se pose la question de fond. Comment aujourd’hui en 2022, un pays peut avoir et mettre en oeuvre une vision à 15 -20 ans et en même temps avoir un rythme électoral infernal quand même ! D’un côté on a cette tension permanente entre des gens qui, à peine élus par le processus « démocratique » (on le concède), sont obnubilés par les prochaines élections (c’est leur long terme, 5 à 7 ans au max). De l’autre un champ démocratique en constante ébullition qui t’accorde une période de grâce (de 100 jours symboliques) et qui s’évertue (avec les groupes d’intérêt, les réseaux sociaux, etc. ), à détruire et dégager celui qui est en place. Le seul consensus national porte sur des questions très graves de sécurité nationale ou sur les sujets tabous (comme certains groupes « intouchables »).
Alors les seuls « leaders » sont soit des autocrates ou des dictateurs qui confisquent les libertés. Xi, Poutine, Salam, Ergodan, Ben Zayed aux Émirats. Pendant ce temps les « démocraties » imposent un « turn over » du personnel politique qui ne peut être efficaces que si les socles institutionnels sont très forts pour permettre de garder le cap malgré les « alternances ». Hollande, Macron, Obama, Trump, Merkel en constante négociation avec les autres forces ou des leaders populistes sortis des urnes. Sinon le modèle africain avec ses deux faces de la même monnaie. Des élections régulières sans vrai alternance dans un cas et des présidents à vie. Mais ils sont tous incapables de réaliser ce qui fait un pays fort. Un passé, une ambition et une vision. En Chine Xi dit que 5 -10 ans ce n’est pas assez. Entre ça et faire sauter la clause limitative il y a du surréaliste. La clé c’est de bâtir des institutions fortes et résilientes face aux « aléas démocratiques « . Aux USA, le président a parfois deux ans sur 4 pour mettre en oeuvre sa politique. Car la première année, il apprend le job et la dernière année il prépare la réélection. Chez nous il a 5 ou 7 ans pour …confisquer le pouvoir à jamais si possible !
Aujourd’hui, le Maroc est en train littéralement de bouffer l’Afrique subsaharienne. Comment ce pays, ce royaume parvient à cela ? Le roi est adossé à un pouvoir séculier qui lui offre la possibilité de se projeter et s’appuyer sur un socle tentaculaire au niveau national. Il peut imprimer une vision très nationaliste et à long terme. Mais le pays utilise les outils du management moderne. Beaucoup de ministères au Maroc ont recours aux meilleurs cabinets internationaux pour dresser leur tableau de bord et mettre en place des formes de reddition de comptes. Le roi n’hésite pas à sanctionner et même à bannir des ministres indélicats. Mais quand il voyage en Afrique, il débarque toujours avec une « cargaison » d’hommes d’affaires…marocains. Il leur offre l’environnement propice pour se déployer. Quand Erdorgan arrive à Dakar, il vient avec dans ses valises les businessmen turcs qui arrivent à introduire pour gagner des marchés. Macron le fait avec les entreprises françaises en Afrique. Et nos dirigeants alors ? Ils tuent les entreprises et les entrepreneurs nationaux (non affiliés à eux) et ils les mettent à la merci de la concurrence déloyale des firmes étrangères et on leur demande d’être compétitifs.
Revenons à la Chine. La Belt and Road Initiative est très ambitieuse certes, mais elle ne peut justifier une confiscation du processus démocratique. En même temps au-delà de cela il y a une réflexion à faire sur la manière de concilier les exigences de développement sur le long terme et le « cycle démocratique ». Ce dernier n’a pas pour finalité de changer le leadership ou le faire alterner pour cliquer sur la case « élections organisées : Oui) mais bien de développer de manière durable et inclusive le pays. Il faut « requalifier » l’essence de la démocratie plutôt que sa forme. Quelqu’un disait qu’il faut désacraliser les élections en Afrique. Paul Collier en parle largement dans un de ses livres : « Wars, guns, and votes : Democracy in Dangerous Places ». C’est un amplificateur de risques de violence dans beaucoup de pays. Mais une des pistes qui ressort de toutes ces études c’est qu’il faut se battre pour consolider les contre-pouvoirs. L’érosion des contre-pouvoirs est la mère de toutes les dérives. Et paradoxalement tout le monde se bat pour le pouvoir et très peu pour ériger et préserver les contre-pouvoirs.
Qui se bat au Sénégal pour rendre la représentation parlementaire plus exigeante et moins lucrative ? Moins de députés et moins d’avantages ? Si les députés devaient recevoir juste des indemnités de session on verra moins de bataille. Pour rester en chômage payé pendant une législature. Si on leur assigne une prime de performance, nombre d’initiatives parlementaires seraient abouties, par exemple. Ils dormiraient moins à l’Assemblée. Idem pour la séparation des pouvoirs, la limitation du nombre de partis, la régulation des médias de propagande publique, la démocratisation du droit de vote. Préserver la fonction publique des injonctions et du chantage politiques. Soumettre à la compétition tous les postes de direction et de chef d’agences. Réduire les mécanismes de distribution de carottes politiques que l’État utilise à des fins partisanes. Voilà ce qui pourrait constituer les bases d’un programme politique alternatif.
Les acteurs de tous bords sont obnubilés par les ’formes » de la démocratie. Alors qu’il faut vider la démocratie de ses formes ! Pour bâtir une « substance ». Autrement cela devient un leurre avec ce cycle infernal. Surenchère pré-électorale, transhumance préventive -élections chaotiques-désillusions et déceptions post électorales- transhumance post traumatique – recomposition politique – contestation – surenchère à nouveau. Cette bande est usée. Elle se défile sous nos yeux depuis trop longtemps. La seule variante ce sont les formes de répression et la violence qui font des intrusions dans ce cycle.