Débat sur la Présidentielle 2024 : Meissa Diakhaté « corrige » le Pr Kader Boye sans barème de « notation »
La science dit Popper avance par « conjectures et par réfutations » : dans l’absolu, aucune théorie scientifique n’est vraie ; la notion de vérité peut être considérée comme le saint graal de la science. La réfutabilité (ou falsifiabilité c’est-à-dire la possibilité de prouver par une observation ou une expérience qu’un énoncé puisse être faux) est par conséquent le principal critère de scientificité d’un discours. Dans ce sens, toute théorie scientifique, même éprouvée, reste provisoire, jamais définitive. Il faut donc se féliciter de la diversité des points de vue sur une éventuelle candidature de Macky Sall en 2024. Les critiques que le Professeur Meissa Diakhaté fait ici à son collègue Kader Boye permettront à coup sûr d’enrichir notre perception de la complexité de la question et, par ricochet, de nous inciter à la modestie et à la tolérance.
Cependant on ne peut que regretter le choix fait ici par le professeur Diakhaté de ne pas se prononcer sur le fond de la question de la troisième candidature alors qu’il est censé corriger Kader Boye qui a émis un avis là-dessus. Peut-être qu’il s’agit juste d’une introduction qui annonce une prochaine sortie plus motivée scientifiquement.
On peut par ailleurs remarquer que l’auteur de la contre-contribution s’appesantit sur la personne et son statut scientifique davantage que sur la valeur scientifique de ses arguments. L’argument consistant à rappeler le principe de la spécialisation est non négociable en science (car les méthodes peuvent être très différentes), mais ça ne doit pas faire des différentes branches de la science juridique des casernes fortifiées, inaccessibles aux autres spécialistes et même aux profanes. La physique n’est pas la mathématique, mais peut-on faire un pas en physique sans les maths ? Un médecin n’est pas un pharmacien, mais peut-il refuser quelques observations de ce dernier ? Faut-il rappeler ici que Faraday n’a reçu qu’une instruction de niveau Primaire (on l’a considéré comme inapte à s’épanouir dans le système scolaire !) ? Ça ne l’a pas empêché d’avoir des intuitions décisives sur l’électromagnétisme, observations en expériences que James Watt va plus tard formaliser.
Il faut rappeler que la science et l’idéologie ont, de tout le temps, fricoté ; que ce n’est qu’au terme d’une rude bataille et d’efforts constants qu’on sauve la science des pièges labyrinthiques de l’idéologie. Le savant reste un être social, il est imprégné de valeurs, de représentations qui font son être, qui participent parfois à sa formation (la foi en certains principes n’est pas toujours scientifiquement fondée, de même que le choix de telle ou telle école) : il court en permanence le risque de voir ses schèmes et méthodes être parasités par son « être » social. Ce n’est donc pas par une simple proclamation (sous la forme d’une procréation ontologique) qu’on va débroussailler les chemins de la science et y extirper l’idéologie. Il se pourrait même que le choix d’une méthode plutôt qu’une autre soit motivé par des considérations non-scientifiques. C’est vrai, comme le dit le professeur Meissa Diakhaté que les états d’âme ainsi que les principes moraux ne sont d’aucun poids scientifique (ils n’ont peut-être même pas droit de cité en science) mais la difficulté, c’est comment affranchir le praticien de la science de ces facteurs ou données encombrantes et anesthésiantes pour le scientifique ?
Un autre point sur lequel on pourrait ne pas être d’accord avec le professeur Diakhaté, c’est de vouloir mettre le débat sur la Constitution à l’abri de la critique des profanes et autres intrus, savants dans d’autres domaines. Réduire la Constitution à une question purement scientifique est non seulement illégitime, mais dangereux.
Illégitime, car les sages qui sont appelés à interpréter la Constitution ne sont pas tous des constitutionnalistes (dans certains pays les anciens présidents de la République sont nommés membres du Conseil constitutionnel ; ici on a des juges, et des avocats). Il est par ailleurs plusieurs fois arrivé que des réformes constitutionnelles soient faites par voie parlementaire : les députés sont-ils des constitutionnalistes ?
Dangereux, car c’est la programmation de la mise à mort du politique par le technocrate : nous sommes en démocratie et même si le droit reste une science, les citoyens ont leur mot à dire sur la façon dont il est interprété, appliqué. De toute façon sur les affaires Karim Wade et Khalifa Sall on a entendu des constitutionnalités se prononcer (à commencer par Ismaïlia Madior Fall) : cet argument ne peut donc pas prospérer ici.
* Par Alassane K. KITANE
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