RETOUR SUR LES LOIS D’AMNISTIE VOTÉES AU SÉNÉGAL
Au Sénégal, l’amnistie est prévue par l’article 67 de la Constitution. Elle s’applique aux faits. En conséquence, si les faits ont été amnistiés avant le déclenchement des poursuites, celles-ci ne pourront plus être engagées. Si l’amnistie intervient après le début des poursuites, celles-ci sont arrêtées. Enfin, si l’amnistie est votée après la condamnation, celle-ci est rétrospectivement effacée.
En Conseil des ministres, ce mercredi 28 septembre 202, le Chef de l’Etat Macky Sall, « abordant la consolidation du dialogue national et l’ouverture politique », a demandé au professeur Ismaïla Madior Fall, au Garde des sceaux, ministre de la Justice, « d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote ». Mais, ce qui ouvre la voie vers l’adoption d’une quatrième loi d’amnistie au Sénégal.
Mamadou Dia fait partie des premiers hommes publics sénégalais à avoir bénéficié d’une amnistie. En mars 1974, Dia est gracié par le Président Léopold Sédar Senghor puis amnistié, en avril 1976, un mois avant le rétablissement du multipartisme au Sénégal.
Arrêté par un détachement militaire (paras-commandos), avec quatre de ses compagnons, Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall, il est traduit devant la Haute Cour de justice du Sénégal du 9 au 13 mai 1963, et condamné à l’emprisonnement à perpétuité à Kédougou.
Mamadou Dia, Président du Conseil du Sénégal de 1957 à 1962, avait prôné, le 8 décembre 1962, à Dakar, dans un discours portant sur «les politiques de développement et les diverses voies africaines du socialisme», une «mutation totale qui substitue à la société coloniale et à l’économie de traite une société libre et une économie de développement». Cette déclaration motive des députés à déposer une motion de censure contre le gouvernement les jours suivants. Jugeant cette motion irrecevable, Dia tente d’empêcher son examen par l’Assemblée nationale au profit du Conseil national du parti, en faisant évacuer la chambre le 17 décembre et empêcher son accès par la gendarmerie. Malgré ce qui est qualifié de « tentative de coup d’État» et l’arrestation de quatre députés, la motion est votée dans l’après-midi au domicile du président de l’Assemblée, Lamine Guèye.
1991, amnistie portant sur le conflit de la Casamance
En 1991, une amnistie avait également été initiée dans le conflit casamançais conformément à l’accord trouvé en 1991 entre le gouvernant du Sénégal et des combattants. Ainsi, « sont amnistiées de plein droit, toutes les infractions criminelles ou correctionnelles commises entre le 1er août 1987 et le 1er juin 1991, tant au Sénégal qu’à l’étranger, en relation avec les évènements dits « de Casamance ».
Sont amnistiés de plein droit, les crimes d’attentat et complot contre la sécurité de l’Etat sénégalais et l’intégrité du territoire national, prévus et punis par les articles 72 et 73 du Code pénal, commis antérieurement au 31 juillet 1987 en relation avec les évènements dits «de Casamance» et dont les auteurs ont fait l’objet de condamnation à une peine égale ou supérieure à 15 ans de détention criminelle.
Loi Ezzan
L’Assemblée nationale sénégalaise a adopté, le 7 janvier 2002, une loi d’amnistie des infractions commises depuis le 1er janvier 1983 au 31 décembre 2004. Les infractions criminelles ou correctionnelles, commises pendant cette période au Sénégal ou à l’étranger, en relation avec les différentes consultations électorales ou ayant des motivations politiques, sont toutes effacées.
Cette loi proposée par Ibrahima Isidore Ezzan, député du Parti démocratique sénégalais (PDS) a été adoptée par 70 voix pour, 27 contre et une abstention.
Le 15 mai 1993, alors que le Conseil constitutionnel s’apprêtait à donner les résultats des élections législatives, son vice-président, Babacar Sèye est éliminé par des hommes armés en plein Dakar. Abdoulaye Wade, alors chef de file de l’opposition avait été arrêté avec de nombreux autres partisans avant de bénéficier d’un non-lieu. En revanche, en 1994, Amadou Clédor Sène, Assane Diop, arrêtés et jugés dans le cadre de cette affaire sont considérés comme les assassins du magistrat et ont écopé d’une peine de 20 ans de prison et de travaux forcés. Un troisième accusé, Pape Ibrahima Diakhaté a été condamné à une peine de 18 ans de prison. Ils retrouvent la liberté en février 2002 à la faveur d’une amnistie.
Contrairement à une grâce présidentielle, une mesure d’amnistie n’est pas une mesure individuelle. Il s’agit d’une mesure générale, issue d’une loi spécialement votée à cet effet. Elle bénéficie à toutes les personnes qui ont commis une ou plusieurs catégories d’infractions visées dans la loi.