LA DIPLOMATIE SÉNÉGALAISE, UN REMPART UTILE POUR LE SAHEL ?
Le coup d’état perpétré au Burkina Faso il y a quelques jours par les troupes du capitaine Ibrahima Traoré est le deuxième en 8 mois dans ce pays. Confirmant la résurgence de ces prises de pouvoir militaires dans la sous-région depuis quelques années. Quasiment seul pays de l’Afrique de l’Ouest à être épargné de ce fléau depuis 1960, le Sénégal et sa diplomatie auraient-ils un rôle à jouer dans cette reconfiguration politique en Afrique de l’Ouest ?
Les 24 et 25 octobre prochain, le Centre International de conférences Abdou Diouf (CICAD) accueillera la huitième édition du Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique, placée sous le thème « L’Afrique à l’épreuve des chocs exogènes : défis de stabilité et de souveraineté ».
Au cours de ces deux jours d’échanges, plusieurs centaines d’experts, de chercheurs, d’opérateurs économiques, de responsables d’ONG et de représentants institutionnels confronteront leurs idées pour proposer des pistes de réflexion pour améliorer non seulement la sécurité des populations africaines, mais aussi celle de leurs voisins européens et asiatiques. Et lors de la cérémonie officielle de lancement de cette huitième édition de Dakar en début septembre, la cheffe de la diplomatie sénégalaise confessait qu’en dépit des efforts constants consentis par les États ces dernières années pour enfin mettre l’Afrique sur la rampe de l’émergence, le continent fait aujourd’hui face aux défis les plus complexes.
Soulignant en effet qu’aux défis persistants de la pauvreté, de l’exclusion sociale et des migrations irrégulières, déjà exacerbés par les conflits et les changements climatiques, se sont également greffés aujourd’hui ceux encore plus préoccupants de l’insécurité alimentaire, celles sanitaire et énergétique. Et force est de constater qu’il urge d’ajouter à cette liste, à la lumière des tensions politiques dans la sous-région, les coups d’État répétitifs. Le dernier en date étant celui perpétré au Burkina Faso il y a quelques jours, le deuxième en 8 mois. Le Sénégal qui fait figure d’embellie dans cette grisaille aura certainement des défis diplomatiques et sécuritaires à relever pour pérenniser cette exception dont il fait montre dans la sous-région.
S’exprimant sur ce forum et sur les nombreuses initiatives diplomatiques pour la paix en Afrique de l’Ouest, le consultant international et spécialiste de la sécurité nationale, Babacar Bâ, pense en effet que ces nombreuses et récurrentes actions du gouvernement du Sénégal pour la sécurité et la paix globales méritent soutien de la part des forces vives du pays. Car d’après l’expert, la précarité de la gouvernance et l’instabilité politique à répétition marquée des violences sur le plan social expliquent l’élargissement de la fracture entre l’État et la société dans plusieurs pays. Et la situation, selon lui, laisse ces pays vulnérables à l’insécurité qui résulte des conflits armés, des trafics illicites, du terrorisme et de la criminalité organisée. « (…) Tout ceci fait peser de sérieuses menaces non seulement sur la sécurité intérieure des pays des États de cette région, mais et surtout sur toute l’Afrique de l’Ouest», signale le spécialiste en sécurité non sans évoquer la porosité des frontières qui rend le contrôle de ces menaces très difficile. Saluant les efforts de la diplomatie sénégalaise, il a fait savoir en outre qu’il faudra agir avec souplesse et de manière inclusive pour avoir l’adhésion des pays et des populations de la région.
LA DIPLOMATIE SENEGALAISE : UNE INSPIRATRICE PRÉCOCE
« Par ailleurs, la diplomatie sénégalaise a joué un rôle dans le continent dès le début des indépendances. Ceux qui ont suivi la politique étrangère des États africains ne peuvent manquer d’être frappés par les caractères de la diplomatie sénégalaise : active mais réfléchie ; ferme sur les principes mais souple dans la méthode ; idéaliste et réaliste à la fois ; jalouse de la personnalité sénégalaise, mais ouverte à tous les souffles de l’esprit. Il serait intéressant de rechercher à travers le génie de notre peuple les sources profondes de cette manière d’être. Mais nous ne pouvons le faire que dans le cadre limité d’un article de presse. Nous nous bornerons donc à constater le fait brut, sans l’expliquer. Une diplomatie où se mêlent à la fois la nuance et l’intransigeance, le courage et la générosité, la fermeté et la souplesse, la vigueur de la conviction et le sens du dialogue. Ce style qui nous est propre déroute parfois l’observateur non avisé.
Pourtant, si l’on va au-delà des apparences pour examiner notre politique dans ses tendances profondes, on y découvre des constantes. Défense de l’africanité, anticolonialisme, coopération internationale, attachement à la paix : voilà les lignes de force de notre politique extérieure », soutenait dès 1965 le premier chef de la diplomatie sénégalaise, Doudou Thiam, dans le Monde Diplomatique.
Le premier ministre des Affaires Étrangères du Sénégal ajoutait : «Aucun pays de notre continent plus que le Sénégal n’a contribué à faire accepter au monde l’africanité, qui est la prise de conscience d’une solidarité continentale se développant au triple plan culturel, économique et social. La charte d’Addis-Abeba porte notre empreinte. Bien avant celle-là, l’Union africaine et malgache, le groupe de Monrovia, étaient dans une large mesure d’inspiration sénégalaise. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux multiples discours des hommes politiques sénégalais».