Se ressaisir pour nous éviter de souffrir (Par Mame Gor Ngom)
Que faire face à un danger imminent ? Pour ne pas vivre des drames pires que ceux de février-mars 2021, se ressaisir est la seule option. Ceux qui se braquent sont très peu réfléchis. Ils ne cherchent qu’à se protéger et protéger des intérêts. Si le pouvoir n’a rien appris de ces événements et s’obstine à penser qu’ils étaient exclusivement liés à Ousmane Sonko, il va encore vers le mur et nous mener à des situations catastrophiques.
Une lecture biaisée du 23 juin 2011 est à l’origine de mars 2021. En 2011, le peuple, les jeunes, déçus, oubliés, négligés chantaient avec rage l’hymne national et le chant du refus : « nous disons non ». C’était le début de la fin pour Wade. Leur « révolution » concrétisée dans les urnes le 25 mars 2012, a été volée par des politiciens aveuglés par leur ruse donc incapables de savoir les raisons de leur triomphe qui devait être modeste.
On a fait croire au vainqueur qu’il était juste le plus malin, le plus beau, le plus endurant qui a fait trois fois le tour du Sénégal. La rupture annoncée, « la patrie avant le parti », «la gouvernance sobre et vertueuse », ont été beaucoup plus de simples slogans que d’une volonté de gouverner autrement. Le rapport de la Cour des Comptes sur la gestion de la Covid-19 n’a fait que dévoiler ce qu’on soupçonnait.
D’autres enquêtes sont sur le bureau du Procureur, sous le coude. Mars 2021 a été un autre moment qui a montré « l’exceptionnalité » du peuple sénégalais si doux, si intelligent, si capable de violences inouïes contre quelqu’un qui ne le respecte pas.
Macky Sall n’a pas pris la pleine mesure de la situation en se réconciliant avec ce peuple qui lui a tout donné, qui lui a tant fait confiance. Son fameux : « Je vous ai compris » est sans suite. Il n’était manifestement pas sincère.
Si le procès est acté, c’est sans doute pour « finir le job ». Une illusion toujours entretenue. Une petite surprise pour tous ceux qui suivaient ce dossier Ousmane Sonko-Adji Sarr.
Ils sont nombreux à penser que l’objectif était d’aller «au bout du bout», c’est-à-dire un procès qui pourrait aboutir à une condamnation qui écarterait le leader de Pastef de la présidentielle 2024.
Ils ont sans nul doute pensé à Karim Wade emprisonné dans le cadre de la traque aux biens supposés mal acquis menée avec parcimonie. Ils ont aussi à l’esprit Khalifa Ababacar Sall dans la fameuse affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar. Tous les deux ont été mis « hors d’état de nuire ».
Aujourd’hui encore, ils peinent à retrouver l’intégralité de leur liberté même s’ils ont quitté la prison par la « grâce » du président d’une République dans laquelle la justice est souvent chahutée. C’est ce qu’a sans doute compris Ousmane Sonko. Dés le début , il a pris les devants en indexant un « complot » visant à le neutraliser.
Cette ligne de défense a été bien intégrée par ses partisans et des Sénégalais composantes d’une majorité silencieuse. Depuis près de deux ans, il ne cesse de gagner en popularité et en légitimité. Ceux qui étaient massivement sortis dans les rues pour exiger sa libération, ont suivi leur logique aux locales du 23 janvier 2022 faisant de lui l’édile de la ville stratégique de Ziguinchor et aidant beaucoup de ses aliés à gagner. Ils étaient là hier à Keur Massar nombreux et déterminés.
Des soutiens sans commune mesure pour un homme politique bénéficiaire de trois légitimités électorales en étant maire après son poste de député acquis en 2017 et son bon score de 15 % à la présidentielle de 2019. Son influence sur les législatives du 31 juillet 2022 qui ont marqué une présence remarquable de l’opposition à l’Assemblée nationale, est évidente.
C’est donc le leader populaire d’une opposition revigorée par des succès électoraux, qui a pris encore date le jeudi 19 janvier 2023 dans un exercice de communication devenu classique. C’est lui qui s’est adressé à une foule immense acquise à sa cause dimanche.
Incertitudes et danger
Le contexte de manques, de crises de toutes sortes, de gestion douteuse des affaires publiques, d’incertitudes liées à une troisième candidature de tous les dangers, les arrestations provocatrices plaident en sa faveur.
Le procès aura peut-être lieu. Mais les procès politiques ne se gagnent pas devant les magistrats, ils se gagnent devant l’opinion, dans la rue, disait Abdoulaye Wade l’énigmatique bête politique. Il était alors président de la rue…publique. Sonko est aujourd’hui conscient que son atout principal se trouve dans la rue qui l’a sauvé en mars 2021.
Les maladresses de ses détracteurs qui ont beaucoup misé sur une histoire de fesses mal ficelée, l’ont beaucoup engraissé.
Un triomphe contre le leader de Pastef adulé, défendu et suivi par des vagues de militants enthousiastes ne peut être qu’une victoire à la Pyrrhus pour le pouvoir. Une victoire-défaite avec des dégâts incommensurables qui desservent davantage un président déjà affaibli par les tergiversations à un an d’une présidentielle à laquelle il ne doit pas participer.
« En principe », pour reprendre le mot du Professeur Ismaëla Madior Fall qui a entre-temps changé de posture en décidant de ne plus s’encombrer de précautions et d’élégance républicaine.
MGN