LA BANQUE MONDIALE FRAPPE TUNIS AU PORTEFEUILLE
Selon un courrier adressé à ses équipes par le président de la BM, David Malpass, que l’AFP a pu consulter lundi, l’institution n’était pas en mesure de poursuivre ses missions sur place « compte tenu de la situation », alors que « la sécurité et l’inclusion des migrants et minorités font partie des valeurs centrales d’inclusion, de respect et d’anti-racisme » de la BM. La décision concerne le cadre de partenariat pays (CPF en anglais), qui sert de base de suivi par le conseil d’administration (CA) de la BM afin d’évaluer et accompagner le pays dans ses programmes d’aide. Concrètement, l’institution ne peut plus lancer de nouveau programme de soutien avec le pays tant que le CA ne s’est pas réuni et elle a décidé de remettre à plus tard cette réunion sur la Tunisie « jusqu’à nouvel ordre », selon le courrier de M. Malpass. « Les projets financés restent financés et les projets en cours restent en cours », a-t-on précisé de source proche de la BM.
– « Préoccupations profondes » –
La BM prévient cependant d’un possible ralentissement de ses actions sur place à cause de la mise en place de mesures de sécurité, en particulier auprès de ses personnels originaires d’Afrique subsaharienne et de leurs familles. « La Tunisie a une longue tradition d’ouverture et de tolérance qui est encouragée par tant de personnes dans le pays », a insisté David Malpass dans son courrier aux employés de la BM. Si les mesures prises par le gouvernement tunisien « afin de protéger et soutenir les migrants et réfugiés dans cette situation très difficile » vont dans « le bon sens », la BM assure qu’elle « évaluera et surveillera attentivement leur impact ».
A l’occasion d’un point presse lundi, le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price, a fait part des « préoccupations profondes » des Etats-Unis « concernant les commentaires du président Saïed ». Le porte-parole a appelé le gouvernement tunisien à « respecter ses obligations au regard du droit international en protégeant les droits de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants ».
Le 21 février, le président tunisien Kaïs Saïed avait estimé dans un discours que « des mesures urgentes » étaient nécessaires « contre l’immigration clandestine de ressortissants de l’Afrique subsaharienne », parlant notamment de « hordes de migrants clandestins » dont la venue relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ».
Ces propos ont été vivement critiqués par des ONG et des militants des droits de l’Homme. Ils ont également semé un vent de panique parmi les migrants subsahariens en Tunisie, qui font état depuis d’une recrudescence des agressions les visant et se sont précipités par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriés.
Selon des chiffres officiels cités par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), la Tunisie, qui compte quelque 12 millions d’habitants, abrite plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, en majeure partie en situation irrégulière.