REPENSER LES TRANSITIONS DÉMOCRATIQUES EN AFRIQUE DE L’OUEST
Nous, participants au Colloque International de haut niveau organisé par le Think Tank AfrikaJom Center venus d’horizons divers des pays de l’Afrique de l’Ouest et d’au-delà ;
Réunis à Dakar les 8, 9 et 10 mars 2023 sur le thème « Repenser les transitions démocratiques : réinventer la démocratie et l’Etat de droit en Afrique de l’Ouest » ;
Préoccupés par la crise de l’Etat de droit, de la citoyenneté et de la démocratie, l’inclusion des jeunes, des femmes, des religieux et coutumiers, les enjeux sécuritaires, les défis de la gouvernance, la cohérence des politiques publiques, économiques, sociales, culturelles et écologiques, l’impact de la révolution numérique et digitale sur la démocratie dans les pays de l’Afrique de l’Ouest ;
Ayant examiné l’évolution du contexte ouest africain marqué par le terrorisme et l’extrémisme violent, la montée de l’intégrisme religieux, la résurgence des coups d’Etat, l’insécurité, la remise en cause de la limitation du nombre de mandats présidentiels, le rétrécissement de l’espace civique avec son corolaire d’atteinte à l’Etat de droit et la militarisation des transitions démocratiques ;
Convaincus de l’importance du récit africain dans les constructions démocratiques et du respect des droits humains ;
Rappelant les principes et valeurs de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le protocole de Maputo additionnel à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance, le Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance ainsi que la Charte africaine de la jeunesse ;
Soulignant que les femmes et les jeunes doivent être des partenaires stratégiques pour la refondation des démocraties en Afrique de l’Ouest par le biais de la renégociation du nouveau contrat social ;
Reconnaissant les mutations des systèmes de représentation classique de la démocratie provoqué par le fait de l’irruption du numérique et du digital dans l’espace public et politique ;
Encourageons la société civile ouest-africaine à continuer de jouer son rôle de veille et d’alerte, de sentinelle de la démocratie en contribuant à repanser nos démocraties en crise ;
Attachés à la paix civile et à la stabilité démocratique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ;
Invitons la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Africaine à poursuivre efficacement leurs soutiens aux transitions démocratiques ;
Appelons les Etats et les gouvernements de l’Afrique de l’Ouest à mettre en œuvre les recommandations suivantes :
Promouvoir l’éthique, la garantie de la transparence et la sécurité humaine en liant d’une part la démocratie, l’Etat de droit et l’économie, mais aussi par l’effectivité des droits sociaux, économiques et culturels par la mobilisation de l’intelligence collective tout en misant sur les richesses endogènes ;
Travailler davantage pour garantir l’indépendance de la justice et du pouvoir judiciaire et mettre fin à l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques et répressives ;
Prévoir dans les constitutions africaines la possibilité pour le juge constitutionnel d’opérer un contrôle a priori ou préventif de constitutionnalité des lois référendaires avant leur soumission au vote, afin d’éviter les fraudes à la constitution et à la loi électorale qui font le lit aux troisièmes mandats, source d’instabilité chronique en Afrique ;
Inscrire dans les constitutions la possibilité de destitution des élus qui ne sont plus en phase avec les aspirations et exigences du peuple, à travers des mécanismes de démocratie semi-directe (un vote d’initiative populaire, droit de pétition, droit d’interpellation populaire, référendum local, mandat impératif encadré…)
Promouvoir l’éducation politique du peuple et des gouvernants, à la citoyenneté active, au patriotisme, au respect de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit par l’institution de l’éducation civique à l’école ;
Renforcer le rôle des Parlements nationaux et de la CEDEAO afin qu’ils se mettent au service de la paix et de la stabilité démocratique ;
Faire intégrer dans le Protocole additionnel de la CEDEAO, la règle de la limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs à deux, afin d’épargner les pays des crises et des conflits dans la sous-région ;
Inviter les pays en transition militaire à organiser une transition démocratique encadrée, inclusive et apaisée à travers l’ouverture de l’espace civique, le respect des libertés fondamentales et la libération des détenus politiques ;
Renforcer le développement du leadership féminin ;
Promouvoir la forte participation des jeunes à la délibération publique ;
Renforcer la formation des organisations de la société civile à une citoyenneté africaine républicaine, patriotique, capacitaire et responsable ;
Favoriser le développement de nouveaux mécanismes contre le présidentialisme excessif en Afrique en renforçant l’indépendance des organes de contre-pouvoir ;
Inciter les Organes de Gestion des Elections à plus de neutralité, de transparence et de professionnalisme dans la conduite du processus électoral ;
Mettre en relief le récit africain dans l’éducation, la culture et la mémoire collective.