HYPOTHEQUE SUR LE PROJET D’UN NOUVEL LE DANTEC
La maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec est le dernier bâtiment à recevoir la visite des Caterpillar au mois de novembre dernier, après ceux des autres services. Une démolition qui entre dans le cadre d’une reconstruction dudit hôpital aux normes internationales dans le même site. Toutefois, plusieurs mois (3) sont passés sans que la pose de la première pierre, prévue le 1er septembre dernier, ne soit effective et la nouvelle date non encore communiquée. Une situation qui suscite craintes et déceptions chez les Sénégalais, par rapport à cette réalisation, surtout que des échos font état d’un éventuel du désistement du bailleurs. Verra-t-il le jour ? Les réponses sont inscrites dans le futur.
L ’hôpital Aristide Le Dantec, successivement appelé Hôpital Indigène, Hôpital des Noirs, Hôpital Central auparavant, continue de faire parler de lui. Créé en 1913 et baptisé en 1932 au nom de son premier directeur, Aristide Le Dantec, médecin principal des troupes coloniales, il a été rasé au mois d’août dernier pour que, de ses poussières, naissent un nouvel hôpital moderne qui répond aux normes internationales. Si la pose de la première pierre avait été annoncée pour le 1er septembre 2022 par le Chef de l’Etat, plus de trois mois après, des Sénégalais attendent toujours la matérialisation de cette demande des praticiens de la santé.
Contrairement à la «précipitation» de faire sortir des malades, d’arrêter les soins pour le démarrage des travaux, tout semble être au ralenti. Des tas de gravats sont entassés au sein de l’hôpital, sous le silence des gros engins devant servir à dégager la zone où doit pousser des bâtiments neufs. La maternité, dernier bâtiment à recevoir la visite des Caterpillar au mois de novembre est dans le même état. Aujourd’hui, face à cette situation, la crainte de ne plus voir sortir de ces décombres le nouvel hôpital moderne promis taraude l’esprit de bons nombre des Sénégalais et des syndicats comme la Fédération des syndicats de la santé (F2S), le Collectif pour la défense de Le Dantec. Ces derniers continuent à alerter sur cette possibilité. Même le ministère de la Santé et de l’Action sociale a refilé la patate chaude au président de la République, en soutenant : «le dit patrimoine appartient à l’Etat et c’est à lui d’en décider», avait annoncé la ministre de la Santé Dr Marie Khémesse Ngom Ndiaye, pour ce qui est des trois hectares restants du foncier qui ne seront pas utilisés pour la reconstruction de Le Dantec.
Concernant le démarrage des travaux, des sources ont avancé que «le pilotage financier, la programmation se font au niveau de la Présidence, le ministère de la Santé reste un exécutant et se charge de la supervision des travaux, à travers la Direction des constructions des établissements de santé publique». A cause de la date annoncée du 1er septembre pour la pose de la première pierre de cet hôpital, la fermeture des services avaient été précipitée et calée pour le 15 aout dernier pour permettre à l’Etat de disposer de ce foncier. Les premières campagnes de démolition ont aussi eu lieu aux lendemains de la fermeture. Seulement, il s’en est suivi des arrêts de travaux sur une longue période, avec une reprise timide, sans pour autant réussir à dégager tous ces gravats qui rappellent des souvenirs tant joyeux que douloureux de beaucoup de Sénégalais et des habitants d’autres pays.
Face à cette «précipitation» du gouvernement de mettre la main sur Le Dantec, pour les besoins d’une reconstruction, à cause de la «vétusté» des bâtiments, le déploiement du personnel fut fait à la va-vite, laissant en rade plusieurs personnels de santé qui attendent toujours leur note de service pour rejoindre leur nouvelle destination. Ces derniers, tout comme des malades priés de quitter les lieux, sans accompagnements, ni orientation, ont payé le prix fort avec des pertes d’emplois, des pertes en vie humaines, mais aussi causant des traumatismes chez des professionnels de santé qui attendent toujours d’être redéployés ou qui courent derrière leur arriérés de salaire.
ET DE DEUX POUR LA MATERNITE DE DANTEC
La maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec est en train de vivre, pour la seconde fois, une fermeture de son site. Même si cette fois-ci, elle a complètement été rasée et non fermé pour des besoins de rénovation comme c’était le cas la première fois. Durant 13 ans, le personnel a été redéployé dans d’autres structures, en attendant l’ouverture de cette maternité. Aujourd’hui, près d’une dizaine d’années après la reprise de leurs activités, le personnel se retrouve confronté à la même situation. «Nous étions dans un environnement que nous connaissions, que nous maitrisions. Maintenant, on se retrouve dans d’autres sites ou ces dernières ‘’les sages-femmes’’ ont leur manière de faire, leur habitude. Et le plus souvent certaines ne nous font pas de place pour nous permettre de bien exercer. Des sages-femmes sont jalouses de leurs territoires et n’hésitent pas de nous donner de second rôle», a témoigné une sage-femme de Le Dantec redéployée dans une des structures sanitaires de la place. Aujourd’hui avec la démolition de l’hôpital Le Dantec, le seul mot qui revient dans le discours des pensionnaires des lieux est «l’espoir». Pour la maitresse Sagefemme de la maternité de Le Dantec, par ailleurs présidente de l’Association nationale des sages-femmes du Sénégal, Bigué Ba Mbodji, «c’est toute une vie qui est partie. Maintenant, on a comme consolation l’espoir que cela va se reconstruire dans les délais promis et que le nouvel hôpital sera une structure qui nous fera oublier toutes les misères que nous avons et que nous sommes en train de vivre». Et d’ajouter : «le seul problème que nous avons actuellement, c’est un problème social».
Par rapport au personnel de la maternité, tout comme celui des autres services, Mme Ba Mbodj a fait savoir : «on a enregistré beaucoup de décès parmi le personnel, depuis l’annonce de la fermeture de l’hôpital. Ces personnes étaient stressées. Les disparus avaient besoin d’un accompagnement psycho-social parce que, du jour au lendemain, ils ont vu leur lieu de travail disparaitre, ils étaient dans l’incertitude par rapport à leur avenir ; il y avait l’ouverture des classes et ils se demandaient comment ils allaient payer les études de leurs enfants, comment ils allaient payer la location, comment ils allaient pouvoir vivre avec leurs familles ? Tant de questions qu’il fallait résoudre. Et je pense que le stress est toujours là». Et comme solution de sortie crise, pour les gens qui n’ont pas encore été redéployé, elle a préconisé : «durant la durée de cette fermeture, il faut que le personnel soit rassuré de son avenir. Il nous faut un fonds social qui soit disponible pour tout le personnel parce que c’est tout le monde qui est impacté car des salaires restent toujours impayés».