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CONTRIBUTION À LA RÉFLEXION SUR LA MODERNISATION DE L’ÉTAT

(Suite au brillant article de Souleymane Nasser Niang)

Merci Nasser ! Une bonne et pertinente contribution aux grands débats qui auraient dû prévaloir par rapport aux problèmes et urgences de l’heure. Merci de requalifier les débats, ce qui manque terriblement de nos jours tant le vacarme a réussi cette prouesse de remplacer la recherche, l’expérience, l’expertise, etc. Votre texte rappelle aussi que depuis tant d’années des cadres sénégalais ont tout fait pour accélérer le progrès, mais il y a eu aussi l’autre équation du leadership éthique et méritocratique, apolitique au sens de la politique politicienne, capable de mobiliser des équipes transformationnelles ; car ce sont des leaders et des équipes qui gagnent, qui transforment l’État, le pays et la société… En ce sens, vous avez raison de rappeler l’impact de l’intangible et de l’immatériel dans les transformations durables et résilientes.

Sur le plan technique du management public, de la gouvernance et de la surveillance, je propose que nous allions plus loin :

– aujourd’hui, la gestion axée sur les résultats a besoin s’ouvrir à de nouveaux paradigmes, référentiels et outils plus récents en s’ajustant aux impératifs de la performance éthique ; elle prendrait en compte, de façon intégrée, l’analyse et la planification stratégiques, le management des risques (approche GRC), les contrôles internes, la généralisation de l’obligation de rendre compte et la mesure de la performance par des indicateurs clés (KPI) et des rapports de performance à tous les niveaux ; on rentrerait alors dans ce que certains ont appelé contrôle de gestion publique.

– D’ailleurs, une telle approche permettrait de véritables audits de la performance éthique car si le dispositif y afférent est bien formalisé, il serait possible de faire le lien avec toute une stratégie nationale de transparence, d’intégrité, de prévention, de détection, de dissuasion et de lutte contre les fraudes, les abus, les gaspillages et la corruption.

– S’agissant des audits stratégiques et organisationnels, je pense qu’on pourrait les « réinventer » quelque peu en y ajoutant une touche réengineering, car, aujourd’hui, la restructuration et les rationalisations, au-delà de l’examen des missions et des structures, doivent concerner les processus, les risques liés aux redondances, aux duplications, chevauchements, à l’absence de célérité et de culture client.

– Il y a aussi les questions liées notamment l’auditabilité et cette grande confusion entre les audits, les inspections/investigations et les évaluations. Certaines pratiques qualifiées d’audit ne le sont guère ; il faut revoir cela et ce n’est pas une mince affaire. En effet, il faudrait entamer les chantiers de l’auditabilité lesquels, à mon sens, font partie des chantiers de la modernisation et de la réforme de l’État. Je ne suis pas sûr non plus que face à la faible couverture des risques de toutes sortes notamment au niveau managérial, de la gouvernance, sociétal, de crises toujours possibles (fraudes, efficacité, environnement, inondations, pandémies, catastrophes naturelles, sanitaires, voire la vase typologie des risques dans la littérature), l’éclatement des corps de contrôle soit la bonne solution pour des États comme les nôtres aux faibles moyens. En effet, tout ce ceci, selon les cas, est auditable, évaluable, objet d’investigations, si la conception actuelle de ces métiers est bien comprise. Nous ne sommes pas obligés de suivre à la lettre des modèles venus d’ailleurs…

– Lorsque l’on a bien compris comment le nouveau management public et la nouvelle gouvernance se sont développés depuis 80-90, on voit mal comment, pour un réformateur sincère et compétent, ne pas prendre en compte les chantiers de la performance éthique, de la gouvernance de contrôle et de la gouvernance d’entreprise (conseil d’administration, comités des risques, d’audit, de normalisation, d’harmonisation, recrutements compétitifs, etc.).

Tout ceci est faisable au vu de perspectives, voire de normes et des bonnes pratiques internationales reconnues, de modèles, de dispositifs juridiques ou autres et de plusieurs outils et référentiels formalisés ailleurs et par rapport auxquels on est en retard. Beaucoup de pays (Dubaï, Malaisie, Singapour, Botswana, Corée du Sud, etc.) et leurs leaders (Lee Kuan Yew, Sheikh Maktoum, etc.) montrent que c’est possible, en quelques décennies. Mais, encore une fois, même si tous ces processus sont réformés, en l’absence de leadership éthique décomplexé, de pari sur les talents, de culture d’équité, de création de valeur comme la raison d’être ultime des dirigeants politiques et des manageurs de l’État en général, la transformation durable n’est pas garantie ; dans tous les cas, elle serait beaucoup plus lente. En fait, pour que les choses changent, il faut aussi que nous, sénégalais, changions, que la politique et les politiciens changent aussi.

Dr. Abdou Karim Gueye est Conférencier, coach certifié, formateur. DBA/MBA/ENAM/Faculté de droit, Inspecteur général d’État à la retraite, ancien Directeur général de l’École Nationale d’Administration et de Magistrature.

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