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LE FMI RAISONNE DE MANIERE STATIQUE

En prélude à la conférence sur la souveraineté économique et monétaire de l’afrique qui s’ouvre aujourd’hui, l’économiste Ndongo Samba Sylla est revenu pour «L’As» sur la manière dont les institutions de Bretton Woods traitent avec les pays en développement. A l’en croire, le mal réside dans le fait que le Fonds monétaire international (Fmi) raisonne de manière statique.

«Faire face à la crise socio-écologique : l’actualité de la déconnexion et la question des réparations globales». Tel est le thème de la conférence sur la souveraineté économique et monétaire de l’Afrique qui s’ouvre aujourd’hui. L’occasion a été saisie pour l’économiste, par ailleurs responsable de la recherche et des programmes au bureau d’Afrique de l’Ouest de la Fondation Rosa Luxembourg à Dakar, Ndongo Samba Sylla, pour se pencher sur les limites des politiques des institutions de Bretton Woods. «L’un des problèmes que nous avons avec le Fmi, c’est qu’il raisonne de manière statique. Ce qui l’intéresse, ce sont les équilibres financiers, les équilibres comptables. Or, quand onest dans une perspective de développement, il faut dépasser cette approche réductrice», soutient Monsieur Sylla.

A l’en croire, dans un contexte de crise mondiale avec une inflation importante, il n’est pas rationnel d’un point de vue social de demander le retrait des subventions pour certains produits de première nécessité, même si cela peut l’être d’un point de vue comptable. Pour lui, il y a d’autres manières de gérer les tensions que d’opérer des coupes budgétaires inconsidérées.

Poursuivant, Dr Ndongo Samba Sylla estime que le rôle des institutions de Bretton Woods devrait être de permettre aux pays de dépenser sans que cela puisse avoir des incidences en termes de dépréciation des taux de change ou d’augmentation des importations à des niveaux difficiles à gérer. Et cette conférence sur la souveraineté économique et monétaire permettra, dit-il, de voir qu’il y a d’autres moyens de gérer ces crises. «Nous verrons également qu’il existe des possibilités que les pays du Sud peuvent se mettre en œuvre entre eux pour promouvoir des formes de coopérations mutuellement avantageuses», souligne-t-il.

Le responsable de la recherche et des programmes au bureau d’Afrique de l’Ouest de la Fondation Rosa Luxembourg à Dakar s’est également épanché sur la question de la souveraineté monétaire qui, selon lui, est très mal comprise. «Le débat sur des questions comme le franc CFA n’a toujours pas permis de montrer tous les tenants et aboutissants de la question. Un pays qui est souverain sur le plan monétaire est un pays qui n’émet pas de dettes en monnaie étrangère. La question qu’il faut se poser est pourquoi nos gouvernements émettent des dettes en monnaie étrangère», s’interroge-t-il.

«Le système financier domestique n’est pas mis à profit pour developper les capacités productives domestiques»

Selon Ndongo Samba Sylla, l’une des raisons historiques de cette dette odieuse, c’est que les gouvernements payent des dettes contractées par les administrations coloniales antérieures et que cela continue à avoir des impacts sur leurs trajectoires économiques. L’autre explication, ajoute-t-il, c’est une sorte de dépendance technologique etfinancière. Aussi, précise-t-il, le système financier domestique n’est pas mis à profit pour développer les capacités productives domestiques. Par exemple, soutient-il, dans les pays CFA, il n’y a pas de système bancaire pour développer l’agriculture. «Si vous voulez financez votre agriculture, soit vous avez des devises de l’étranger soit vous émettez des dettes en monnaie étrangère.Cela veutdire que si onorganisemieux nos systèmes financiers domestiques, on pourrait se passer d’une partie de cette dette. Si on arrivait à mieux gérer nos ressources naturelles, les contrats avec les multinationales, on pourrait se passer de la dette», déclare Dr Ndongo Samba Sylla.

Ce qu’on ne dit pas généralement, rappelle-t-il dans la foulée, c’est que l’Afrique souffre beaucoup plus des transferts de profits et de dividendes que du service de la dette. «C’est ce trou créé par le rapatriement de profits et de dividendes qui justifie que les Etats émettent des dettes en monnaie étrangère. Si on arrivait à fermer ce trou, nos Etats pourraient être moins endettés, avec plus de marge de manœuvre pour faire ce qu’ils ont envie de faire. Et tout ça a trait à la question de la souveraineté économique et monétaire. Economique parce qu’il faut avoir un contrôle sur les ressources ; monétaire parce que si vous n’avez pas un contrôle sur le système monétaire, vous n’avez pas de contrôle sur ce que vous produisez, ce que vous consommez et ce que vous échangez », affirme-t-il.

A l’en croire toujours, il est bien possible de remédier à cette dépendance alimentaire.En effet,Dr Ndongo Samba Sylla estime que les Africains ont des déficits vivriers alors que la majorité de la population est dans le secteur agricole. «Les populations ont des terres, le savoir et la main d’œuvre. Le système bancaire devrait être paramétré pour financer les financements domestiques. Mais tout cela n’est pas fait parce qu’on continue de privilégier le libreéchange avec des pays qui ont des surplus agricoles comme l’UE ou les Etats-Unis. Il faut revenir sur ce systèmepour réduire la dépendance alimentaire. Quant à la dépendance technologique, elle peut être sensiblement diminuée. Il faut juste une bonne planification économique », conclut-il.

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