A L’ECOLE DE NOTRE-DAME DU CALVAIRE
L’ascèse de carême se poursuit comme d’une aventure routière où, en attendant le craquement de la pierre au matin de Pâques, chaque station nous présente un aspect particulier de la passion et de la mort de notre Seigneur Jésus Christ. Sur le chemin du calvaire, comme sur nos trajectoires singulières, nous sommes, en effet, invités à lire notre propre histoire et notre existence à la lumière de la Parole de Dieu pénétrant chaque événement de notre vie pour lui donner son sens véritable.
Du reste, les 14 stations que la tradition de l’Eglise nous propose de suivre à chaque chemin de croix ont pour vertu d’éprouver notre foi en nous donnant de méditer sur la profondeur, la longueur, la hauteur et l’épaisseur de cet amour de Jésus qui va jusqu’à donner sa vie sur la croix pour la multitude pécheresse. Cette croix est donc le signe, l’expression la plus éloquente de l’amour que Dieu nous porte et dont nous devons vivre pour témoigner de notre fidélité à lui, Vrai homme et vrai Dieu.
A l’évocation des sept (07) ultima verba, les toutes dernières paroles de Jésus en croix, comment ne pas tressaillir d’une douloureuse émotion devant le mystère d’un Dieu vulnérable d’humanité et qui en son fils Jésus Christ assuma notre condition d’homme en toutes choses excepté le péché. Le langage de la croix dont font écho ces paroles d’une profondeur inouïe nous enseigne et nous dit Dieu, Lui qui en son fils Jésus Christ s’est fait l’un de nous pour nous sauver par sa mort et sa résurrection.
L’Evangile de la passion est de ce point de vue ponctué de séquences dont l’évocation bouleverse jusqu’au plus intime de notre être de croyant : Jésus le juste condamné tombe par trois fois sous le poids de nos péchés et de la croix ; il se fait aider dans cette épreuve par un anonyme Simon de Sirène, il console les femmes de Jérusalem et accepte la délicatesse d’une pieuse Véronique qui essuie son visage ensanglanté…
Mais l’image d’Epinal que l’iconographie chrétienne retient pour illustrer la gravité de ce moment où la souffrance, l’agonie, l’abandon, le supplice et la mort imminente projettent leur leur amertume sur le visage du rédempteur est sans contexte la rencontre entre Jésus et sa mère sur le chemin du Golgotha.
Qui pour imaginer le regard du fils croisant, dans une dialectique indicible, celui de sa tendre mère à une Heure comme celle-là ? Qui pour se représenter la filiale consolation du condamné de savoir que dans le silence habité par Dieu, le cœur transpercé par le glaive, Marie partage la souffrance et la douleur indescriptible du fruit de ses entrailles ?
Le carême, temps fort de conversion et de retour à Dieu nous donne de nous mettre ainsi à l’école Mairie, celle que vénérons et honorons d’un nom nouveau après que Jésus nous l’a donnée comme mère aux pieds de la croix pour être de ceux et celles qui, de génération en génération, la proclameront bienheureuse en imitant sa foi, son obéissance et sa totale confiance en Dieu.
Imiter Marie en ce temps de carême et dans notre vie de foi c’est apprendre dans le brouhaha qui rythme nos journées et les convulsions de toute sortes à faire silence pour écouter la voix du Seigneur qui retentit au-dedans de nous et nous inspire, dans les tumultes de nos moites existences, le geste et la parole qui conviennent. C’est aussi apprendre à faire confiance en Dieu et lui donner la toute première place dans notre vie, lui le Dieu des impossibles qui fait route avec nous. En Notre-Dame du Calvaire nous avons par conséquent de qui tenir comme d’une boussole sur notre route !
En effet, toute sa vie durant, Marie, la fille de Sion, préservée dès l’origine du péché originel pour donner naissance à l’auteur de la vie, selon l’expression de la préface eucharistique, est restée fidèle ; elle a gardé confiance en Dieu pour que son Oui à l’annonciation gardât le même éclat retentissant quand son fils l’associera de manière intime à l’œuvre de rédemption. Méliton, Evêque de Sardes au deuxième siècle de notre ère, ne s’était donc pas trompé en osant l’expression « agnelle de Dieu » pour exprimer cette sorte co-rédemption obtenue par la mère de Jésus sauveur.
Nous sommes donc loin des clichés désobligeants et blasphématoires de ceux qui ont fait naufrage en abandonnant la sainte doctrine pour se réfugier dans une sorte d’ilotisme doctrinal qui leur empêche, hélas, de s’émerveiller devant le prodige de la maternité divine et virginale de Marie, notre mère à l’intercession tellement puissante qu’elle reste pour le croyant de tous les temps la voie la plus sûre pour atteindre le cœur de son fils Jésus.
Comment ne pas aujourd’hui nous ériger en sentinelles fières de la vierge Marie et magnifier des initiatives pastorales qui font justice à Marie, comme on a pu le noter dans l’Eglise de Dieu qui est à Dakar où 2022 -2023 est déclarée « année mariale », avec cette invite pressante de l’archevêque à nous écrier avec Sainte Elisabeth : « comment ai-je ce bonheur que la mère de mon sauveur vienne jusqu’à moi ? » (Luc 1/43)
Puisse donc, en ce temps béni de carême, Marie, Notre-Dame du Calvaire nous instruire par son silence tout rempli de la présence de Dieu, de manière à ce qu’à la suite de Georges Bernanos, contemplant la face de l’auguste mère de Dieu, nous puissions nous exclamer : voici la créature telle qu’elle est sortie des mains de Dieu au matin de sa splendeur originelle et telle qu’’elle sera au soir de sa splendeur définitive !