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SIKILO, LE JOUR D’APRÈS

Bourgade située dans le département de Kaffrine, Sikilo est sorti tristement de l’anonymat depuis le tragique accident et ses 39 morts dans la nuit du samedi à dimanche. Bés bi est allé sur place pour vivre la sinistre ambiance. Comme un retour sur les lieux du crime.

Sous les décombres, Hamidou Diallo, désespéré et perdu, essaie de retrouver ses sacs de gomme arabique. Au milieu d’une route de 7m de large, étonnamment étroite malgré le ballet réplétif et vrombissant des camions et « horaires », les deux bus qui se sont télescopés dans la nuit du samedi à dimanche ont terminé leur course l’un à droite, l’autre à gauche. En ce jour d’après l’émoi national causé par 39 morts dans la nuit du samedi à dimanche, les habitants du quartier sont toujours sous le choc, traumatisés et tentent de comprendre ce qui s’est passé. En vain.

Aidé par une dizaine d’hommes, Hamidou, la vingtaine, a le visage déformé, déchiqueté et chahuté par des plaies causées par la nuit tragique. Quand il est appelé à raconter sa mésaventure, sa mine laisse transparaitre un drame personnel. Il minaude par moments, gesticule parfois et remonte les atroces souvenirs de son voyage tragique. « J’occupais un siège à l’arrière et j’utilisais mon téléphone. Quand le pneu a éclaté, le bus a percuté l’autre », s’efforce d’expliquer timidement le bonhomme dont la narration donne la chair de poule. « J’ai quitté Tamba pour ramener cette marchandise à mon grand-frère à Kaolack », rappelle-t-il d’une voix chargée de trémolos. T-shirt noir déchiré, son jean de la même couleur porte les souillures de la piste latéritique qui jouxte le goudron.

« J’ai vu deux garçons dont les pieds seront coupés »
Yeux rougis par une détresse sans fin, Hamidou perce le sol du regard et tourne la tête comme un signe de désespoir dans une vie qui n’a presque plus de sens. « Je ne sais même pas où je suis », soupire-t-il au milieu d’un véhicule en ruine.

À Sikilo, village de quelques hectares de champs où quelques maisons tentent d’exister face à la végétation monstre, le sinistre dimanche s’est couché comme le lundi s’est réveillé. Dans une ambiance proche de l’apocalypse, le soleil, en s’éclipsant ce matin, a décidé de commémorer le premier jour de deuil en ouvrant ses vannes. Un vent frisquet caresse les visages livides des habitants encore traumatisés. Dans son récit, Almamy Dramé, témoin, peut arracher des larmes aux plus stoïques. Dans ce lieu, flotte un parfum de mort, une odeur de mutilé dans cette forêt immense qui étouffe les appels à l’aide. Entouré de ses amis, Kalidou, du haut de son mètre 90, se tait un moment. Silence radio. Un léger gémissement. Et soudain, c’est tout son corps qui est pris d’un long frémissement. Il est transfiguré, détaché, lointain. « Il y a deux garçons que j’ai vus, leurs pieds seront coupés parce qu’ils ne peuvent plus tenir sur leurs jambes », raconte terrifié Mame Mor, mécanicien.

Avec ses amis, il narre les cris des villageois au moment du drame, les premiers secouristes et ces blessés coincés sur les sièges du bus, impuissants. Insoutenable ! Amy écrase une larme de loin, s’écartant vers son véhicule. Visage émacié, teint clair, la trentenaire et voilée n’a pas de proche parmi les victimes de l’accident mais a décidé de ne plus écouter les témoignages. « Je n’en peux plus », lâche-t-elle. Comme les habitants de Siliko.

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