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«BEAUCOUP DE PERSONNES TRAVAILLENT SANS QUALIFICATION, CE QUI EXPLIQUE LA FAIBLESSE DE LA PRODUCTIVITE»

Sékou Badji, coordonnateur par intérim du Projet d’appui au développement des compétences des jeunes dans les secteurs porteurs (Pdcej), mis en place par la Bad et l’Etat pour permettre l’employabilité des jeunes, parle de l’évolution des travaux de trois centres de formation à l’image de celui de Saint-Louis destiné à former des ressources humaines sur les métiers du pétrole et du gaz. Par ailleurs, l’économiste-planificateur et responsable suivi-évaluation au Pdcej revient dans cet entretien, sur les raisons qui ont poussé le Pdcej à sceller de nouveaux partenariats.

Quel est le niveau d’exécution du Projet d’appui au développement des compétences des jeunes dans les secteurs porteurs (Pdcej) ?

Le projet a démarré effectivement en juillet 2019. De juillet 2019 à fin mars 2022, nous avons réalisé un bilan assez satisfaisant. D’abord, par rapport aux formations qualifiantes, nous avons formé 1341 jeunes et femmes des cinq régions que nous couvrons. Il faut rappeler que c’est un projet du gouvernement du Sénégal, appuyé et financé par la Banque africaine de développement (Bad) pour un montant d’un peu plus de dix milliards et une contrepartie de l’Etat d’un milliard deux cents. Ce projet intervient dans cinq régions, Dakar, Kaolack, Thiès, Saint-Louis et Ziguinchor, dans quatre secteurs. Il s’agit notamment de l’agrobusiness, c’est toute la chaîne de valeur agricole, les métiers des cuirs et peaux, les métiers des énergies solaires et des hydrocarbures (le pétrole et le gaz). Le projet a également financé 33 promoteurs dans les trois secteurs à savoir l’agrobusiness, l’énergie solaire et cuirs et peaux à travers ces régions pour un montant de plus de deux cent (200) millions à ce jour.

Où en êtes-vous avec l’état d’avancement des travaux des trois centres de formation dont la construction avait été annoncée par votre prédécesseur ?

Dans le volet infrastructure, nous avons démarré les travaux des centres de formation à Saint-Louis pour les métiers du pétrole et du gaz, à Ngaye Mékhé pour les métiers des peaux et des cuirs et au sein de l’Ita pour le centre de formation et d’incubation dans les métiers de l’agro-alimentaire. Pour les 3 centres, nous avons noté un niveau d’avancement des travaux assez satisfaisant même s’il y a un léger retard notamment à Saint-Louis, où le projet est le plus important avec le centre des métiers du pétrole et du gaz. Globalement c’est assez satisfaisant ! Sur la partie accompagnement des Pme, il y a un volet important. Il s’agit de l’accompagnement non financé destiné aux promoteurs mais aussi aux Pme à travers l’Adpme. Nous avons une convention pour accompagner 250 Pme et à ce jour, plus de 100 Pme ont pu bénéficier de cet accompagnement de l’Adpme. Et plus de cinquante business plans ont été élaborés en 2021 dont 44 retenus par le Comité de sélection, transmis à notre partenaire pour le financement.

Qu’est-ce qui explique le léger retard dans le déroulement des travaux de ces trois centres de formation ?

Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, parce que l’accord de financement a été signé en 2018 et le projet n’a démarré effectivement qu’en juillet 2019. A ce facteur s’ajoute un deuxième, qui est externe, lié à l’impact du Covid-19 sur la mise en œuvre des activités. Mais aussi, il y a d’autres aléas qui ont un peu retardé l’exécution du projet. Il s’agit des deux conventions qui étaient un peu bloquées, notamment celle relative à la formation des jeunes dans les métiers du pétrole et du gaz et la convention avec un partenaire chargé d’accompagner les jeunes à l’entreprenariat. Ces deux dernières étaient bloquées pendant toute l’année 2021. C’est pourquoi à partir de 2022, d’importantes décisions ont été prises pour accélérer la cadence et améliorer le taux de décaissement du projet, en mettant en place de nouvelles approches. La date prévisionnelle pour le centre de Saint Louis est de 24 mois. En principe, ce centre devait être réceptionné au plus tôt en septembre 2024. Le centre de l’Ita, d’un délai d’exécution de 18 mois, sera réceptionné aux alentours de mars 2024. C’est le cas également pour Ngaye Mékhé dont la date de réception est prévue à la même période.

Avec l’exploitation du pétrole dont le début est prévu en fin 2023, combien de jeunes avez-vous formé dans le domaine du pétrole et du gaz ?

Si vous voyez bien, le projet, dans ses orientations, au-delà du centre qui est en cours de construction à Saint-Louis, a prévu des formations qualifiantes dans les métiers du pétrole et du gaz. Ces formations ont démarré depuis 2020. Et à ce jour, on a formé 491 jeunes dans huit métiers du pétrole et du gaz. On a formé des pompistes, des managers de station, des graisseurs, des laveurs, des chefs de boutique, des rayonnistes, etc., tous des métiers de l’aval pétrolier (segment de la distribution).

Avec la formation en pétrole et en gaz, peut-on s’attendre à voir le Sénégal doté de ressources humaines capables de l’aider à prospecter et exploiter les ressources énergétiques ?

Le Centre de formation des métiers du pétrole et du gaz de Saint-Louis a pour mission d’assurer la formation initiale de techniciens du pétrole et du gaz et la formation continue des professionnels du secteur. Ce centre, qui a une envergure sous-régionale, va permettre au Sénégal de rattraper le gap en matière de main d’œuvre qualifiée et de créer les conditions d’une meilleure employabilité des jeunes dans un contexte marqué par l’exploitation des ressources pétrolières et gazières. Avec ce dispositif, le Sénégal va ainsi se doter de ressources humaines qualifiées pour assurer la compétitivité et la croissance de son économie. En plus de la construction du Centre de formation dans les métiers du pétrole et du gaz, le Pdcej a prévu un programme de formation qualifiante de courte durée dans les métiers du pétrole et du gaz. Cette mission est confiée, à travers une convention de partenariat, à Invest in Africa, structure spécialisée dans le domaine du pétrole et du gaz, pour un montant total de 400 400 000 F Cfa.

Quels sont les critères d’admission à la formation initiale dans le centre ?

Ces critères d’admission reposent sur une sélection en trois parties et dans l’ordre suivant : une première sélection sur dossier et autres critères administratifs : parcours scolaire ou universitaire, détention ou pas d’un certificat d’études secondaires ou équivalent reconnu par les autorités, antécédents judiciaires ou fiscaux, service militaire accompli, attestations de travail, etc. ; une deuxième sélection par examen d’entrée de niveau baccalauréat scientifique ou technique. Reste à définir les épreuves-types en collaboration avec le projet Pdcej et l’Inpg. Et une troisième et dernière sélection basée sur des critères d’ordre psychologique et relative à la personnalité du candidat ainsi que ses qualités personnelles et sa sociabilité.

Qu’en est-il de la formation confiée à Invest in Africa ?

Concernant les formations qualifiantes confiées à Invest in Africa, il est prévu de mener une étude des besoins en ressources humaines auprès des compagnies pétrolières, permettant de définir les profils d’entrée et de sortie des candidats suivant les normes internationales. Parce que dans le segment de l’amont pétrolier, l’accès à une plateforme est conditionné à l’obtention d’un ou des certificats exigés par la norme internationale.

Parlez-nous de vos nouveaux partenaires ? Qu’est-ce qui explique les raisons du link avec ces nouveaux partenaires ?

Comme nouveau partenaire, nous avons l’université Gaston Berger de Saint-Louis, à travers son Centre d’incubation. Nous l’avons choisie pour son expertise mais aussi du fait que l’Ugb, à travers le réseau des universités au niveau national, va permettre de mettre en place un dispositif de formation en entreprenariat au profit des jeunes. Donc, l’Ugb va travailler avec les universités de Thiès, Kaolack, Ziguinchor pour mettre en œuvre ces formations en entreprenariat, accompagner les promoteurs, les initier à entreprendre, à pouvoir mûrir leur idée de projet, à structurer leur projet, à les mettre en œuvre, les incuber et les accompagner pour le financement.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous faisiez face avant l’arrivée de vos nouveaux partenaires ?

Depuis 2022, pour donner suite à la revue à mi-parcours réalisée par la Bad et le gouvernement, nous avons relevé un certain nombre d’insuffisances. Parmi lesquelles, le retard dans la mise en œuvre des activités et un taux de décaissement pas satisfaisant. Alors pour cela, nous avons engagé le processus de diversification du partenariat d’abord au niveau des formations qualifiantes. C’est pourquoi nous avons signé une nouvelle convention avec Invest in Africa, qui est une structure internationale, reconnue et qui a une compétence dans le domaine du pétrole et du gaz, et une autre convention avec l’incubateur de l’université Gaston Berger. Ensuite, au niveau du volet financement, nous avons signé des conventions avec deux nouvelles institutions financières, en plus de La Banque agricole. Ces structures spécialisées dans leur domaine respectif vont permettre de réaliser très rapidement des activités de formation et de financement.

Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour accélérer l’achèvement des centres de formation ?

Au niveau du volet construction des centres, nous avons élaboré un dispositif de suivi impliquant toutes les parties prenantes, à travers des comités techniques de suivi qui vont se réunir mensuellement pour analyser, évaluer et apprécier le taux d’avancement des constructions. Cela permet de pouvoir surveiller l’exécution conformément au délai, tout en respectant la qualité requise. Chaque mois, nous allons réunir toutes les parties prenantes impliquées dans le projet, à savoir le ministère de tutelle, le ministère des Finances, le ministère du Plan, les entreprises chargées de mettre en œuvre le projet, les maîtres d’œuvre, ainsi que les bénéficiaires dans le suivi. Au-delà de ces rencontres, il y a aussi les réunions hebdomadaires.

Quel impact la construction de ces centres aura sur l’employabilité des jeunes ?

Ces centres n’ont pas été choisis au hasard. D’abord, les secteurs ont été identifiés au regard du potentiel économique et de la capacité à générer des emplois. Si vous prenez l’agriculture d’une manière générale, c’est un secteur porteur d’insertion au Sénégal. C’est le cas de l’énergie solaire avec les politiques portant sur la protection de l’environnement marquées par la promotion des énergies renouvelables. Il y a également le secteur pétrolier et gazier, qui est aujourd’hui un secteur vraiment porteur au plan économique mais aussi en termes d’insertion au Sénégal. Et pour améliorer l’employabilité des jeunes, ils vont permettre de contribuer véritablement à la qualification de la main d’œuvre. Ce qui va permettre de promouvoir la croissance, la productivité. En effet, au Sénégal, beaucoup de personnes travaillent sans qualification, ce qui explique la faiblesse de la productivité du travail. Parce qu’il y a une corrélation entre la productivité et la qualification.

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