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MON ART EST TOTAL

Écrivain, musicien, professeur de lettres et humoriste, Pape Samba Sow  »Zoumba » se définit comme un artiste pluriel. Essentiellement conteur, le président du Cocon (compagnons-conteurs du Nord/Sénégal), est l’actuel meilleur conteur international et Prix Unesco. Entretien avec ce Très Humain vivant !

Pape Samba Sow, vous êtes poète, conteur, et romancier. Parlez-nous de vos écrits ?

Mes premiers écrits sont de la critique théâtrale. J’ai publié dans les ouvrages anthologiques  »Le théâtre nu: le théâtre se ressource en Afrique ». Le théâtre dévêtu est le théâtre pur. Je parle de ce qui est pratiqué ici. Sans moyen. Pour vous dire que c’est possible. Le slam c’est du théâtre sans moyen. Le conte aussi. Ce n’est pas nécessaire de mettre des milliards comme au cinéma, pour produire une œuvre d’art. C’est le théâtre nu qui peut être très vrai. Après, mon premier roman, je l’ai publié en 2009: “Les anges blessés ». Il parle des phénomènes de société à savoir les accusations de sorcellerie  »Dëm ».

On regarde quelqu’un et dit qu’il est un paria. Ce livre montre que dans toutes les sociétés du monde, il existe des catégories de gens. En Inde, ce sont les intouchables. Ici aussi ça existe. Il y a les femmes qui n’ont pas les mêmes droits que les hommes, des enfants  » talibé » qui errent dans les rues, etc. Il y a toujours des gens qu’on ne respecte pas. Alors, j’ai monté une fiction romanesque sur ça avec beaucoup de poésies.

Et j’ai aussi écrit un recueil de poèmes,  »Arc-en fleuve, essentiellement centré sur la beauté de la ville de Saint-Louis : la courbe qui fait son fleuve faisant un large arc-en-ciel.  Mon livre de contes est titré  »Le petit Filao ». C’est l’image de ma mère qui est le grand filao et moi le petit arbre. Un long conte serti de poèmes. Il me fallait publier un livre de contes. Je suis le meilleur conteur international. L’Unesco, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture m’a décerné ce prix. Et par la même occasion, j’ai été déclaré Trésor humain vivant.

Moi, j’ai été formé comme comédien et metteur en scène au Conservatoire. Je suis major de la 14ème promotion (1999). J’ai été metteur en scène de la troupe lauréate, championne du Sénégal du théâtre. Donc, c’est le théâtre que je connais le plus. Et je suis humoriste. Ma pièce  »Rêve de France », je l’ai jouée dans quarante pays différents. Et elle est encore demandée, parce que c’est une pièce qui parle de l’émigration clandestine.

Alors pourquoi avez-vous effectué un virement du théâtre au conte ?

C’est d’abord un souci matériel. Des problèmes de moyens. Parce que, quand je joue au théâtre, j’ai besoin de la musique. Je suis aussi musicien, chef d’orchestre. J’amenais mon pianiste, deux guitaristes, et mon batteur de tam-tam qui a beaucoup voyagé avec moi. Mais c’est de plus en plus difficile. Maintenant, les producteurs donnent un billet d’avion seulement. C’est un cachet et une chambre d’hôtel. Alors, si vous voulez avoir un groupe avec beaucoup de personnes, vous vous créez des problèmes. Donc, j’ai décidé de travailler en solo. Il m’arrive de voyager (en Belgique, en France ou Maroc) et d’amener un musicien. Mais, c’est toujours compliqué. Si je répète avec un musicien et au dernier moment, on me dit qu’il n’y a qu’un seul billet d’avion et une chambre d’hôtel, je suis obligé, sur scène, de mettre de la musique off. Mais ça dénature mon œuvre. Mon art est total. Moi, je fais du théâtre total. J’ai décidé de travailler avec un instrument de musique à tout faire, tout seul, sans l’aide de personne. C’est pour cela que j’utilise le mélodica ou la kalimba. Et je chante et je danse. Je joue du balafon, mais c’est trop grand.

Qu’est-ce qui vous permet de porter toutes ces casquettes ?

Le véritable artiste sénégalais, voir africain, est pluriel. Jules Romain, je le connais danseur. Je suis absolument sûr qu’il n’est pas seulement danseur. En Afrique, c’est ça qui nous définit. Nous sommes comme ça. Au-delà de la circularité de notre art africain, il y a sa pluralité. Donc, je suis obligé de toucher à tous les instruments.

Je suis d’abord fils de musicien. Mon père était un grand musicien du Star Jazz. Un très clarinettiste devant l’éternel. Ma défunte mère était connue comme directrice d’école et comme grande romancière, Amina Sow Mbaye. Elle jouait aussi de la guitare. Elle chantait et dansait. Donc, j’ai grandi dans un environnement où on chante et danse. Tous les dimanches, on joue de la musique. On nous a appris à faire ça. Mais j’ai aussi appris à jouer de la musique au Conservatoire, sans être formé comme musicien. Imaginez : je suis dans une école où je suis formé au théâtre, mais dans les mêmes bâtiments il y a des gens qui apprennent la musique. J’y trouve des instruments de musique. Je les utilise. Je ne sais pas lire et écrire de la musique, mais mes musiciens savent le faire.

Qui sont vos auteurs sénégalais ?

Ma mère est ma première auteure. Ce n’est pas du favoritisme. Elle a une très belle plume. Après, comme auteur Saint Louisien, c’est Louis Camara, quelqu’un qui est habité par la plume. Moi, je suis plutôt poète, ce n’est pas le récit qui m’intéresse, mais la force des symboles. Donc, je suis Senghorien. A l’étranger, je préfère Césaire. Son dynamisme et sa récolte m’habite. Mais la sensibilité et la beauté des textes de Senghor m’interpellent. Senghor c’est un manuel, un peintre. Quand il chante la femme, tu as l’impression qu’il a déshabillé la femme et qu’il la regarde. C’est la force des symboles. Et puisque j’aime Senghor, je suis obligé d’aimer Amadou Lamine Sall qui est vraiment le porteur du message de Senghor. J’aime tout ce qui est écrit par des Sénégalais. Et j’apprécie la plume de nouvelle génération. La Slam, je l’adore. Un conteur ne peut pas ne pas aimer le slam.

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