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« Le sommet d’Alger a rendu au Sénégal la place qui lui revenait… dans les relations arabo-africaines »

Avec le 31e Sommet de la Ligue des Etats arabes qui s’est tenu les 1er et 2 novembre à Alger, Dr Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute, expert des réseaux transnationaux et spécialiste et observateur averti des relations arabo-africaines, est revenu sur cette organisation. Pour lui, avec l’invitation du Président Macky Sall par la Ligue arabe, on est en train d’assister à un simple retour de l’histoire du Sénégal à sa place et à son leadership historique.

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Alger a accueilli, les 1er et 2 novembre, le 31eSommet de la Ligue des États arabes. Le Chef de l’Etat Macky Sall, Président en exercice de l’Union africaine, a été invité à cette rencontre par son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. Interrogé par “Le Soleil” sur la signification de cette invitation, Dr. Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute, expert des réseaux transnationaux et spécialiste et observateur averti des relations arabo-africaines, explique qu’avec la participation sénégalaise à cette rencontre, « on est en train d’assister à un simple retour de l’histoire et du Sénégal à sa place et à son leadership historique ».

Avec ce retour du Sénégal et de l’UA au sommet de la Ligue arabe, Bakary Sambe est d’avis que les choses reviennent à la normale parce qu’en plein cycle de sécheresse au Sahel, alors que les partenaires européens classiques étaient frappés par le choc pétrolier, les pays arabes avaient décidé, au cours du sixième sommet des Chefs d’Etats arabes tenu à Alger (26 au 28 novembre 1973), d’apporter une aide à l’Afrique subsaharienne. Il a mentionné aussi la création de la Badea, du Fonds arabe spécial d’aide à l’Afrique (Fasaa) sans oublier le fait que le conseil de la Ligue arabe de Tunis avait approuvé le principe de la création d’un Fonds arabe d’assistance technique à l’Afrique (Fataa).

Bakary Sambe qui a consacré sa thèse de doctorat et quelques ouvrages dont «Islam et diplomatie» (2011), «Contestations islamisées : Le Sénégal entre diplomatie d’influence et islam politique» (2018), aux relations diplomatiques entre le Sénégal et le monde arabe a soutenu que «ce sommet d’Alger a rendu au Sénégal la place qui, historiquement et symboliquement, lui revenait». Il y voit même un symbole parce que suite aux sommets d’Alger et de Tunis, pour la première fois, une conférence ministérielle conjointe arabo-africaine s’était tenue à Dakar du 15 au 22 avril 1976, en vue d’examiner le projet de coopération afro-arabe, son contenu, ses modalités et ses moyens d’action.

Retombées de la conférence afro-arabe de 1976 à Dakar

Dr Sambe précise que la tenue de cette conférence ministérielle afro-arabe de 1976 à Dakar fut, à l’époque, la résultante, de négociations entre le Sénégal et des pays arabes comme l’Égypte, l’Arabie Saoudite et le Koweït qui reçurent une visite historique du Président Senghor dans ce sillage. « Il ne faut pas oublier qu’à la suite de cette conférence de Dakar de 1976, il y aura le premier Sommet historique afro-arabe de mars 1977. À l’issue de ce sommet, d’importantes décisions furent prises pour augmenter l’aide publique arabe aux pays africains. Et des efforts ont été consentis par les pays arabes exportateurs de pétrole pour assister les pays africains« , indique-t-il. Les surplus financiers ont contribué, à l’époque, à la réalisation de projets dans plusieurs pays africains et, notamment, au Sénégal avec la réalisation des barrages de Diama et de Manantali ainsi que le projet des industries chimiques du Sénégal (Ics).

Le Sénégal, « trait d’union entre l’Afrique et le monde arabe »

Quant au présent sommet, le spécialiste estime qu’il permettra aussi de booster la coopération entre l’Afrique et le monde arabe qui sont « anciennes ». « Les relations entre l’Afrique et le monde arabe sont historiquement et géographiquement ancrées. N’oublions pas qu’un arabe sur trois est africain et trois quarts de la superficie du monde arabe se trouve sur le continent africain. La réalité géopolitique avec les réseaux transnationaux et les enjeux sécuritaires et de migration continuent de nous rappeler que le Sahara n’a jamais été une barrière infranchissable, mais une véritable mer intérieure qui a toujours invité à passer d’un rivage à un autre », a expliqué Dr Sambe.

Le professeur Sambe renchérit qu’au moment où l’on annonce la zone de libre-échange continentale et qu’aussi bien l’Afrique que le monde arabe sont dans une dynamique inédite et irréversible de diversification de leurs partenariats, une nouvelle chance s’offre pour les deux ensembles géopolitiques complémentaires à tout point de vue.

« L’entrée en jeu d’un Sénégal présidant l’UA et en tant que trait d’union, continuum socio-historique et géographique entretenant les meilleures relations avec ses pairs africains et ses partenaires arabes, pourrait être un avantage considérable pour propulser ces rapports à leur meilleur niveau jamais atteint”, considère le Directeur du Timbuktu Institute.

Le sommet se tient autour de l’enjeu de la réunification du monde arabe et le Sénégal en tant que pays entretenant de bonnes relations avec toutes les parties peut avoir un rôle important à y jouer. « Le monde arabe, comme tous nos pays, est traversé par des contradictions et des différends qui opposent les membres de la Ligue arabe. Je fais partie de ceux qui croient que le Sénégal, entre autres leviers, premier pays ayant accueilli un sommet de l’Organisation de la conférence islamique (Oci) en Afrique sub-saharienne, pourrait avoir un rôle déterminant dans le raffermissement de ces relations. Notre pays est l’un des rares du monde musulman à pouvoir parler à tous les autres ; c’est d’ailleurs cette posture qui a facilité la présence du Sénégal unanimement acceptée à ce sommet », dit l’observateur du monde arabe.

Retour du non-alignement ?

Dr Bakary Sambe voit dans la redynamisation de la coopération entre l’Afrique et le monde arabe la relance du non-alignement dans un monde où la division est exacerbée par le conflit entre la Russie et l’Ukraine. « C’est comme si l’ancien concept de non-alignement était en train d’être revitalisé et correspond parfaitement à l’esprit du tiers-mondisme des années 1950, suite à la fameuse conférence de Bandoeng à l’époque des leaders charismatiques du monde arabe et de l’Afrique comme Nasser et Nkrumah. Aujourd’hui, c’est une Afrique nouvelle qui rencontre un monde arabe qui s’interroge au moment où la présidence sénégalaise sous l’égide de Macky Sall est en train de réussir le positionnement de l’UA, comme une réalité géopolitique affirmée priorisant les intérêts stratégiques du continent et la diversification des partenariats comme réaffirmé lors du récent Forum de Dakar sur la paix et la sécurité », a souligné Dr Bakary Sambe.

Avec Timbuktu Institute

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