ACTUALITES

VIOLÉES ET COUPABLES D’ÊTRE FEMMES

Si Kocc Barma pouvait ressusciter, il aurait changé sa célèbre maxime : « Jigeen soppal te bul woolu » en « Goor, soppal te bul woolu », au regard des nombreux cas de viol supposés ou réels rapportés dans le pays, impliquant parfois des hommes célèbres et supposés être au-dessus de tout soupçon. Décidément ! Chaque fois qu’un homme public est mis en cause dans une sordide affaire d’abus sexuel, il crie au complot ! Plus que jamais, le présumé coupable se défend en évoquant une vendetta politique. Et les victimes ? Les circonstances mettent parfois à mal leur présomption d’innocence : elles se seraient montrées aguicheuses ou auraient prêté le flanc en se rendant à un certain lieu de rendez-vous ; si elles n’auraient pas été l’appât d’un politicien pour faire tomber un adversaire… A dormir debout, mais tout scénario pour incriminer la femme victime de viol s’avère plausible…

De sorte qu’en tant que femme, admirer ou même apprécier un homme, de nos jours, peut faire d’elle sa proie potentielle, sachant que de nombreuses personnes croient que l’amitié entre un homme et une femme est impossible. Je m’inscris toutefois en faux contre cette assertion sexiste, car parmi mes trois meilleurs amis, deux sont des hommes, sans aucune ambiguïté. Et je connais d’autres amis qui font mentir ce postulat ignoble.

Le pouvoir de l’argent et les jeux de pouvoir, intrinsèquement liés, s’exercent sur des terrains glissants… Alors que souvent, le coupable présumé dispose d’une batterie de défenseurs à sa solde, « y a rien en face » pour sa victime. Le tribunal populaire la lapide. La sentence est sans appel : elle est sexy et irrésistible (Adji Sarr), ou moche, pas attirante (Nafissatou Diallo dans l’affaire DSK). Dans tous les cas, la femme a provoqué le crime. Trash ou nitouche, elle est simplement coupable d’être « femme ». La magie d’une rencontre vire à l’horreur quand le mâle, balourd, joue le tombeur, perché sur sa puissance… pécuniaire relative. Dans sa tête, son arrogance l’incite au « reendi jeggi » (se taper sa conquête -qui ne l’est peut-être même pas encore !- et passer à autre chose ou à la suivante). Une passade, de gré ou de force. Immonde ! Qu’une libido débridée plonge toute une communauté dans l’émoi contraste avec le blanc-seing que la société semble avoir délivré aux pervers.

Le rétablissement des traumas
De nombreuses femmes clament, depuis la naissance du mouvement #MeToo, que la peur doit changer de camp, mais chez nous, cela nécessite des préalables : écouter les victimes présumées, ne pas les prendre pour des mythomanes, mettre en place une assistance psychologique et leur donner la chance d’avoir un procès équitable afin d’exorciser ou d’atténuer leur douleur. Et qu’à « Ndoumbélane », la raison du plus fort ne soit pas toujours la meilleure. Car les a priori condamnent les femmes. Certaines se murent dans un silence destructeur. Leur traumatisme réveille en elles le lointain souvenir du mot « yakataan » (attouchements), entendu dans les discussions codées des adultes (qui refusaient d’en expliquer le sens aux enfants), révélateur de la présence d’agresseurs identifiés dans l’entourage mais camouflés. En ce temps d’enfance et d’adolescence, les mères apprennent à leurs filles à « attacher leur pagne », les pères les fliquent. Disent-ils seulement à leurs garçons, cependant, de tenir « Popol » en laisse ? Par les temps qui courent, quel homme est irréprochable ? Son portrait-robot sera largement diffusé, urbi et orbi. Montrons-nous froidement lucides et reconnaissons que nous appartenons à une société fortement sexualisée, érotisée, dans les paroles et les gestes.

Une femme forte sait mener sa barque en eaux troubles, pourtant, elle peut se retrouver le bec dans l’eau, embarrassée dans certaines situations, parce que le harcèlement est partout : dans les bureaux, dans la rue, sur internet, même dans sa maison ! Qui monte au créneau est cloué au pilori ! Et pourtant, ce ne doit pas être facile pour la femme offensée de dénoncer son supplice, de peur d’être stigmatisée.

Et si on prenait le temps de se parler ? De s’écouter ? L’adage qui veut que « jigeen du tê, dafay rëcc »prouve à suffisance que les femmes sont constamment à la merci de bourreaux perfides. Une victime de viol ou de tentative de viol peut avoir du mal à se projeter alors que son agresseur présumé mène tambour battant ses propres projets… La justice doit alors tendre une perche à cette femme pour l’aider à se réinventer. La criminalisation du viol ne s’avère pas dissuasive jusqu’ici, comme si les prédateurs sexuels ne s’en souciaient pas vraiment. Il serait peut-être judicieux de considérer la castration préconisée par l’ONG GRAVE il y a une décennie ?

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page