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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC BRUNO ROHART, entraîneur de Diambars : « Si on peut être le poil à gratter du Championnat, on le fera » (partie 1)

Profitant de la trêve due au Championnat d’Afrique des Nations, Bruno Rohart, entraîneur de Diambars, nous a accordé un entretien exclusif depuis les installations de son club à Saly. Dans cette première partie, le technicien évoque longuement la première moitié de saison du club académicien, son passage à Dakar Sacré-Cœur, le Championnat sénégalais dont son équipe est leader actuel, et surtout le CHAN.

Comment se passe votre seconde aventure dans le football sénégalais ?

Ça se passe très bien. La première année à Diambars a été une découverte pour moi parce que je ne connaissais pas l’environnement et le club. On a eu une première partie de saison un peu difficile (en 2021-2022), j’ai pris le train en marche un peu. On sortait du Covid alors que la saison n’était pas terminée puisqu’on avait aussi la finale de Coupe du Sénégal à conclure, une finale malheureusement perdue (contre le Casa Sports). Ensuite, il y a eu une belle aventure en coupe d’Afrique avec Diambars, au Nigeria. Cela a été riche d’enseignements. Le Championnat était compliqué pendant les 11 premiers matchs, voire un peu plus. C’était une découverte pour les joueurs, une nouvelle méthode de travail, un nouveau staff, tout ça était assez compliqué. Au fur et à mesure, les choses sont rentrées dans l’ordre. Il y a eu un mois de coupure (pendant la CAN) mais quand on a repris les choses en mains, on a continué à travailler dur et les joueurs ont été tout simplement récompensés, on a fait une deuxième partie de saison où on finit troisième. Les choses étaient revenues à la normale.

“Nos jeunes ont été au-delà de nos attentes, vraiment intéressants”

Sur la deuxième saison (2022-2023), il y a eu le temps de faire une très grosse préparation. J’avais prévenu les joueurs que ça allait être très difficile et ça l’a été. Maintenant, on en a les bénéfices puisqu’on est très très bien physiquement, nos jeunes ont été au-delà de nos attentes, vraiment intéressants. L’alchimie entre jeunes, moins jeunes et quelques expérimentés comme Mignane Diouf, Elimane (Cissé) ont fait beaucoup de bien au groupe. Les résultats ont suivi, il y a eu une dynamique positive ce qui fait que les résultats sont positifs. Maintenant, ça va faire du bien de couper un peu. Mon groupe est très jeune et très inexpérimenté, on a fait beaucoup d’efforts et il était temps de couper un peu parce que les organismes ont souffert. Ça va faire du bien à tout le monde. Ça reste une deuxième expérience positive.

“Je n’ai pas quitté Dakar Sacré-Cœur, j’ai été forcé”

Qu’est-ce qui a pu vous motiver de passer de l’Académie Dakar Sacré-Cœur à Diambars ?

Je n’ai pas quitté Dakar Sacré-Cœur, j’ai été forcé. Le président Mathieu Chupin, que je salue au passage, a souhaité changer de projet dans lequel je ne faisais plus partie. J’étais en fin de contrat et on s’est séparés. Je l’avoue, c’était très difficile pour moi, DSC était une expérience fantastique. J’ai vécu trois ans exceptionnels là-bas. J’ai dû repartir la mort dans l’âme parce que j’ai beaucoup aimé le Sénégal et ce que j’ai fait ici. Après, j’ai eu la chance de faire deux saisons à l’OGC Nice (il était entraîneur des jeunes de novembre 2019 à août 2021), ce qui m’a permis de côtoyer Patrick Vieira (qui était entraîneur de Nice à l’époque), un des membres fondateurs de Diambars. Il est un peu à l’origine de ma venue à Diambars mais ça s’est fait naturellement.

Y a-t-il une différence entre Dakar Sacré-Cœur et Diambars ? 

Oui. Il y a notamment une différence structurelle, matérielle mais ça reste deux académies et, pour moi, c’est une belle opportunité de travailler dans la formation ici à Diambars.

En plus du costume d’entraîneur, quels sont vos autres rôles à Diambars ? 

Je suis manager de l’équipe pro mais je me concentre sur la tâche que le Président Saer Seck m’a affectée, c’est-à-dire de travailler et faire travailler les jeunes qui sont dans l’équipe pro. En accord avec le Président, j’ai une liberté de travail assez totale. Il est passionné par la formation des jeunes. Tous les deux, on est en phase là-dessus. La vocation de Diambars est de faire jouer les jeunes pour ensuite les transférer. Cela me va très bien que de former des jeunes entre 16-17 ans et de les envoyer en Europe, c’est mon métier. En France, j’ai toujours eu l’habitude de travailler avec ce genre de joueurs jeunes. Au Sénégal, je l’ai fait avec DSC. Je continue ici. Le fait d’avoir les mains libres et un Président qui nous laisse travailler sereinement et tranquillement est un atout considérable, surtout au Sénégal.

Depuis votre arrivée, on a l’impression que ça se passe un peu mieux, en termes de résultats notamment ? Êtes-vous d’accord ?

Ça a été difficile sur les 3-4 premiers mois, mais je pense que c’est logique. J’ai tout chamboulé, notamment au niveau des méthodes et de la rigueur de travail. J’ai imposé ma patte avec le staff. Cette année, on travaille encore plus dur et on a des résultats. Je ne dis pas que c’est uniquement grâce à ça, c’est un tout avec un président qui nous laisse travailler, des installations de haut niveau, des qualités de joueurs qui ont été bien formés. Après, je ne vais pas dire que les résultats sont secondaires mais ce qui m’importe c’est qu’on ait quelques départs en Europe durant ou après la saison. C’est mon objectif prioritaire. Je préfère finir 5e et que le club vende trois ou quatre joueurs que de finir premier sans rien vendre. La gloire d’un club professionnel est d’être champion mais, ici, ce n’est pas ça l’objectif. Ce que je veux est que nos jeunes puissent avoir la chance d’aller vivre et jouer en Europe.

Diambars a entamé la saison avec une défaite, maintenant vous êtes leaders du Championnat… Qu’est-ce qui a changé ?

Il y a eu une prise de conscience et, surtout, on a ouvert la porte aux très jeunes. Au début de saison, nos joueurs plus expérimentés n’étaient pas tout à fait prêts parce qu’ils ont fait une très grosse préparation. Les jeunes ont tout de suite pris le relais sur la 2e, 3e, 4e journée de Championnat. Ils ont apporté de l’enthousiasme, la fraîcheur et l’envie que les plus « vieux » n’avaient pas contre Dakar Sacré-Cœur. Ils nous ont permis de décoller et, ensuite, l’alchimie s’est faite. Quand tout le monde s’est remis au travail et au niveau, les résultats sont venus logiquement. Mais aussi, il faut reconnaître qu’on a des joueurs de qualité. On peut faire ce qu’on veut mais si on n’a pas des joueurs de qualité, on n’y arrivera pas. Le travail, la qualité, le sérieux et la rigueur font que nous en sommes là aujourd’hui. Maintenant, c’est anecdotique, il n’y a que 11 matchs joués dans le Championnat. Je veux absolument que tout le monde garde les pieds au sol car la saison est encore longue. J’espère qu’on va vendre entre 3 à 4 joueurs. Et puis, on va peut-être perdre quelques joueurs sélectionnés pour la CAN U20. J’ai donné rendez-vous au groupe au bout de 20 matchs. À la 20e journée, on saura où on est. Si nous sommes toujours là-haut, on réfléchira peut-être autrement. Pour l’instant, on va continuer à travailler dur et à ne pas jouer tout de suite la tête du Championnat.

On a l’impression aussi que ça peine à enchaîner, il n’y a plus eu trois victoires de suite en Championnat depuis mars 2022… Est-ce que cela pourrait être un handicap ?

Non. Le rythme de champion est de faire une victoire à domicile et un nul à l’extérieur, il n’est pas obligatoire d’enchaîner des victoires si nous sommes réguliers. Le seul problème qu’on a avec les résultats est qu’on ne fait pas de matchs nuls, on enchaîne des victoires puis on perd derrière. Mais ça nous donne un rythme de champion et je le prends. J’ai une équipe qui ne sait pas calculer et qui ne sait pas gérer les matchs, cela nous a joué des tours cette saison mais ça nous a permis d’aller chercher une victoire à Génération Foot. Avec une équipe jeune et inexpérimentée, c’est difficile de calculer ses matchs. Peut-être que ça va venir avec l’expérience sur la deuxième partie de saison. Mais, ça m’irait très bien si nous continuons à ce rythme-là. Ça veut dire qu’on est capable de jouer le haut de tableau. On marque beaucoup de buts, on attaque. J’ai un groupe un peu « fou », ils sont capables de tout, de se surpasser.

La clé de la réussite est aussi qu’on a un groupe très solidaire, capable de retourner des situations. Ils sont très forts moralement et psychologiquement. Je l’ai vu plusieurs fois cette année. On est allé gagner à Teungueth et le dernier de la Petite-Côte contre le Stade de Mbour. On a battu le Casa Sports qui est une très grosse équipe. On est allé battre GF dans un match qu’on a mal embarqué. On va continuer sur ce chemin-là. Ça me convient si on continue d’enchaîner deux victoires de suite.

Depuis 2019, le club n’a pas gagné de trophée majeur… Est-ce que remporter un titre reste un grand objectif cette saison ?

On est passé tout prêt l’année dernière quand on a été battus en finale de la Coupe du Sénégal par le Casa Sports. C’était la première fois depuis 2019 que Diambars va se hisser en finale de la Coupe du Sénégal. Ça nous a donné un goût inachevé. Moi, j’aimerais un trophée pour Diambars et son Président mais le plus beau des trophées pour moi serait d’envoyer nos joueurs dans de grands clubs européens. Ce serait une vraie réussite pour moi.

“Aller chercher une place sur le podium ou mieux.”

Est-ce que Diambars est prêt pour remporter le Championnat cette saison ?

Si nous en avons la possibilité, on ne va pas s’en priver. Ce serait mentir et ne pas être honnête de dire que cela ne nous intéresse pas. Cependant, on a d’autres objectifs prioritaires : le premier est de développer des jeunes et de les vendre, le second est d’assurer un maintien rapide pour être tranquille et pouvoir travailler sereinement.

J’avais fixé à mes joueurs d’avoir 7 victoires le plus tôt possible pour aller chercher 26-27 points. On a déjà ces 7 victoires donc, force est de constater que le maintien va être acquis tranquillement. Le deuxième objectif est de faire mieux que l’année dernière. Après, nous serons contents de prendre tout ce qu’on pourra prendre. Si on peut jouer les troubles fêtes, si on peut être le poil à gratter du Championnat, si on peut embêter tout le monde, on va le faire.

Mais il y a des équipes aussi motivées que nous, la bataille va être rude. Il y a de très bonnes équipes dans le Championnat sénégalais dont le niveau est très relevé. Il y a de bons coachs, de bonnes équipes, tous les matchs sont très difficiles. Il faut batailler à chaque match. Aujourd’hui, on est devant avec le Casa Sports mais rien ne dit que ce seront ces deux équipes à la fin. Ça peut être le Jaraaf, Guédiawaye qui fait une bonne saison et bien d’autres. Tout est ouvert. On a la possibilité d’aller chercher une place sur le podium ou mieux. En gardant nos méthodes de travail, on va jouer le plus haut possible parce que je ne serais pas honnête si je vous dis le contraire.

Comment trouvez-vous le niveau du Championnat sénégalais ?

C’est un Championnat qui a progressé. La Ligue est très difficile. Plus difficile encore quand je suis arrivé à Dakar Sacré-Cœur. Au fil des années, ça s’est bonifié. Il y a de plus en plus de bons coachs, il y a des clubs qui commencent à avoir des terrains d’entraînement. Ça monte en puissance. C’est un Championnat âpre, tout le monde peut battre tout le monde. Tout peut se passer, il n’y a pas de matchs faciles. Mais je dirais que le seul bémol ce sont les terrains, ils ne sont pas très praticables et pas faciles à jouer. Parfois, c’est compliqué à jouer. Ça pénalise toutes les équipes, pas seulement Diambars. Je pense qu’il y a vraiment un effort à faire là-dessus. Ce serait bien qu’il y ait du mieux au niveau de l’accueil du public et de la qualité du match. Si je devais mettre une note/10, je mettrais un 6 ou 7. On peut faire beaucoup mieux. Le travail des managers et des entraîneurs est en train de payer. D’ailleurs, j’espère qu’on le verra au CHAN, et que nos joueurs locaux vont porter haut les couleurs sénégalaises.

On a l’impression que les clubs académiciens ne sont plus aussi dominants que d’habitude…

Simplement parce que les clubs traditionnels ont progressé. Ils se sont rendu compte qu’il fallait travailler mieux et plus. Il y a aussi le fait que les Académies jouent avec des jeunes joueurs et qu’il y a de bons joueurs expérimentés dans ce Championnat. C’est un peu comme le Championnat de National en France où les équipes réserves pros sont en difficulté. Ici, les clubs académiciens sont attendus à chaque fois. Les combats sont rugueux. Beaucoup d’équipes jouent les matchs contre les Académies en sachant qu’il faut tourner le combat vers le défi athlétique. Là, on se met en difficulté avec nos jeunes joueurs. En tout cas, pour moi, la raison principale est que les clubs traditionnels travaillent mieux et font progresser beaucoup de joueurs. Il y a aussi des entraîneurs de haut niveau. Je pense à Youssouph Dabo (Jaraaf), Cheikh Gueye qui fait un très bon travail au Stade de Mbour, Souleymane Diallo avec le Guédiawaye ou encore Ansou Diadhiou, l’entraîneur du Casa Sports. Le niveau est en train de se réadapter. Tout le monde se met au même niveau. La seule différence est que les Académies jouent avec des équipes plus jeunes donc, c’est normal qu’on soit aussi en difficulté. Mais c’est un exploit pour nous d’avoir une équipe de moins de 17-18 ans leader du Championnat à la trêve. On a une équipe extrêmement jeune. Les garçons ont répondu à nos attentes. Maintenant, il faut être capable de lutter sur le plan athlétique et sur le plan de l’agressivité.

Le CHAN démarre dans quelques jours, pour vous, quelles sont les chances du Sénégal dans cette compétition, surtout après 11 ans d’absence ?

C’est une découverte parce que ça faisait onze ans que le Sénégal n’était plus allé au CHAN. C’est déjà bien, c’est une première victoire. Maintenant, il y a de très bonnes équipes dans ce Championnat. Il y a des équipes avec de gros moyens et qui sont dans le TOP 10 des meilleurs championnats d’Afrique. Ça ne va pas être facile mais je pense que c’est du 50-50. Je ne connais pas l’Ouganda donc je ne vais pas parler de cette équipe, mais je pense que le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont une longueur d’avance dans leur groupe. Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’au Congo, il y a le TP Mazemble ou encore l’AS Vita Club qui sont de très grands clubs africains et qui disputent des coupes d’Afrique. En Côte d’Ivoire, il y a de belles équipes et leur Championnat est médiatisé. Là, ils ont une longueur d’avance sur le Sénégal. Mais on regorge de talents ici au Sénégal. Ce CHAN va se jouer à peu de choses.

wiwsport.com

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