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RETABLIR LE DIALOGUE PARTISAN POUR ERADIQUER LA VIOLENCE EN POLITIQUE

Notre pays, le Sénégal, a toujours été réputé pour son culte du dialogue et de la paix entre les peuples. Le président Senghor a fait de ces préceptes l’armature de son offre théorique en mettant en avant les concepts de dialogue des cultures et des civilisations, de dialogue islamophobe-chrétien, de dialogue israélo-arabe, comme socles de la civilisation de l’Universel. Même si le dialogue politique intérieur a souvent fait défaut sous son magistère, il fût quelque part contrebalancé par la force du code sociétal de paix et de cordialité qui empreint les relations entre Sénégalais.

La répression senghorienne fût en effet implacable vis-à-vis de son opposition, du PRA/Sénégal, qui enregistra plusieurs morts lors de la manifestation des ex-Allées du Centenaire, jusqu’au PAI entré en clandestinité en passant par les étudiants engagés dans la lutte contre le néocolonialisme qui eurent à payer un lourd tribut en termes de morts, d’emprisonnements, d’enrôlements forcés dans l’armée durant la période 1968/1971.

Après 10 années de parti unique ou unifié, soit de l’absorption du PRA/Sénégal en 1966, à 1976, date de son entrée à l’Internationale socialiste, Senghor s’est résolu à revenir au multipartisme qui prévalait au lendemain de notre indépendance. Il lui fallait en effet s’aligner sur les standards démocratiques exigés pour pouvoir adhérer à cette organisation qu’est l’Internationale socialiste.

La réforme politique introduite par la loi 1976-01 du 19 mars 1976 limitait le nombre de partis à 3. Dans l’exposé des motifs de cette loi, était précisé qu’il « ne saurait exister simultanément plus de 3 partis politiques correspondant à des courants de pensée différents » (courant socialiste et démocratique, courant libéral et démocratique et courant communiste ou marxiste – léniniste), pour la raison qu’« une prolifération de partis politiques pourrait constituer un péril mortel pour le bon fonctionnement de la démocratie ».

On vit ainsi apparaître aux côtés de l’UPS/PS, le PDS d’Abdoulaye WADE déjà créé et autorisé en 1974 et le PAI de Majhmout DIOP.

Les autres formations politiques non homologuées restèrent encore dans une semi clandestinité jusqu’à l’arrivée d’Abdou Diouf au pouvoir den 1981 qui consacra le multipartisme intégral.

Aujourd’hui, dans notre pays, la violence politique et sociale est devenue un phénomène récurrent. La fréquence de la violence faite aux femmes et aux enfants a atteint un tel niveau qu’elle a largement entamé la capacité d’indignation.

La violence politique de sporadique est devenue endémique. Elle est passée par différents stades, à savoir les interdictions de manifestations, les emprisonnements d’opposants, les répressions de manifestants politiques parmi lesquels des leaders de partis potentiels acteurs du dialogue politique.

Avec l’arrivée de Macky Sall, les leaders ne sont pas embastillés pour des motifs politiques puisque ce sont plutôt des incriminations de malversation ou l’enrichissement illicite qui ont été invoqués pour Karim Wade et Khalifa SALL, ou alors d’offense au chef de l’Etat. Des condamnations ou des détentions qui présentent l’inconvénient pour ces leaders de semer le doute sur leur probité morale.

L’hémicycle de l’Assemblée nationale est devenu un autre point chaud de la violence politique. Cette violence s’exprime ouvertement tant au plan verbal qu’au plan physique, et s’apparente même à une forme de haine.

L’intervention d’un député Benno Bokk Yaakaar, lors de la présente séance budgétaire, incitant à ligoter et jeter à la mer les opposants récalcitrants, sous le regard d’un Président de l’institution impassible, et sans réaction de la hiérarchie du parti au pouvoir ni de l’opposition, a fini de renseigner sur l’état de délabrement moral de l’institution et surtout de l’indifférence des Sénégalais qui regardent tout cela de loin.

Dans la même séance, l’injure proférée à l’endroit d’un chef religieux par une députée du parti au pouvoir et la réponse physique d’un autre député du camp adverse laissent penser que l’hémicycle sera un autre champ sur lequel des coups de toutes sortes seront sans nul doute échangés d’ici peu. A la place du dialogue vivant et fructueux qui était la marque de fabrique du Sénégal sous le magistère du président Senghor, on a désormais droit à un dialogue de sourds. C’est le temps de l’invective, de l’insulte, des menaces, du « si tu fais le fou, je suis plus fou que to », renvoyant dos à dos les protagonistes à la même folie. La violence est également dans la répression excessive des forces de sécurité sur les manifestants.

 Le slogan « Force restera à la loi » compris au sens « nous utiliserons la force pour vous contraindre » est des plus dévastateurs pour la pacification de l’espace politico-social. Il rappelle les fameux propos attribués au défunt président du Conseil de gouvernement, Mamadou DIA, en direction des syndicats auxquels il disait : « kou mbame mbamlou, ma laobé laobélou » qui auront brouillé son legs politique et économique que l’on peut considérer comme l’un des plus importants au profit de notre pays.

Dans les réseaux sociaux, les activistes généralement proches de l’opposition, font des « live » de longue durée et très suivis pour dénoncer, au quotidien, les turpitudes d’hommes politiques et de gestionnaires de fonds publics du camp du pouvoir, faire des incursions dans leurs vies privées et distiller des informations qui aujourd’hui ont une influence sur une bonne partie de l’opinion, en particulier les jeunes, insatisfaits de la couverture de l’information par les médias « mainstream ».

Le contexte qui prévaut à 15 mois de l’élection présidentielle de 2024, ne laisse pas augurer, toutes choses égales par ailleurs, la tenue de consultations électorales apaisées. La candidature de Macky Sall à un 3ème mandat est contestée par une opposition s’en tenant aux déclarations du chef de l’Etat, tandis que celle du principal opposant, Ousmane Sonko, est menacée par l’affaire Adji Sarr, dont la procédure tire en longueur au regard des contraintes du calendrier électoral.

Le danger pour la paix intérieure réside dans le fait qu’Ousmane Sonko est une forme de résurgence d’un Abdoulaye WADE des années 88/90, en ce qu’il incarne les aspirations de la jeunesse à un mieux-être. Aussi l’affaire Adji Sarr est-elle considérée par cette jeunesse comme un obstacle dressé par le pouvoir pour éliminer le leader de Pastef de la course.

Les menaces proférées dans les camps respectifs ont contribué à durcir les positions au point que la confrontation multiforme semble inévitable. Se rajoute à ce climat délétère, l’affaire des militaires disparus dont l’un a été retrouvé sans vie. Cette affaire prend une dimension de plus en plus large.

 Rappelant que les disparus sont des agents du président de la République et s’inquiétant du silence de « cimetière » surprenant du gouvernement du fait de l’appartenance à l’IGE de l’un d’entre eux, le maire de Kafountine a directement interpelé le gouvernement et le chef de l’Etat pour une urgente prise de parole destinée à éclairer des populations dans le désarroi. Pour ôter toute suspicion, il est indispensable que l’autosaisine du procureur de la République aboutisse au rapide jaillissement de la lumière sur cette affaire.

A notre sens, cette affaire de militaires disparus porte en elle les germes d’une division sociétale et de rupture de confiance vis-àvis des institutions du pays. Elle suit de près l’affaire Mankabou, qui, elle-même, avait fait l’objet de suspicion quant aux causes de la mort de ce garde du corps proche de Sonko.

Le règlement de toutes ces questions en suspens est urgente, au regard du contexte. Un tel règlement exige l’accélération des procédures ainsi que des prises de décisions de justice incontestables. Le Sénégal doit revenir à ses fondamentaux de paix et de dialogue comme mode de résolution des conflits politiques ; en son temps, les présidents Diouf et Wade en avaient admis la nécessité, et cela avait ouvert une période de paix de 1991 à 2000.

 Des initiatives de médiation doivent voir le jour dans l’immédiat pour convenir entre acteurs politiques des marges de consensus politiques acceptables pour aller vers des consultations apaisées. Il y va de la sécurité du Sénégal et des Sénégalais à l’heure où les appétits pour les ressources de notre sous-sol sont grandes pour les prédateurs en tous genres.

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