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ABDOULAYE WADE, L’ÉTERNEL CANDIDAT

Dakar, 29 juil (APS) – Abdoulaye Wade est encore présent sur la scène politique sénégalaise, malgré ses 96 ans, sans arriver à un franc succès aux scrutins organisés depuis son départ de la présidence sénégalaise en 2012.

Même s’il est silencieux depuis plusieurs mois, l’ex-chef de l’Etat n’en est pas encore à sa retraite politique. Pour les élections législatives de dimanche, la coalition Wallu Sénégal, constituée autour du Parti démocratique sénégalais (PDS), une formation politique qu’il a fondée il y a presque cinquante ans, a fait de lui sa tête de liste nationale.

Une façon pour cette alliance de partis d’opposition de miser sur l’aura de cette figure, qui est incontestablement la personnalité politique qui a le plus marqué la vie politique sénégalaise de la fin du 20e siècle et du début du 21e.

Son investiture en tête de liste nationale d’une coalition de partis en 2017 et sa campagne – en faveur de l’un des candidats de l’opposition – en vue de l’élection présidentielle de 2019 n’ont pas été fructueuses. Elu membre de la 13e législature, l’ancien chef d’Etat n’a jamais siégé à l’Assemblée nationale pendant toute la durée du mandat. 

Déroutant, bête politique, rusé, ‘’pape du Sopi’’, ‘’président de la rue’’… Difficile, voire impossible d’énumérer les qualificatifs et surnoms utilisés pour désigner l’ancien chef de l’Etat sénégalais, homme multidimensionnel et orateur hors pair, dont le courage frise la témérité.

Abdoulaye Wade accède au pouvoir le 19 mars 2000 en mettant fin au régime du Parti socialiste (PS), après s’être opposé longtemps à Léopold Sédar Senghor et au successeur de ce dernier, Abdou Diouf.

Grand orateur doublé d’un tacticien, il multiplie les promesses et parvient d’abord à mettre en ballotage son adversaire avec 31 % des voix, contre 41,3 % pour le président sortant. Au second tour, avec le soutien des autres candidats, il l’emporte avec 58,1 % des suffrages et écarte du pouvoir les socialistes.

Avec son élection, le Sénégal enregistre la première alternance politique de son histoire. En faisant tomber le tout-puissant PS et son leader, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade devient un héraut de la démocratie. Sa popularité atteint alors son sommet, surtout auprès des jeunes qu’il séduit et fait rêver par ses promesses de résoudre les récurrentes crises scolaires et universitaires, ainsi que le chômage de masse.

Après son accession au pouvoir, l’un de ses premiers actes fut de dissoudre le Conseil économique et social, ainsi que le Sénat, en 2000. Une décision qu’il motive par des raisons économiques et l’inutilité de ces deux institutions qu’il finira paradoxalement par restaurer en 2007.

Réformes constitutionnelles et monarchisation du pouvoir

En 2001, Abdoulaye Wade fait adopter par référendum une nouvelle Constitution et réduit le mandat présidentiel de sept à cinq ans. Il limite aussi à deux le nombre de mandats à la présidence sénégalaise.

Mais sa réforme sera de courte durée, car il rétablit le septennat qu’il avait supprimé sept ans auparavant, par une nouvelle modification de la Constitution sénégalaise après sa réélection en 2007.

Abdoulaye Wade ne s’arrête pas en si bon chemin. En juin 2011, il décide d’amender la loi fondamentale pour réduire à 25 % le taux nécessaire (la moitié des suffrages + 1 au moins) pour remporter l’élection présidentielle dès le premier tour. Abdoulaye Wade propose, pour ce faire, l’élection d’un ‘’ticket’’ comprenant un président et un vice-président. Mais il se voit accusé de vouloir se maintenir au pouvoir et de chercher à se faire remplacer par son fils, Karim, si l’envie lui prend de quitter le pouvoir.

En juin 2011, de violentes manifestations éclatent dans le pays, notamment à Dakar, le contraignant à renoncer à son projet constitutionnel.

Son image de démocrate est sérieusement écornée, d’autant plus qu’il fait sauter le verrou limitant le nombre de mandats à deux pour se présenter à l’élection présidentielle. Les soupçons d’une volonté de ‘’monarchisation’’ du pouvoir n’ont alors fait que gagner du crédit, d’autant plus qu’il avait attribué un poste de ‘’superministre’’ à Karim Wade, qui contrôlait à la fois l’énergie, la coopération internationale, les infrastructures et les transports aériens. Il est accusé de ‘’dérives autoritaires’’, d’avoir restreint les libertés et d’avoir fait reculer la démocratie.

Malgré les critiques venant de partout, notamment dans les villes, le 23 décembre 2011, M. Wade est investi candidat du PDS. Et malgré les protestations de l’opposition et de la société civile, réunies au sein du Mouvement du 23-Juin (M23), en référence aux manifestations tenues le 23 juin 2011 en guise de protestation contre sa candidature, celle-ci est validée par le Conseil constitutionnel, le 27 janvier 2012.

Au terme du premier tour, il arrive en tête avec 34,81 % des suffrages, mais il est contraint de passer par le second tour pour affronter son ancien Premier ministre, Macky Sall. Abdoulaye Wade, qui déclarait s’attendre à une large victoire dès le premier tour, est battu par l’ancien chef du gouvernement, qui recueille 65,80 % des voix.

Un bâtisseur devant l’Eternel

Même s’il quitte le pouvoir par une défaite, l’ex-chef de l’Etat sénégalais laisse sur son passage une image de grand bâtisseur. Les quarante ans du régime socialiste avaient été marqués par ce que de nombreux observateurs considéraient comme un immobilisme. Abdoulaye Wade, lui, ouvre des chantiers dans plusieurs endroits du pays. En douze ans passés à la présidence du pays, il a fait construire plusieurs centaines d’écoles et des universités.

De grands travaux sont aussi entamés pour moderniser le pays. Les plus emblématiques concernent la corniche de Dakar et ses hôtels de luxe, le réaménagement du port de Dakar, la construction de l’aéroport international Blaise-Diagne, l’autoroute à péage et l’électrification des zones rurales.

Mais ce bilan est terni par les récurrentes coupures d’électricité à l’origine d’émeutes en juin 2011.

L’ex-chef de l’Etat peut se targuer tout de même d’avoir fait construire plusieurs infrastructures sanitaires et réduit la mortalité infantile. En plus d’avoir fourni de l’eau potable à de nombreux ménages.

On lui doit également la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA), une politique agricole aux résultats contestables, qui visait à mettre fin à la dépendance alimentaire du pays.

Grâce à la politique économique d’Abdoulaye Wade, le Sénégal enregistre entre 2000 et 2010 un taux de croissance (+ 4 %) supérieur à celui des années 1990, une inflation contenue et des ressources de l’Etat en hausse. Mais la situation économique s’est détériorée au début de son quinquennat, avec une dette publique de 21,4 %, une croissance de 2,5 %, contre 4,3 % en moyenne pondérée sur les dernières années.

Echec de la pacification de la Casamance

L’un de ses échecs les plus retentissants restera sans doute celui de la pacification de la Casamance, un objectif qu’il avait promis d’atteindre en cent jours seulement à la tête du Sénégal. Tout au plus a-t-il réussi à signer des accords de paix avec le chef historique du MFDC, le mouvement réunissant les indépendantistes casamançais, l’abbé Diamacoune Senghor, le 30 décembre 2004.

Le monument de la Renaissance africaine, une statue de 52 mètres de haut, construite par des ouvriers nord-coréens reste sans conteste son projet le plus controversé. Son coût est d’environ 20 millions d’euros, soit 13 milliards 119 millions de francs CFA.

Beaucoup de Sénégalais n’ont pas hésité à voir dans ce symbole le reflet de sa volonté de mettre en selle son fils Karim Wade sur la route du pouvoir. Si nombre de ses projets ont été vivement critiqués pour leur coût, à défaut d’être considérés purement et simplement comme des ‘’éléphants blancs’’, ils sont aujourd’hui reconnus comme des réalisations phares de son régime.

Sa gouvernance est cependant marquée par ce que certains observateurs décrivent comme une ’’instabilité institutionnelle’’. Au total, durant ses deux mandats, le pays a vu se succéder six Premiers ministres, quatre présidents de l’Assemblée nationale, trois chefs d’état-major généraux des armées et une centaine de ministres. Abdoulaye Wade a nommé plus de généraux en sept ans qu’Abdou Diouf et Léopold Senghor en quarante ans.

C’est en 1974 qu’Abdoulaye Wade a fondé le Parti démocratique sénégalais, avec l’autorisation de Léopold Sédar Senghor. Il était jusque-là militant de l’Union progressiste sénégalaise, qui devient ensuite le Parti socialiste en 1976.

En 1978, quatre ans après la création du PDS, il se présente pour la première fois à l’élection présidentielle. Seul opposant à faire face à Léopold Sédar Senghor, il est battu.

Pour la deuxième tentative, il se retrouve devant Abdou Diouf, après la décision du premier président du Sénégal de quitter le pouvoir et de passer le témoin au Premier ministre.

En 1983, Abdoulaye Wade, âgé de 56 ans, connaît de nouveau l’amertume de la défaite. L’ancien Premier ministre âgé 45 ans le coiffe au poteau en obtenant 83,3 % des suffrages.

Il perd aussi l’élection présidentielle de 1988, en conteste les résultats et dénonce un hold-up électoral. A la suite d’émeutes à Dakar et dans d’autres villes du pays, Abdoulaye Wade et des militants de son parti sont arrêtés et jetés en prison.

L’entrisme

Pour dénouer la crise, Abdou Diouf entame des pourparlers avec son principal opposant. Abdoulaye Wade entre ensuite au ‘’gouvernement de majorité élargie’’, d’avril 1991 à octobre 1992. Il est ministre d’Etat. L’élection présidentielle de 1993 approchant, il quitte le gouvernement et reprend ses habits d’opposant.

Avant la publication des résultats du scrutin, le pays est secoué par un événement dramatique inédit : l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye. Abdoulaye Wade, soupçonné d’avoir commandité son assassinat, est arrêté en même temps que trois militants de son parti, avant d’être remis en liberté trois jours plus tard, faute de preuves.

S’il a toujours clamé son innocence, il n’a pas hésité à gracier les assassins de Babacar Sèye lorsqu’il accède au pouvoir.

De 1995 à 1997, il renoue avec l’entrisme en retrouvant un poste de ministre d’Etat auprès du président de la République, dans un gouvernement dirigé par Habib Thiam.

Abdoulaye Wade a officiellement vu le jour le 29 mai 1926. Après avoir obtenu le baccalauréat à Paris, il fait ses études supérieures à Besançon et à Grenoble, où il obtient un doctorat en droit et sciences économiques.

Abdoulaye Wade a d’abord exercé le métier d’avocat en France avant de retourner au Sénégal, où il installe son cabinet et enseigne à l’université de Dakar.

Sous sa présidence, le Sénégal se trouve de nouveaux partenaires économiques au Moyen-Orient et en Asie.

Considéré comme l’Africain le plus diplômé du Cap au Caire et de Dakar à Djibouti, il est l’un des fondateurs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, un projet panafricain visant à intégrer l’Afrique au commerce mondial et à le libérer de l’aide étrangère.

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