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«AUJOURD’HUI, AU NIVEAU DU FOOTBALL FEMININ, ON EST RESPECTE SUR LE CONTINENT»

Le football féminin, il le connaît bien pour avoir été l’un des précurseurs au Sénégal. Ancien sélectionneur des Lionnes et présent au Maroc, Bassouaré Diaby analyse la prestation historique des Filles de Mame Moussa Cissé à la Can.

Quel bilan tirez-vous de la participation des Lionnes du foot à la Can au Maroc, avec au bout une qualification aux barrages du Mondial 2023 ?

Le bilan devait être fait normalement par l’entraîneur et son staff. On est venus juste pour apporter un peu notre expérience, notre vécu dans le football féminin. En tant qu’un des responsables du football féminin depuis des années et maintenant responsable au niveau de la Direction technique nationale, on peut dire que cela a été une très bonne campagne pour le Sénégal. Même si l’objectif minimal qu’on s’était fixé, c’est-à-dire qualifier directement l’équipe à la Coupe du monde, n’a pas été atteint. Mais quand même, le Sénégal a montré un très beau visage et les résultats le montrent. Aujourd’hui, on est respecté sur le continent, au niveau du football féminin.

Vous faites partie de l’un des pionniers du football féminin au Sénégal, avez vous été surpris par la prestation de cette équipe ?

J’étais un peu loin de l’équipe quand même. Quand je suis venu au début au Maroc, j’ai été impressionné par le niveau atteint, sans même que la compétition ne commence. Quand j’ai suivi les entraînements et les matchs amicaux en derrière phase de préparation, j’ai vu qu’il y avait un truc et qu’on peut vraiment faire quelque chose. Connaissant les autres pays, on sait que le Ghana n’est pas présent, le Nigeria n’est plus ce foudre de guerre qu’on connaissait, c’est une équipe vieillissante. Il n’y avait, pour moi, que l’Afrique du Sud qu’on pouvait attendre. Ils ont une politique bien élaborée au niveau du football féminin et qui commence depuis l’élémentaire jusqu’au niveau du lycée, à l’Université. C’est une réalité là-bas. Il y a une vraie politique qui est mise en place là-bas avec beaucoup d’équipes qui jouent. Donc, je ne suis pas surpris des résultats de l’Afrique du Sud. Mais pour le Sénégal, je les ai vu venir, à partir du moment où je les ai suivies en dernière phase de préparation. Cela s’est confirmé au fil des matchs. On pouvait aller beaucoup plus loin, mais je pense que le Sénégal a fait un excellent résultat au Maroc.

Qu’est-ce qui a fait la force de cette équipe sénégalaise ?

C’est d’abord la préparation. Si on ne travaille pas, on n’avance pas. Quand on avait l’équipe, c’était difficile d’avoir autant de jours de regroupement.
Aujourd’hui, les filles se regroupent pendant quatre à cinq mois. On a nos centres et la Fédération met plus de moyens pour que les filles jouent. Ensuite, on a une bande d’expatriées à qui on peut faire appel comme on veut. De mon temps, il n’y avait que Mamy Ndiaye. Maintenant, on a une dizaine de joueuses qui jouent en France notamment, et à qui on peut faire appel à tout moment. Il y a aussi le fait qu’au niveau africain, les équipes ont été augmentées. Ce n’est plus 8, mais 12 équipes qui vont en phase finale de Coupe d’Afrique. Avec aussi, une excellente organisation du Maroc.

Dans quel secteur il faudra mettre l’accent pour que l’équipe joue un rôle au niveau africain ?

Je crois qu’il faut parler des expatriées qui quittent le Sénégal avec un bon niveau, mais malheureusement, on n’a pas eu la chance de les voir jouer à un très grand niveau. Elles jouent, pour les meilleures, en deuxième division. Il y a un bon paquet qui joue en division d’honneur. Donc, ce n’est pas un niveau qui peut les faire progresser. Il faut qu’elles travaillent davantage pour celles qui sont ciblées pour l’Equipe nationale.

Le résultat obtenu par les filles lors de cette Can devrait booster le football féminin sur le plan national également…

Bien sûr ! D’ailleurs, avant qu’on ne quitte là-bas, il y a des filles qui ont été contactées par des clubs qui veulent les engager pour une carrière professionnelle. C’est une bonne chose pour le football féminin. Ensuite, il faut faire encore plus au niveau de notre championnat. Le dernier élément qui, pour moi, est très important, il faut que les clubs soient beaucoup plus forts. Aujourd’hui, on a des clubs qui disparaissent. Il y a quelques années, c’étaient les Gazelles qui étaient les pionnières, après Médiour de Rufisque qui était l’une des meilleures équipes. Toutes les autres équipes pataugent dans des difficultés pour renouveler les effectifs. Il faut qu’on commence à faire un travail à la base. On n’oublie pas l’école, on n’oublie pas l’Université. Il faut que le football féminin soit dans ces structures-là où on trouve beaucoup de jeunes pour pouvoir faire un maillage de tout cela. Mais aussi, avoir une bonne politique au niveau de la Direction technique nationale (Dtn).

A ce niveau, c’est une responsabilité de la Dtn, de la Fédération, mais aussi du ministère des Sports…

Effectivement, c’est l’ensemble. Aujourd’hui, quand tu prends des pays comme l’Afrique du Sud, c’est depuis le début. Il y a tout le monde qui les surveille. Il y a un travail à la base qui se fait. Il est difficile de renouveler les effectifs au niveau des clubs. C’est pourquoi, certains clubs arrivent à disparaître. Ensuite, il y a deux ou trois clubs qui commencent à payer les joueuses. Je crois que c’est une bonne chose. Malheureusement, les autres n’arrivant pas à le faire, on retrouve les meilleures joueuses dans ces clubs-là. Et dans les autres, il n’y a rien. Il faudrait que les gens réfléchissent sur tous ces problèmes pour pouvoir avancer.

Est-ce que l’Uassu ne devrait pas être la solution au problème de notre sport, surtout pour le football féminin ?

En effet. Je vois d’ailleurs que dans les écoles, ils commencent à faire des championnats. Cette année, la Caf a initié un tournoi scolaire où des représentants de certains pays participent à des compétitions internationales. Tout cela, ce sont de bonnes choses. Maintenant, il faut qu’il y ait une bonne politique pour qu’on puisse avancer parce qu’on a le potentiel, aussi bien chez les garçons que chez les filles.

Comment aborder cette fenêtre des barrages ?

Il faut forcément avoir des matchs amicaux. Il faut que le travail continue. Il ne faut pas se leurrer, cela ne sera pas facile. D’après les informations, il y aura trois poules dont deux de trois et une de quatre. Il faudra mettre le paquet, continuer le travail, voir si on peut avoir d’autres joueuses qui peuvent nous apporter quelque chose. Je sais que le staff est très dynamique. Ils feront tout pour voir comment améliorer l’effectif. Ce sera à l’entraîneur de faire des descentes en Europe pour voir les matchs.

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