“SONKO EST OUT”
Se référant à la présidentielle de 2024, il lance, sans vouloir s’attarder plus longtemps sur la question : “Sonko est out“. Dans de nombreux salons dakarois, de telles prédictions sont prononcées au quotidien. Mais celle-ci est différente. Ce n’est pas un spéculateur qui anticipe, ce n’est pas un analyste qui conclue, ce n’est pas non plus l’inconditionnel militant de l’APR qui exprime son désir. “Sonko est out“, c’est l’un des responsables au plus haut niveau de l’État qui l’affirme en toute confidence à l’un de ses amis politiques. Et quelques jours plus tard, il le répète à nouveau : “il est out et toutes les mesures de contrôle des effets de débordement sont prises“. En fait, ce leader de l’APR, responsable au plus haut niveau, ne fait que confirmer ce qui se dessine sous nos yeux depuis le 8 mars 2021, cinq jours après le déclenchement des émeutes sanglantes.
Le scénario est écrit. Les dernières pages laissent entrevoir un épilogue qui pourrait être sanglant mais pour les tenants du pouvoir, cela semble en valoir la chandelle parce que la mainmise sur un “État“ ne se lâche pas dans la facilité, la paix et l’harmonie. Le titre du synopsis en dit suffisamment long : “Un mortal kombat“.
Encore une fois, l’histoire se répète au moins deux fois sinon plus. “La première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide“. La première fois, c’est l’élimination de Khalifa Sall de la course présidentielle de 2019, la seconde fois ce sera celle d’Ousmane Sonko en 2024. La binarité tragi-comique peut apparaître dans l’ordre inverse de celui proposé par Marx. La farce sordide, c’est celle de 2019 mais sa duplication historique pour 2024 pourrait être la grande tragédie.
Oui, depuis le 8 mars 2021, en réponse à l’annonce d’un “mortal kombat“ d’Ousmane Sonko, Macky Sall, de son côté, a commencé à se préparer minutieusement. Pour lui également, la réponse doit être absolue et définitive. Sa perspective à lui également est celle d’un “mortal kombat“.
Du 3 au 8 mars 2021, la rue, les jeunes en particulier, font chanceler son pouvoir de président de la République qu’il pensait peut-être inébranlable. Et là s’enclenche l’élaboration d’un plan retors et papelard de mise à l’écart de la course à la présidentielle de celui qui non seulement est, de toute évidence, l’un des hommes politiques les plus populaires du pays, mais qui en plus bénéficie d’un contrôle réel et effectif sur la rue, jamais vu au Sénégal, pas même à l’époque où le pape du Sopi, au zénith de sa popularité, était tout feu tout flamme.
Deux ans de préparation. Rien n’a été laissé au hasard. De la mise à l’écart des opérations d’officiers des forces de sécurité aux largesses à l’endroit des dignitaires religieux, en passant par le renforcement des équipements répressifs et l’embastillement d’influenceurs irrévérencieux. Contrairement à ce qui se dit à satiété dans l’espace public, la question du troisième mandat est secondaire. L’objectif principal de Macky Sall est la neutralisation politique d’Ousmane Sonko. Tout sauf Sonko ! Pour le reste, le président sortant s’accommodera de la réalité des rapports de force.
Une présidentielle ouverte avec Khalifa Sall, Amadou Ba, Mimi Touré, Thierno Alassane Sall, Malick Gakou, Birame Souleye Diop ou Bassirou Diomaye Faye ou tout autre candidat de Pastef, et peu probablement Karim Wade et Idrissa Seck, organisée par un président sortant, cela aura de quoi redorer fortement le blason d’un homme dont l’impopularité semble s’accroitre au fil des jours. Comme Senghor, Diouf et Wade, il pourra quitter ses fonctions dans la dignité et peut-être même une certaine admiration à l’extérieur du pays. Pourrait même s’ouvrir à lui une nouvelle carrière dans la diplomatie internationale.
A moins que trop de sang dans le “mortal kombat“ n’ait été versé pour en arriver là…