PELÉ, UN ROI QUI N’A JAMAIS ÉTÉ DÉTRÔNÉ
Quelle tristesse ! Le Roi Pelé a quitté ce monde qu’il a dominé grâce à la magie du ballon rond. Né le 23 octobre 1940 à Três Corações, dans l’État du Minas Gerais, au nord de Rio de Janeiro, il avait été fut découvert par le détecteur de talents Valdemar de Brito qui mît tout son talent de négociateur pour convaincre sa mère (Dona Celeste) de lelaisser jouer au ballon rond. Une mère qui refusait en effet systématiquement que son fils arpenta le chemin de son père, ancien footballeur de Vasco de Gama, dont la carrière avait été écourtée par une méchante blessure au genou qui avait mis fin à sa carrière. Valdemar de Brito séjourna plusieurs jours à Três Corações pour discuter avec le père, Dondinho, avant finalement convaincre Dona Celeste, la mère, très attachée à son fils.
Les premiers pas du jeune prodige au Santos n’étaient pas très faciles, le club faisant partie de la crème du football brésilien, surtout en attaque où régnait un avant-centre de génie, un certain Vasconcelos. Pelé avait à peine 15 ans. L’entraîneur Lula l’ayant mis immédiatement dans le bain, il termina un match contre Porto Alegre eau cours duquel il marqua le but égalisateur
Au prochain match qui était un derby contre Botafogo, ce dernier club étant alors à la tête du championnat avec les Didi, Garrincha et autres, Pelé marqua 2 buts et signa la victoire du Football Club de Santos.
Devenu titulaire à 16 ans, il fut sélectionné dans l’équipe nationale du Brésil. Là aussi, les dieux du football se penchèrent pour lui offrir une nouvelle chance.
En effet, sélectionné à 17 ans il n’était pas titulaire pour autant car un fantastique avant-centre occupait le poste, il s’appelait Mazzola (à ne pas confondre avec celui de l’Inter de Milan), de son vrai nom José Joao Altafini. Mazzola, qui, après la Coupe du monde de 1958, rejoignit l’AC Milan en changeant de nationalité avant de participer à la Coupe du monde de 1962 sous les couleurs de l’Italie
Blessé gravement contre le Pays de Galles, il fut immédiatement remplacé par Pelé qui marqua l’unique but de lapartie. Ce qui ouvrit au Brésil les portes des demi-finales contre la France. C’était en 1958 en Suède. Son talent explosa devant les Kopa, Fontaine, Piantoni, etc.. Pelé marqua 3 buts lors de cette rencontre de demi-finale. Le plus normalement du monde, il fut aligné en finale contre le pays organisateur, la Suède, où régnaient deux attaquants de talent (Skoglund et Hamrin). Il signa un doublé et devint, à 17 ans, le plus jeune avant-centre champion du monde ! Il le demeura jusqu’à sa mort, ce 29 décembre 2022.
Pelé était un footballeur hors-pair, incomparable. Son talent immense était basé sur l’agilité, la rapidité, la vision du jeu. Qui ne se souvient pas de son match contre le Benfica Football de Eusebio à l’occasion de la coupe intercontinentale de 1962 ? Vainqueur difficilement au Brésil (3 à 2), Pelé humilia Benfica à Lisbonne même avec un score de 5 à 2 dont 3 buts marqués par lui. A cette occasion, Coluna, le milieu de terrain portugais surnommé ‘’Le Monstre Sacré’’ avait dit que Pelé n’était pas de ce monde. Selon lui, c’était une étoile tombée d’une galaxie lointaine pour dominer le football.
Qui ne se souvient pas du match contre Peñarol de Montevideo ou régnait un certain Spencer, vainqueur de la Coupe intercontinentale de 1961, en finale de Libertadores ? Au bout de trois matchs, les coéquipiers de Pelé prennent le dessus sur ceux de Spencer grâce à un doublé du Roi dans le match d’appui.
On a surtout tenté de le comparer à d’autres. Mais Pelé, c’est Pelé, un don de Dieu unique au monde. C’est Chumpitaz le Péruvien qui disait de lui, quand on a voulu le comparer à l’avant-centre péruvien Théophile Cubillas que Pelé était unique au monde de la cime des cheveux à la pointe des pieds et qu’il était de loin le plus grand joueur de tous les temps devant les Leonidas, Zico, Ronaldo, Di Stephano, Ronaldinho, Messi, Neymar, etc…
Quant à sa comparaison avec Maradona, une image est restée gravée dans ma mémoire quand j’ai vu Maradona embrasser Pelé sur une chaise roulante. Comme quoi, le talent unit toujours les talentueux.
Malgré son pied gauche magique, Maradona, comme disait un critique sportif, ne se servait de son pied droit que pour monter dans sa voiture. Un autre handicap, Maradona n’était pas bon de la tête, on peut compter ses buts marqués de la tête (sauf la main de Dieu). Il n’avait pas la résistance ni la vitesse, la course déroutante et la pluralité du dribble de Pelé. Il s’y ajoute la lourdeur de la frappe des deux pieds du Roi à qui il arrivait de tirer les penaltys du pied gauche. Quant à son jeu de tête, demandez à Gordon Banks, le gardien de but anglais. Pelé avait une détente surréelle, une puissance incomparable de résistance aux coups interdits (malgré les agressions d’un certain Moraïs en 1966). Son jeu collectif frisait le perfectionnisme au plus haut sommet (la passe à Carlos Alberto en 1970 contre l’Italie en finale). Il a couru un jour les 100 mètres en 12 secondes, 50, effectué le saut en longueur à 5, 88 mètres. Ce n’est pas pour rien que le CIO a fait de lui l’athlète du siècle et la FIFA le footballeur du siècle.
On a essayé de le comparer au Hollandais volant Johan Cruijff, mais le jeu individuel et le manque de respect de certains de ses partenaires de ce dernier ne furent pas des atouts majeurs, malgré son immense talent.
Quant à Eusebio, il lui manquait la vivacité de dribble de Pelé. Pelé était inégalable. Au moment du choix de Tostao de Cruzeiro de Belo Horizonte qui, lors de la finale de 1969, humilia Santos (6 – 2 avec la triplette Tostao, Dirceu Lopes, Alcindo), il fit tout pour que Tostao soit à ses côtés.
Mes trois rencontres avec le Roi Pelé !
J’ai eu la chance de voir Pelé jouer à plusieurs reprises. D’abord en 1964 à Paris. J’étais dans la Marine française, Santos rencontrait une sélection Saint – Etienne – Marseille. La Marine avait bénéficié d’une vingtaine de cartes d’invitation en sa qualité de championne militaire du Var. Ce jour-là, un Africain avait fait un véritable récital, il s’appelait Salif Keïta ‘’Domingo’’. Le match se solda sur un résultat nul (3 buts partout) avec 2 buts de Pelé et 2 buts de Domingo. Avec ma tenue de la Marine française, le service d’ordre me laissa approcher l’équipe brésilienne mêlée aux footballeurs français. Bien sûr, j’obtiens mon autographe. Je réalisais ainsi un vieux rêve de jeunesse en serrant pour la première fois de ma vie la main du Roi.
La deuxième fois, c’était à Dakar en 1967 lorsque le Brésil et Pelé ont disputé un match contre une sélection du Cap-Vert
Porté à la tête du Fesman III en 2005, j’ai tenté à plusieurs reprises de l’inviter pour donner le coup d’envoi d’un match entre une sélection du Brésil contre une sélection africaine. Mais malgré l’insistance du ministre Gilberto Gil, Pelé ne pouvait pas venir à Dakar à cause d’un contrat avec la puissante chaine brésilienne TV Globo qui gérait son image. C’était en 2006 en ma qualité de Coordonnateur Général du Fesman III.
La troisième fois, c’était à Copacobana où les anciennes gloires du football brésilien se rencontraient à la plage pour jouer ou simplement se promener. C’était en 2006. Il y avait d’autres anciennes gloires (Bebeto, Romario, Luis Pereira, Pepe, etc…). Là aussi, je pus obtenir mon deuxième autographe malgré la bousculade.
Pelé était un génie et, comme tous les génies, il dépasse les frontières de l’Histoire car appartenant à la légende. Il fut en effet :
Le seul joueur à gagner 3 coupes du monde
Le seul joueur à gagner la coupe du monde à 17 ans.
Il sera à jamais gravé dans les limbes de l’histoire grâce à la magie du ballon, lui qui revendiquait tout le temps ses origines africaines et son admiration du football sénégalais. Il citait parmi les joueurs de notre pays qui l’ont impressionné Hamady Thiam et Abou Diop qui le marquait lors du match contre la sélection du Ca-vert. Il était fasciné par Thiam, « le géant » comme il l’appelait, mais aussi par la défense en ligne sénégalaise. Pelé fît du football un art, un poème lyrique fait d’alexandrins et de rythmes, d’imagination, de créations et de métaphores
Quand le Fesman III lui proposa le lancement officiel à Sao Paulo, il nous demanda de le faire plutôt à Salvador de Bahia, ce qui prouvait son attachement à la terre de ses ancêtres. L’argument massue qu’il avait avancé, c’est que Salvador était à 80 % noire ! Preuve, s’ilen était, de tout l’attachement qu’il donnait à ses racines, à l’Afrique.
En compagnie de Jean Pierre-Pierre Bloch, Directeur technique et du programme du Fesman, de Youssou Bâ, Conseiller Spécial du Président de la République du Sénégal, de George Andrade, Président des Fédérations des Caraïbes, de Flora Benitez, Chargée de communication de la Fondation Palmeiras, des Ambassadeurs du Sénégal et du Brésil, le Roi nous avait fait l’honneur de nous recevoir dans son immense domaine. Dans la grande salle, un écran de télévision géant où défilaient en permanence les 1000 buts de Pelé. Un film intitulé Rei Pelé, « Le Roi Pelé » entrecoupé du 1000e but et à la fin de la rencontre où le public debout criait « FICA !», qui signifie reste en français. Cette audience nous avait offert l’occasion de passer un jour inoubliable avec Pelé. Avant tout, il avait regretté ses absences pendant notre séjour au Brésil parce qu’il était aux Etats-Unis
Il disait que deux étapes l’avaient marqué lors de la tournée africaine du Brésil. Dakar d’abord en 1967. C’est alors qu’il décrivit Thiam (le géant comme il l’appelait). L’autre étape, c’était celle d’Ethiopie où le protocole souhaitait qu’il monte saluer Hailé Sélassié (le Roi). Mais le public s’y était opposé en soutenant qu’au temple du football, il n’y avait qu’un seul Roi et il s’appelait Pelé. Le Négus Hailé Sélassie avait fini par descendre de la tribune pour venir venir saluer Pelé !
Il répétait souvent que le Malien Salif Keïta « Domingo » était le meilleur footballeur africain. C’est la raison pour laquelle, pour lancer le football aux USA, il l’avait emmené avec lui au Cosmos de New-York.
Sa couronne dorée et son trône resteront à jamais attachés à ses prouesses, son talent, son génie du ballon rond car Pelé était le seul Roi qui ne sera jamais détrôné. Il restera pour toujours ‘’Rei Do Mundo’’, Roi du monde, lui, Edson Arantès Do Nascimento, le divin fils de Dondinho et de Dona Celeste. Qu’il repose en paix pour l’éternité !
Alioune Badara Bèye est ancien footballeur (ASFA – J A) – Ecrivain