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DEUX ANS SANS NGAIDO !

Deux ans sans le sémillant et très avenant Cheikh Ngaido Ba, deux ans sans apercevoir la silhouette de cet homme qui aimait la vie qu’il croquait à belles dents. Sans excès ! Mais avec fureur surtout s’agissant des plaisirs de la vie intellectuelle. Toujours tiré à quatre épingles et jamais pris en défaut.

Constamment présent dans les grandes rencontres culturelles de la capitale devenues quelque peu orphelines de sa présence depuis sa disparition. Deux ans sans entendre tonner sa voix qui distillait de belles formules et des vérités crues. Pas seulement pour plaire, mais pour exprimer le sens de son engagement pour des causes qui lui paraissaient justes.

Des vérités que d’autres ne voulaient pas entendre ou refusaient de dire pour ne pas se compromettre avec le pouvoir. Lui, il ne prenait pas ces précautions oratoires pour dire sa pensée. On se souvient de sa passe d’armes avec le président Me Abdoulaye Wade, s’opposant au projet de création d’un complexe cinématographique sur l’emplacement de l’ex-Service d’hygiène de Dakar.

Courageusement Ngaido, contrairement à ses collègues cinéastes, s’était fermement opposé au choix porté sur un consultant français pour mener les études de faisabilité et de mise en place de la structure. Contre tous, il avait tenu tête à l’ancien président de la République jusqu’à se faire des inimités solides dans sa corporation.

Deux ans sans lire sa chronique hebdomadaire du jeudi qu’il se faisait le devoir de publier dans ce journal qui lui était cher et dans laquelle il vantait le travail du Président Macky Sall qu’il admirait…et qui ne lui a même pas rendu hommage à sa mort ! Mais bon. Toujours est-il que cette chronique, qui était le fruit chaque semaine d’un intense travail documentaire, fourmillait de belles et enrichissantes anecdotes.

Au détour d’une réflexion, Cheikh Ngaido Ba pouvait raconter un pan de la vie culturelle ou politique de ce pays. Parler des hommes et des femmes qui ont construit ce pays ces 60 dernières années. Preuve qu’il avait côtoyé du bon et du beau monde et pouvait révéler une tranche de vie de ce pays qu’il aimait par-dessus tout.

Au réalisateur de « Rewo Daande Maayo » ou « XewXew », entre autres, Cheikh Ngaido Ba, on reprochait souvent de n’avoir pas fait de films ou pas assez pour s’ériger en porteur de voix des cinéastes du pays et présider l’association CINESEAS (Cinéastes Sénégalais Associés). Mais combien de fois n’a-t-il pas fait entendre la voix des cinéastes du continent dans des foras internationaux, lui qui était un des piliers de la FEPACI (Fédération panafricaine des cinéastes) ?

Cet homme au grand coeur qui nous a quittés un funeste dimanche, le 17 janvier 2021, emporté par le satanique virus qu’il fuyait comme la peste, a été en tous lieux et en toutes circonstances le défenseur acharné du 7ème art africain. Il n’avait pas fait assez de films, mais il était porteur de belles idées.

Rien dans ce milieu ne lui était étranger si bien qu’on se plaisait à l’appeler la « boite noire du cinéma africain ». Il était incontournable dans les dossiers les plus pointus, les plus techniques. Il remontait le temps pour raconter le passé et le présent du septième art africain qu’il a vu naitre. Il était de tous les combats politiques comme culturels. Ngaido agitait des idées, encadrait et guidait. Il ne faisait plus de films, mais servait de boussole à de grands cinéastes. Il a été ainsi déterminant dans la réalisation de « Bàttu » du Malien Cheik Oumar Sissokho, une adaptation du roman de la grande dame des lettres sénégalaises, Mme Aminata Sow Fall, « La grève de Bàttu ». Un film qui avait obtenu le prix RFI Cinéma du public au Fespaco en 2001.

Le 17 janvier de l’année dernière, date marquant le premier anniversaire de son rappel à Dieu, tous les témoignages de ses collègues avaient montré combien l’homme Cheikh Ngaïdo Ba était disponible et utile pour l’émergence d’une véritable industrie cinématographique en Afrique. Deux ans après sa disparition, nul doute qu’il a laissé un grand vide dans les grands rendez-vous internationaux du 7ème art. Parce que personne mieux que le regretté cinéaste ne maitrisait le secteur cinématographique, avec ses pièges et ses enjeux. Des pièges que, lui, Ngaido, pouvait contourner grâce à sa grande expérience et son compagnonnage avec les pionniers du septième art africain. Le chef de l’Etat Macky Sall, dont il fut un grand défenseur, doit se souvenir de ce serviteur et lui rendre l’hommage qu’il n’ a pas eu à cause de la crise sanitaire au milieu de laquelle l’illustre cinéaste a disparu.

Pour services rendus à la Nation et à l’Afrique culturelle, Cheikh Ngaido Bâ mérite bien cet hommage. Continue à reposer en paix, grand homme de cœur et à l’immense générosité intellectuelle !

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