«LE SENEGAL EST EN GUERRE CONTRE SES FEMMES»
Face au «silence» des autorités, le Collectif des féministes du Sénégal a envoyé une lettre au chef de l’Etat pour dénoncer la situation des femmes dans le pays, avec des mots-clés qui montrent la gravité du moment : «Alerte, on nous viole et on nous tue ! Le Sénégal en guerre contre ses femmes !»
Comme une épitaphe, les noms des dernières victimes de féminicide se suivent ainsi : Woury Mané, Yoba Baldé, Ndioba Seck, Khady Sèye, Aminata Ka, Yacine Sané, Bineta Camara, Lobé Ndiaye, Fatou Kiné Gaye, Khady Badiane, Athia Ba, Léna Gomis, Dieynaba Déme… Et la liste est encore longue. Le Collectif des féministes du Sénégal, qui a envoyé une lettre au président de la République, a utilisé des mots durs et aussi évocateurs du drame auquel les femmes font face : «wóoy walloo! Président noo ngi jeex ! Wallu ñu ! (Au secours Président, on nous extermine)».
Le constat du collectif de la situation actuelle est accablant : «Alerte, on nous viole et on nous tue ! Le Sénégal en guerre contre ses femmes !» Que faire ? Il demande au chef de l’Etat de prendre des mesures contre la culture d’impunité masculine. «La lutte pour le respect des droits de la femme est une composante essentielle de la bonne gouvernance et de la démocratie. On ne peut pas continuer à bafouer les droits de 52% de la population et espérer être pris au sérieux par nos pairs dans le monde. Nous ne voulons plus être célébrées, chantées, fêtées le 8, mars puis tuées les 364 jours qui restent dans le silence le plus total», note le collectif dans sa lettre.
Pour les femmes, angoissées par les derniers crimes, «il est primordial de mettre en place un fonds d’appui pour les victimes de violences sexuelles et sexistes et leurs familles. Souvent, les familles des défuntes ne peuvent ni payer un avocat ni élever correctement les orphelins (es) que ces femmes laissent derrière elles». «Par ailleurs, il est nécessaire de renforcer le dispositif d’accueil, d’orientation et d’appui aux victimes de violences sexuelles et sexistes sur toute la chaîne et de documenter régulièrement les cas de violences sexuelles et sexistes et de féminicide. Des mesures adéquates pour leur diminution et in fine leur arrêt devraient s’en suivre. Cela passe sans nul doute par l’application de la loi dans toute sa rigueur et une politique zéro clémence pour les auteurs de tels crimes», poursuit le collectif. Il est surtout interloqué par le silence présidentiel. «Réagissez Monsieur le Président ! Votre silence renforce la discrimination et l’impunité envers les femmes et les filles de ce pays face aux violences masculines. Que l’âme des victimes repose en paix. Que Justice leur soit rendue», poursuit le collectif. Lequel regrette aussi que le ministère de la Femme «soit très souvent aphone devant le nombre important de femmes tuées».
Pour ces dames, «aller visiter les familles des victimes ou les survivantes ne règle pas vraiment le problème. Les cas de viol et de meurtre de femmes sont devenus des faits anodins et ne semblent émouvoir personne, surtout la classe dirigeante sénégalaise dont vous êtes le chef de file». Pour le collectif, sur la période de janvier à novembre 2019, 14 cas de meurtre de femmes ont été répertoriés par le Comité de lutte contre les violences faites aux femmes. «Une liste qui ne cesse de s’allonger. Depuis le début de l’année 2022, nous avons recensé plus de dix (10) meurtres de femmes et de filles, tuées sauvagement. Rien que les deux dernières semaines du mois d’octobre, nous avons enregistré les meurtres d’au moins quatre femmes. Il est malheureux de remarquer que ces féminicides n’ébranlent que les femmes», regrette le collectif. «Que leurs noms ne tombent point dans l’oubli», dit-il.