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Mory Diaw de l’ombre à la lumière, le « nouveau gardien » des Lions revient sur son parcours atypique

Convoqué récemment en équipe nationale du Sénégal lors de la fenêtre FIFA de ce mois de mars (Qualif’ CAN), le portier de Clermont Foot est revenu sur sa parcours semé d’embûches, de ses débuts dans le monde amateur à la sélection en passant par le Paris Saint-Germain, son club formateur.

Comment êtes vous tombé amoureux du football ?

Le foot est arrivé dans ma vie un peu comme tout le monde. On jouait au quartier après l’école, avec les plus anciens, les plus jeunes, sauf que j’étais attaquant et que je ne voulais jamais aller dans le but, sourit-il. Ça a basculé par hasard, lors d’un tournoi de foot en salle, à Cergy-Pontoise. Notre gardien n’est pas venu, il a fallu le remplacer, je me suis désigné et j’ai fini meilleur gardien. Je me suis dit que c’était peut-être un signe et je n’ai plus bougé.

Vos débuts en amateur avec le FC Versailles où il y avait deux de vos amis Sofiane et Alexandre ?

On avait tous les trois un bon niveau, et le coach de l’équipe première de notre catégorie, Olivier, a été clair : “Je prends les trois ou je ne prends personne.” On était dans le même collège, et il venait nous chercher à Poissy, ce qui veut dire qu’il comptait sur nous. On est resté une saison au club, où on a fait une bonne saison, avec notamment une demi-finale de Coupe de Paris… »

Votre entrée au centre de formation du PSG ?

La chance que j’ai eue, c’est que le club n’ait pas demandé mes bulletins scolaires, sinon, ça aurait été compliqué. J’ai signé le contrat un midi. Je devais manger à la cantine, mais j’ai dit à mes potes : “Je ne viens pas, je dois aller faire un truc.” J’ai signé ce contrat avec un débardeur du PSG et derrière, je suis retourné à l’école avec.

Au centre de formation du PSG, vous étiez avec un certain Mike Maignan, aujourd’hui gardien numéro 1 de l’équipe de France ?

Avec Mike, on a toujours été très solidaires. Si l’un devait courir parce qu’il était arrivé en retard, l’autre le faisait avec. On a travaillé avec Alfred Dossou-Yovo, puis avec Nicolas Dehon, deux coachs qui ont été très stricts avec nous, mais qui nous ont structurés. On a progressé tous les jours, on a consolidé notre jeu, on a affiné nos connaissances d’un poste qui reste spécial. En tant que gardien, la frontière entre héros et zéro est très mince. Si tu fais une erreur, tu n’as personne pour te couvrir : c’est but automatique. On prend goût à cette responsabilité, à cette sensation. Dans tous les cas, aucun gardien n’est arrivé en haut sans faire la moindre erreur. L’objectif est simplement d’en faire le moins possible, sans refuser de prendre des risques qui sont souvent dans l’intérêt du jeu.

Les moments passés avec l’équipe première du Paris Saint-Germain ?

Le week-end, je donnais des places à tout le monde. Les gens disaient : “Mory, c’est le meilleur. Il va faire ceci, cela…” Pourtant, je ne jouais pas une minute. Moi, je me contentais d’apprendre, d’avoir les yeux grands ouverts, d’écouter les conseils.

Les entraînements avec Zlatan Ibrahimović ?

On se retrouve dans la même équipe à l’entraînement et sur les trois premières frappes adverses, je prends trois buts. Il me met une soufflante et me dit : “Oh, t’as pas de gants ? Pas de mains ?” Je me retourne, me jette de l’eau sur le visage et derrière, on gagne l’opposition, mais à la fin de la séance, Zlatan est venu me voir pour me dire qu’il n’avait pas besoin de me dire ça pour me motiver, que je devais être performant tout de suite. Il m’a aidé, comme tous les grands joueurs que j’ai côtoyés à cette époque-là, à comprendre ce qu’était l’exigence du haut niveau.

Peux tu revenir sur cette affaire de Tweets qui t’a poussé vers le départ du PSG en 2015?

Cette affaire de tweets a évidemment bousculé ma carrière et m’a pas mal coûté. Certains en ont également profité et, alors que quelques clubs français étaient intéressés par mon profil, on m’a fait passer pour un mauvais garçon. Je n’ai pourtant jamais été un fouteur de merde, loin de là, et je pense que tous les gars avec qui j’ai joué le confirmeront. Par contre, quand je me suis retrouvé sans club et que j’ai dû revenir chez moi, au quartier, tout a changé. Certains qui me louaient ont été les premiers à me critiquer. J’ai entendu : “C’est bon, t’es mort. Il est 22h, t’es au quartier avec nous et, au final, tu n’es qu’un mec comme nous » .C’était peut-être ma destinée, tout simplement. Je devais galérer. Ça ne pouvait pas tomber du ciel.

Comment s’est passé votre passage en Bulgarie, au Lokomotiv Plovdiv?

C’est la première fois où je me suis demandé : mais qu’est-ce que je fais là ? Maintenant, la vérité est qu’au moment où je rejoins Plovdiv, je n’ai que ça. On m’a proposé un essai, ça a fonctionné, j’ai signé… Puis quelques mois après, un nouveau coach arrive au club et me dit : “Je vais prendre un autre gardien. Il n’est pas meilleur que toi, mais c’est lui qui va jouer.” Il faisait froid, je ne voulais pas rester pour être sur le banc, je venais de rejouer quelques mois et je me suis dit que ça allait être simple. Finalement, ça a été tout sauf simple.

Comment avez vous vécu la longue période de traversée du désert ?

Pendant de longs mois, j’ai vécu en décalage. Ma mère m’a souvent répété de ne pas lâcher. Parfois, elle se levait pour prier, je venais le faire avec elle et derrière, j’allais faire mon footing. La nuit, je me posais des questions, je dormais peu. J’ai discuté avec tellement d’intermédiaires qu’à un moment, je me suis retrouvé avec plus de 70 numéros d’agents sur mon téléphone. On te vend un truc, ta seule envie est de jouer au foot, donc tu t’accroches, puis tu prends un billet d’avion pour finalement te retrouver à un endroit où il y a déjà des gardiens ou dans une énième galère… Le lendemain, on a finalement fait un match entre nous devant le recruteur d’un club de D5 ou D6. J’ai joué trente minutes, il y avait six gardiens… Bref.

La délivrance avec Clermont Foot ?

Je pense qu’entre quinze et vingt agents m’ont recontacté ces deux dernières saisons. Je n’oublie pas qu’ils m’ont vendu du rêve quand j’étais dans la merde. Revenir aujourd’hui, c’est trop facile. J’ai fait le tri. Sur la route, j’ai vu ceux qui étaient là pour mon bien, puis ceux qui étaient là pour autre chose. Quand tu n’as plus rien, tu te rends compte qu’il ne te reste que ta famille et quelques potes, peut-être deux ou trois. Et encore, dans le lot, il y en a un qui s’en fout un peu de ta vie, qui est surtout là parce qu’il a l’habitude d’être là.

Le soutien familial du côté de son village de Matam ?

Certains ont pris des abonnements, d’autres viennent chez mon père, c’est la folie. Chaque week-end, mes cousins m’envoient des vidéos. Ça responsabilise. Quand je viens, il y a peut-être 100 ou 200 enfants devant la maison. Je ne viens jamais les mains vides. Je donne toujours des maillots ou des crampons. C’est ce qui va le plus faire plaisir aux jeunes. Tout ça, c’est quand même assez fou. Il y a quelques années, je pesais 10 kilos de plus, je n’avais pas de club, pas trop d’avenir…

Wiwsport.com avec SoFoot

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