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SEMAINE SOUS TENSION

A un an de la présidentielle du 25 février 2024, les Sénégalais sont encore dans l’incertitude totale sur la possibilité de voir les deux grands favoris de l’élection participer au scrutin. En attendant une éventuelle troisième candidature de Macky Sall, une première décision pouvant invalider la candidature du principal opposant, Ousmane Sonko, retient le  pays sous pression.  

C’est une nouvelle semaine pour laquelle les Sénégalais retiennent leur souffle. La démocratie sera encore au testeur des tensions politico-judiciaires. Le procès polémique du leader de l’opposition, Ousmane Sonko, au ministre du Tourisme et des Loisirs Mame Mbaye Niang, devrait enfin se tenir ce 16 mars, après plusieurs renvois. Un événement sous haute tension politique et social, le leader de Pastef/Les patriotes déclarant faire face à une manœuvre de l’Exécutif visant à l’écarter de la course à la Présidentielle du 25 février 2024.

Il y a un mois que ce procès aurait pu se tenir. Une journée du 16 février 2023 qui a vu Ousmane Sonko, de retour du palais de Justice, être extrait de force de sa voiture, la vitre arrière cassée par les forces de l’ordre afin de le déposer chez lui, dans un fourgon blindé. Le tout, avec un impressionnant dispositif de sécurité autour de la maison de l’opposant jusqu’au tribunal.

Si  cet incident n’a pas aidé à écrire les plus belles pages de l’histoire démocratique du Sénégal, il renseigne sur le niveau de la tension politique autour d’une affaire judiciaire aux conséquences possiblement fâcheuses pour la stabilité du pays.

Un contexte encore plus explosif

C’est dans un contexte encore plus explosif que se présente ce nouveau rendez-vous au tribunal de Dakar. En effet, deux jours avant la tenue du procès, la coalition la plus représentative de l’opposition, Yewwi Askan Wi, a appelé à l’organisation d’un grand rassemblement (le 14 mars) suivi de multiples manifestations dans tous les départements du Sénégal. ‘’Qu’il (le pouvoir) le veuille ou non, le 15 mars, dans les 46 départements du pays, il y aura des manifestations avec ou sans autorisation. En tout cas, je donne l’autorisation à mes partisans de manifester, avec ou sans autorisation. S’ils ont à arrêter quelqu’un, ils n’ont qu’à venir m’arrêter. Parce que dans la Constitution, il est inscrit qu’on a le droit de marcher ou de manifester. Personne ne va demander une autorisation’’, s’est exprimé Ousmane Sonko jeudi dernier, lors d’un point de presse de Yaw.

Cette position confirme le discours radical du leader de Pastef lors de l’impressionnant meeting qu’il a organisé à Keur Massar, le 22 janvier. Sous le concept ‘’Gasta-Gatsa’’, la décision a été prise par l’opposant de rendre coup pour coup tout ce qu’il considère comme représailles.

En face, le président de la République a promis que ce qui s’est passé en mars 2021 (heurts ayant occasionné la mort de 14 personnes, suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko dans le cadre d’un imbroglio autour d’une accusation de viols le visant), ne se reproduira pas.  

Arrestations tous azimuts des voix discordantes

Juste avant cette semaine décisive, le Sénégal a abrité, les 8, 9 et 10 mars 2023, un colloque international de haut niveau organisé par le Think Tank AfrikaJom Center sur le thème ‘’Repenser les transitions démocratiques : réinventer la démocratie et l’État de droit en Afrique de l’Ouest’’. Seul pays stable de la sous-région, le Sénégal commence à inquiéter les observateurs, en raison des nombreux faits assimilés à un recul démocratique.

Le dernier épisode est l’arrestation, puis le placement sous contrôle judiciaire de l’ancien Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré, après qu’il a publié une série de questions dans une lettre ouverte adressée au président de la République Macky Sall, sur fond d’insinuations d’un financement du chef de l’État sénégalais à Marine Le Pen, Cheffe  de l’extrême droite française.

Cette affaire suit une impressionnante liste d’arrestations de voix critiques à l’égard du pouvoir, principalement au sein de l’opposition et de Pastef/Les patriotes. On peut citer le rappeur Nit Doff, le journaliste Pape Alé Niang, des militants de Pastef/Les patriotes.

Rien que ce weekend, Madiaw Diop, coordonnateur départemental de la Jeunesse patriotique du Sénégal JDP/Pastef, dans le département de Tivaouane, a été arrêté à Dakar. Si les raisons de son interpellation ne sont pas encore officielles, il aurait tenu, lors d’une manifestation organisée le 5 mars, ces propos : ‘’Si les leaders de Tivaouane ne laissent pas notre leader en paix, nous nous en prendrons à eux. Le ‘Gatsa-Gatsa’ est à son heure. Pour cette prochaine confrontation, nous n’accepterons aucun compromis d’où qu’il vienne. Nous allons raser ce pays. C’est moi qui vous le dis.’’

Appel de Dakar 

Pour Alioune Tine, qui analyse la situation politique du Sénégal lors du colloque, ‘’l’on assiste de plus en plus à une criminalisation de l’opposition. Il y a des questions politiques qui sont transférées au palais de Justice et ça crée des problèmes. Aux problèmes politiques, il doit y avoir une solution politique, mais pas judiciaire”.

Le colloque sur les transitions démocratiques en Afrique de l’Ouest s’est clos vendredi par un appel des participants venus des quatre coins du monde invitant les États et les gouvernements de l’Afrique de l’Ouest à mettre en œuvre 14 recommandations issues de leurs discussions. On peut y noter un appel à ‘’travailler davantage pour garantir l’indépendance de la justice et du pouvoir Judiciaire et mettre fin à l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques et répressives’’, ou encore à ‘’faire intégrer dans le Protocole additionnel de la CEDEAO la règle de la limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs à deux, afin d’épargner les pays des crises et des conflits dans la sous-région’’.

Deux points qui collent à l’actualité sénégalaise.  

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