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Mamadou NDIONE : « Faire du transport routier un adjuvant paisible de l’économie nationale… »

Un accident de la route a toujours une cause au-delà de la fatalité. C’est pourquoi, l’être humain, acceptant la volonté divine se doit de toujours agir sur plusieurs leviers allant de la formation à la sanction en passant par le contrôle rigoureux de toutes les étapes du processus. Pour en venir à notre pays, c’est le lieu de saluer la mémoire des personnes décédées des suites de la série de tragiques accidents de la route et prier pour que le paradis soit leur demeure éternelle. Il faut soutenir l’audace en filigrane contenue dans les 22 mesures prises lors du Conseil interministériel présidé par le Premier Ministre Amadou Ba sur instruction du Président Macky Sall. Ces mesures prennent en compte l’humain, le moyen de transport et le management du secteur.

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SUR L’ÊTRE HUMAIN

Est-il normal de perpétuer un système de transport ne garantissant quasiment aucun droit au chauffeur ? La mesure courageuse prise par le gouvernement de renforcement du contrôle du respect des dispositions du Code du travail (contrat en bonne et due forme et paiement des cotisations sociales) par les transporteurs permettra de révolutionner le secteur. Il s’agira d’aller jusqu’au bout de cette mesure avec un délai de mise en œuvre précis. Pour ce faire, un recensement exhaustif des chauffeurs devra être effectué pour une régularisation dans les délais.

La révision de l’âge minimum pour obtenir le permis et conduire des véhicules de transport urbain et interurbain de personnes à 25 ans et à 23 ans pour les véhicules de transport interurbain de marchandises est une excellente nouvelle. Il s’agira de mettre en place un processus d’habilitation à conduire des passagers ou des marchandises. Comme annoncé avec la plus grande implication des services de la santé dans l’appréciation des aptitudes physiques à conduire des personnes ou des biens, il faudra aussi un passage obligé à l’induction des chauffeurs via un centre de perfectionnement. Il est prévu dans le paquet des 22 mesures le renforcement et le large déploiement de l’Agence de la sécurité routière de même que la création d’une école de formation et de perfectionnement aux métiers de conducteurs des véhicules de transport public. Il s’agira de, pour ne pas réinventer la roue, s’appuyer sur l’expérience du centre de formation aux métiers portuaires et logistique (CFMPL) pour élargir ses missions afin que tous les chauffeurs de marchandises et de personnes passent à la moulinette d’une formation induction accélérée de 48h pour avoir en plus du permis, une habilitation. Connaissant bien le professionnalisme du CFMPL, ce travail peut se faire au grand bénéfice de tous les acteurs.

Sur l’obligation de port du casque pour tout conducteur et passager des véhicules à 2 roues, il s’agira d’être intransigeant. De même, le défaut de pièces pour les deux roues est inadmissible et non négociable.

SUR LE MOYEN DE TRANSPORT

L’interdiction de circuler en interurbain de 23h à 5h du matin pour les véhicules de transport public de voyageurs est une excellente mesure dont la mise en œuvre règlera la lancinante question des accidents nocturnes aux conséquences souvent dramatiques. De même, la limitation de la durée d’exploitation à 10 ans pour les véhicules de transport de personnes et à 15 ans pour les véhicules de transport de marchandises participera à réduire l’insécurité due à l’âge des véhicules. Il nous arrive tous de croiser dans la route les vieux Berliet des années soixante qui, rien qu’en apparence donnent des sueurs froides. La décision concomitante d’accélération du programme de modernisation et de renouvellement du parc pourrait aider dans la mise au rebut du vieux parc. L’interdiction à terme de l’importation des pneus usagés permettra d’agir sur l’élément le plus exposé du véhicule. Cette mesure pourrait s’articuler à l’analyse des coûts des pneus neufs pour, dans les meilleurs délais, mettre en place une stratégie de mise en place d’industries d’import-substitution pour la fabrication de pneus au Sénégal.

Il faut saluer à sa juste mesure la décision de passage gratuit du contrôle technique à Dakar pour tous les véhicules de transport de personnes et de marchandises. Cette mesures permettra de faire repasser au contrôle toute la flotte nationale. Durant cette phase de contrôle, la décision de plombage des compteurs de vitesse de ces véhicules à 90 km/heure pourra être effectuée de même que le démantèlement de toutes les transformations à risque faite sur ces véhicules. Il s’agira d’être intransigeant sur cette disposition. L’accélération de l’ouverture des centres de contrôle technique dans les régions est une excellente initiative qu’il s’agira de conjuguer avec une mise à niveau desdits centres.

Sur l’interdiction de la surcharge et de toute transformation de véhicules destinés au transport de marchandises en véhicules de transport de passagers, il s’agira de mettre toute la fermeté requise avec des sanctions à la fois à appliquer au chauffeur, au transporteur et aux usagers en cas de constats d’infractions.

En vérité, comme rappelé dans les 22 mesures, la révision des conditions d’octroi de l’agrément de transport de même que des spécifications techniques des véhicules destinés au transport des personnes et des marchandises permettront d’aller dans le sens d’une meilleure professionnalisation du secteur avec à la clef plus d’exigences sécuritaires. Cette révision, au-delà de l’Administration centrale étatique, doit impliquer des experts agrées dans le processus de contrôle de la délivrance desdits agréments. Il s’agira de mettre en place un dispositif à la fois d’expertise et de contrexpertise avant délivrance de l’agrément valable pour une durée précise avec renouvellement et application de pénalités en cas de constat de perte des critères initiaux de délivrance.

SUR LE MANAGEMENT DU SECTEUR

C’est le lieu de saluer la décision extrêmement importante d’opérationnalisation du Conseil supérieur de la Sécurité et de l’Education routières pour assurer le suivi des 22 recommandations qui toutes vont dans le sens de solutions pérennes. Il faudra également se réjouir de la mise en place d’une structure autonome multisectorielle, dirigée par un officier supérieur, sous l’autorité du Ministre des Transports chargée de l’application rigoureuse des dispositions du code de la route. En plus de l’effet recherché dans l’uniformisation du centre de décision, il s’agira de mettre en place un impressionnant dispositif de vidéosurveillance le long de nos routes et corridors pour permettre aux unités en charge du contrôle d’agir avec efficience. Ce dispositif pourrait être jumelé à la dématérialisation décidée du paiement des amendes et pénalités liées aux infractions routières afin de permettre plus de célérité et de transparence.

Le bon management du secteur du transport passe comme décidé dans les 22 mesures par le renforcement des sociétés nationales de transport public qui sont des instruments de nivellement vers le haut des transporteurs privés. Il serait préférable d’envisager l’élargissement de l’actionnariat de ces sociétés au secteur privé.

De même, il faut saluer la décision de déploiement de fourrières et d’aires de repos dans chaque département. A ce niveau, il est important de s’inspirer de Plan Stratégique de structures comme le COSEC qui ambitionnent de mettre en place des infrastructures du genre avec également le déploiement déjà effectif dans les quatorze chambres de commerce régionales de la bourse de fret du transport routier. Le problème du transport est d’abord dans l’indisponibilité de l’information sur les mouvements en temps réel de la flotte ; ce qui pose un problème de manque d’efficience avec des effets induits sur le coût du transport. En plus du déploiement de la bourse de fret déjà fait par le COSEC, il s’agira de digitaliser la lettre de voiture pour la marchandise et le manifeste des passagers pour les véhicules de transport de personnes. Des applications simples sont disponibles pour aller dans ce sens. La décision de renforcement du dispositif de secours et d’assistance médicale pour la prise en charge des victimes d’accidents de la route est une excellente chose qu’il s’agira de mettre en cohérence avec un dispositif héliporté en relation avec le SAMU, les Sapeurs-pompiers et l’armée de l’air.

En définitive

Une stricte application des 22 mesures issues du Conseil interministériel dans le temps et dans l’espace permettra en plus des aspects sécuritaires de professionnaliser davantage un secteur qui, à l’instar du sang humain irrigue les veines de toute l’économie nationale. Cette professionnalisation passera nécessairement par le développement du transport de marchandises entre les régions avec des groupeurs professionnels faisant usage de procédures universellement connues. Il faut une approche logistique du transport routier. Nous devons rompre avec cette vielle coutume consistant à faire voyager les marchandises en même temps que les hommes.

Nous devons pouvoir tirer le maximum d’effets induits de notre secteur de transport multimodal en réduisant au maximum les risques inhérents à ce secteur. Tout est dans le respect des obligations collectives et individuelles.

Dans un registre plus stratégique, le lien entre Infrastructures, Transports terrestres et Désenclavement devra aussi être apprécié à l’aune des enjeux par l’Autorité. S’il est clair que le transport terrestre est un service vital pour toute l’économie nationale, il en est de même pour le désenclavement qui, suivant la vision du Chef de l’Etat est l’un des facteurs clefs de l’inclusion nationale au moment même où les infrastructures constituent l’épine dorsale du PSE. A la lueur de ces trois priorités juxtaposées, il s’agira pour le scientifique avéré et l’homme d’Etat expérimenté qu’est le Président Macky Sall d’explorer et de valider un cadre logique pour mieux affiner le management institutionnel et opérationnel du secteur du transport terrestre pour bâtir plus de cohérence d’ensemble dans une approche client-fournisseur.

L’essentiel étant, avec l’aide de Dieu, de bénéficier du transport avec moins de pertes en vies humaines et en matériels et de faire de ce secteur un adjuvant paisible de l’économie nationale. En plus du transport routier, il faudra créer les conditions d’une utilisation efficiente et combinée de toute la panoplie du transport multimodal (notamment maritime, fluvial, ferroviaire et aérien).

Il faudra simplement mettre en place des procédures et des investissements d’appoints à l’impressionnant travail fait sur le gros œuvre depuis dix ans par le Chef de l’Etat. Il faudra surtout que tous les acteurs jouent le jeu du respect par tous des obligations.

* Par Mamadou NDIONE
Maire de Diass

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